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Mascarade de justice et puissante charge anticolonialiste

Publié le par Michel Monsay

Mascarade de justice et puissante charge anticolonialiste

Hélier Cisterne, réalisateur de la série Le monde de demain et de plusieurs épisodes du Bureau des légendes, adapte un roman de Joseph Andras paru en 2016, qui relate un fait divers méconnu de la période des prémices de la guerre d’Algérie, en 1954. Au centre du récit, Fernand, un jeune Français installé en Algérie, militant communiste qui s’engage pour l’indépendance du pays, encore colonie française, et qui finit par être condamné pour avoir posé une bombe, impropre à faire la moindre victime, sur son lieu de travail. Ce personnage est interprété avec une belle sobriété par Vincent Lacoste, qui ajoute à sa froide détermination son éternelle lueur enfantine. Du contexte historique, le réalisateur n’évacue aucun sujet polémique, que ce soit la justice militaire aveugle et punitive, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires, et le rôle joué par François Mitterrand, à l’époque garde des Sceaux, dans la condamnation à mort du héros. En aplomb de cet aspect très documenté déjà passionnant en soi, le film propose une poignante histoire d’amour. Ce jeune Fernand tombe amoureux d’Hélène, lumineuse Vicky Krieps. Cette romance contraste avec la violence de la lutte. La double temporalité du film associant par flash-back la rencontre du couple et l’arrestation du militant met en évidence la dualité d’une trajectoire de vie. Le contraste est aussi celui d’un pays méditerranéen dont la lumière et la chaleur sont assombries par une violence inouïe. Le film oscille entre des postures ambivalentes, tiraillé entre passion et conviction, normalité et bravoure, fragilité et puissance. Fernand est une figure de la résistance presque malgré lui, il est surtout un modeste ouvrier au tempérament instinctif pris dans la tourmente d’une période peu ordinaire. Le film montre à quel point une guerre peut révéler les individus, leur donner une grandeur comme les détruire. Pour y parvenir, le cinéaste emploie le format 35 mm, et opte pour une mise en scène sobre et rigoureuse, qui rappelle le cinéma de Jean-Pierre Melville, privilégiant le déroulement précis des événements sans chercher à éclairer les zones d’ombre et sans s’encombrer des artifices de la reconstitution historique. En même temps qu’interroger la représentation d’une guerre, Hélier Cisterne pose un regard passionnant et singulier sur l’engagement et son impact sur l’intimité d’un couple.

De nos frères blessés est à voir ici pour 2,99 € en location.

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Un thriller paranoïaque à la Hitchcock

Publié le par Michel Monsay

Un thriller paranoïaque à la Hitchcock

Tourné en 1971, Un frisson dans la nuit porte en germe les motifs et obsessions de l’œuvre à venir de Clint Eastwood. L'acteur a quarante ans quand il passe derrière la caméra. Son rôle dans la série télévisée Rawhide et sa fructueuse collaboration avec Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Le Bon, la brute et le truand) ont assis sa notoriété. Important à plus d'un titre, Un frisson dans la nuit a inspiré à l'évidence des thrillers tels que Liaison Fatale ou Basic Instinct. Le film inaugure aussi la place de choix que le jazz (Bird) et la musique en général (Honkytonk Man) vont occuper dans la filmographie de Clint Eastwood. Le réalisateur intègre ici des séquences live, prises pendant le festival de jazz de Monterey, en septembre 1970. Tourné entièrement en décors naturels, le film célèbre aussi un certain mode de vie californien et un amour déjà bien enraciné pour la ville de Carmel, dont Clint Eastwood deviendra le maire en 1986. La copie restaurée rend justice à la Côte Ouest et à ses couleurs chaudes et chatoyantes. D'étonnantes scènes d'amour bucoliques, entre le personnage principal et sa fiancée, ajoutent à la sensualité de l'ensemble. Elles décalent le genre et achèvent de donner au film sa forme digressive. On reconnaît là encore la posture d'un auteur en germe, chez qui le genre n'est guère figé et où les codes sont détournés régulièrement. Parangon de la puissance masculine, pour sa première réalisation, Clint Eastwood prend des risques et écorne son image, comme il le fera régulièrement tout au long de sa carrière. Déjà un an auparavant dans Les Proies qu'il tourne sous la direction de Don Siegel, et qui narre le calvaire subit par un caporal nordiste blessé durant la Guerre de Sécession, recueilli dans un pensionnat de jeunes filles sudistes où il est peu à peu dévirilisé. Plus antihéros que jamais, Clint Eastwood aurait pu faire marche arrière, revenir à ses rôles de cowboy flegmatique. Mais il poursuit dans la même veine, sombre et ambiguë, et réalise un premier film très réussi dans lequel il joue un Don Juan pris à son propre piège, tout au long d'une intrigue anxiogène qui monte crescendo et nous tient en haleine.

Un frisson dans la nuit est à voir ou revoir ici pour 2,49 € en location.

Un thriller paranoïaque à la Hitchcock
Un thriller paranoïaque à la Hitchcock

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Sous les costumes, un vrai et grand Scorsese

Publié le par Michel Monsay

Sous les costumes, un vrai et grand Scorsese

Avec ce superbe film sorti en 1993 entre Les affranchis et Casino, Martin Scorsese semble seulement en apparence s’éloigner de son univers habituel de gangsters et de violence, mais le résultat est identique : les individualités sont écrasées. Il nous montre ici dans un autre monde et une autre époque, un groupe pareillement fermé, où l’individu doit suivre et respecter une codification très compliquée s’il veut en rester membre. Les armes à feu sont remplacées par des actes anodins en apparence, mais en fait terribles de conséquences : une poignée de mains qui tarde à venir, une invitation soit-disant oubliée pour une soirée où tous les autres sont conviés, de longs conciliabules pour décider de l’avenir d’un tiers... Tout concourt à nous faire sentir l’étouffement de cette société ultra codifiée qui écrase l’individu. Dans une débauche de luxe et richesse, rien ne doit être laissé au hasard, une voix off confiée à Joanne Woodward nous le confirme. La mise en scène flamboyante entraîne le triangle amoureux dans une inexorable spirale, avec une apparence feutrée qui rend leur destin d’autant plus terrible. Quand l’aristocratie new-yorkaise de 1870 est filmée comme une mafia, cela donne l’un des films plus atypiques, et possiblement l'un des plus beaux de toute l'œuvre du grand cinéaste. Aussi feutré et raffiné que ses films les plus célèbres sont brutaux et tapageurs, mais tout aussi cruel, il propose, à travers l’histoire, inspirée d’un roman d’Edith Wharton, d’une passion réprimée entre deux libres penseurs de la haute société new-yorkaise de la fin du XIXe siècle, une splendide méditation sur les regrets, les renoncements, et le travail impitoyable du temps. Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder servent admirablement cette histoire, notamment les deux premiers qui sont époustouflants de nuances dans l’intensité de la passion qui les ravage. D'autant que la mise en scène virtuose de Martin Scorsese est le parfait écrin pour faire de ce film, légèrement sous-estimée à l'époque, une œuvre majeure que l'on prend un bonheur infini à voir ou revoir.

Le temps de l'innocence est à voir ici pour 2,99 € en location.

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Eblouissante plongée dans un univers hors du temps

Publié le par Michel Monsay

Eblouissante plongée dans un univers hors du temps

Hirokazu Kore-eda, le grand cinéaste japonais, Palme d'or à Cannes pour Une affaire de famille, et auteur entre autres des superbes Nobody Knows, Still walking, ou Tel père, tel fils, nous offre une magnifique série dans laquelle il n’y a ni suspense ni dénouement. Rien que la vie à l’encre blanche, celle qui irrigue les films du maître Ozu. Tout d'abord, cette série nous permet d'apprendre trois mots : la makanai, la maiko, la geiko. La première cuisine, la seconde est une apprentie geisha, la troisième est confirmée dans l’art de plaire à des messieurs très raffinés, qui ne la touchent jamais, mais la regardent danser, chanter, jouer de la musique, ou leur tenir compagnie avec un art ancestral dans des bars bien fréquentés. Contrairement à un mythe tenace, les geishas ne s’adonnent pas à la prostitution, ce sont des artistes indépendantes, souvent bien plus libres que les femmes mariées. Le cinéaste filme toutes ces nuances d’une culture traditionnelle bien vivante dans le Japon contemporain, mais aussi l'art de cuisiner à travers des plans d'une grande beauté sur la préparation des plats. D'ailleurs, tout dans cette série relève de la grâce, de l'élégance et tend vers la perfection. Ce récit d’apprentissage de deux jeunes filles, d’une poésie irrésistible, est aussi une très touchante histoire d'amitié, et un tableau fin de la condition humaine, de la solitude, du lien, de la beauté si éphémère, de tout ce qui se joue à chaque instant dans une vie. Le temps passe, la neige tombe, l’enfant chrysalide deviendra une femme papillon qui volette dans un kimono aux couleurs de paradis. Cette peinture ascétique dissimule une délicate apologie de la gourmandise et de l’amour, quelle que soit sa forme. Petit bijou de douceur, de raffinement, de bienveillance, cette série est l'une des toutes meilleures que Netflix ait jamais proposée, où l'art et la force de Hirokazu Kore-eda sont de soutenir notre intérêt en dehors de tout enjeu dramatique conflictuel, en nous emmenant à la découverte d'un univers très secret totalement fascinant.

Makanai, dans la cuisine des maiko est à voir ici sur Netflix.

Eblouissante plongée dans un univers hors du temps
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Récit poignant d’une amitié douloureuse et éternelle

Publié le par Michel Monsay

Récit poignant d’une amitié douloureuse et éternelle
Récit poignant d’une amitié douloureuse et éternelle

Deux jeunes filles lumineuses, une histoire d’amitié adolescente presque ordinaire mais finalement hors norme car emportée dans le bruit et la fureur de l’idéologie nazie. Sombre, violente mais en même temps joyeuse, cette adaptation du livre d’Alison Leslie Gold, évoque l’amitié réelle entre Hannah Goslar et Anne Frank, dans une Amsterdam placée sous la botte nazie dès le début 1940. Jouant avec les émotions, le récit oscille en permanence entre l’insouciance de la jeunesse et la dramatique réalité des exactions des soldats allemands, d'abord dans les rues d'Amsterdam puis dans le camp de Bergen-Belsen, à l’atmosphère lourde, brutale et nauséabonde. Réalisée sans pathos par le néerlandais Ben Sombogaart, l'histoire de ces deux adolescentes de 13 ans, soudées et à la fois rivales, vivant avec courage un quotidien perturbé par le port de l’étoile jaune, les interdictions et les humiliations, bouleverse évidemment et montre une facette inédite de l’adolescence d’Anne Frank, qui reste un des plus grands symboles de l'extermination des juifs. Ce film interprété et mis en scène avec justesse a aussi la mission de rappeler, encore et toujours, l’horreur de la Shoah, afin de ne jamais oublier.

Anne Frank, ma meilleure amie est à voir ici sur Netflix.

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Une minisérie poignante sur les années sida à Londres

Publié le par Michel Monsay

Une minisérie poignante sur les années sida à Londres
Une minisérie poignante sur les années sida à Londres

Russell T. Davies nous avait balancé en 2019 un uppercut émotionnel dans la série Years and Years, imaginant un futur terrifiant et malheureusement prophétique sur la montée du populisme en Occident, avec notamment une Emma Thompson en femme politique ultra conservatrice pour ne pas dire d'extrême droite, qui faisait froid dans le dos. Mais le créateur de séries sait être tout aussi dévastateur pour évoquer le passé, le sien et celui de son amie d’enfance, avec ce portrait croisé d’une bande d’amis et de colocs du Londres des années 1980. Effervescente et pleine d'humour autant que d'émotions et de drames, It's a Sin, remarquablement écrite et mise en scène, bouleverse aussi grâce à la qualité de son interprétation. A travers le parcours des cinq héros, l'horreur du début de l'épidémie de sida prend toute son ampleur : l'ignorance fatale autour de la maladie, la prise en charge indigne des malades, la stigmatisation de toute une communauté et l'aveuglement buté des autorités. Le propos, bien sûr, est éminemment politique. It’s a sin fait le récit de l’indifférence coupable de la société de l’époque à l’égard du fléau du Sida, sur fond d’homophobie galopante. Les personnages, très attachants, font bloc pour lutter contre la honte, contre l’intolérance et les conservatismes. Malgré la mort qui rôde, cette minisérie, porté par sa bande originale riche en tubes, irradie d’une euphorie chavirante. Le force du scénariste est de parvenir à donner vie à une histoire pleine de nuances qui montre bien que les héros eux-mêmes ne prennent pas la mesure du danger qui les guette. Rien n'est noir ou blanc dans ce scénario, qui ne cède jamais au pathos, c'est l'humanité qui l'emporte avec tous ses défauts et ses débordements d'énergie. Le sujet, vous l’aurez compris, est tragique, et pourtant il s’en dégage un très bel élan de vie.

It's a sin est à voir ici pour 4,99 € en location.

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La course à l'audience au détriment de la mission de bien informer

Publié le par Michel Monsay

La course à l'audience au détriment de la mission de bien informer

Cette minisérie australienne suit ses personnages superbes d’ambivalence, dans le décor plein de drames d’une chaîne de télé des années 80. Profession : reporter plonge ainsi dans les coulisses d'une rédaction à travers le destin d’une dizaine de personnages. Elle dépeint avec acuité une époque, les années 80 en l’occurrence, et reflète des questions de société. Notamment les rapports homme-femme. Il faut entendre les remarques désobligeantes du rédacteur en chef à l'égard de la présentatrice. Des reproches sur son habillement, son physique, ses relations intimes... La fiction s’appuie ainsi sur des dialogues trop souvent entendus au cœur des rédactions. Au gré des six épisodes, il est donc question de misogynie, mais aussi de racisme, d’homophobie, et en parallèle de course à l’audience et de course à l’info. Avec son lot de questions déontologiques : faut-il ou pas payer une interview exclusive ? Faut-il ou pas insister sur le caractère émotionnel d’un événement plutôt que sur les faits ? La série dresse avec intelligence le portrait d’une époque sans téléphone portable, avec des cassettes que l’on apportait en courant, où la radio était le média le plus réactif pendant que la télé découvrait la technologie satellitaire. L'action se situe précisément au cours de l'année 1986 marquée par la catastrophe de Tchernobyl, l’explosion de la navette Challenger, les ravages du SIDA… L’histoire intime des personnages se fracasse alors sur les faits d’actualité. La reconstitution est parfaite. Et ce, jusque dans les moindres détails du décor, du stylisme, du matériel sur le plateau de tournage. Les comédiens sont tous très convaincants, avec une mention spéciale pour Anna Torv, elle délivre ici une impeccable leçon de jeu. Sa dextérité à jongler avec une foule d’états, parfois contradictoires (ambition démesurée, faillite personnelle, professionnalisme fringuant, séduction), est un effet spécial en soi. cette minisérie captivante raconte aussi avec précision les coulisses et les grandes mutations de l’outil télévisuel durant ces années fric (coiffures et costumes kitsch à l’appui), notamment cette recherche frénétique d’audience dont il ne se remettra jamais.

Profession : Reporter est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Un formidable hymne à la vie

Publié le par Michel Monsay

Un formidable hymne à la vie

Changer notre vision du quatrième âge. C'est l'électrochoc salutaire qu'offre Septième Ciel. La coscénariste et réalisatrice Alice Vial, César du meilleur court-métrage pour Les Bigorneaux, portrait d'une jeune femme atteinte de ménopause précoce, montre que la vie peut vibrer comme jamais à l'approche de la mort. Les cheveux blancs ne transforment pas automatiquement une âme anticonformiste en vieux sage. L'esprit de rébellion, la curiosité se moquent du temps qui passe. La vieillesse est peu montrée à l'écran. La série rappelle qu'on peut tomber amoureux à n'importe quel moment de son existence. Redevenir un ado, être saisi par cette fébrilité reste à portée de main. Tant que l'on respire, rien n'est joué. Cocasse et pédagogique, Septième Ciel manie délicatesse et vulnérabilité, mais aussi montre que plus on osera filmer des corps âgés, moins on sera mal à l'aise. Féodor Atkine et Sylvie Granotier sont irrésistibles et semblent ravis de raconter une telle passion, un genre qu'on ne leur propose plus. Alice Vial a trouvé le bon dosage entre sensualité et pudeur dans les scènes d'amour, sa caméra ne montre rien de gratuit ni de provocant, mais sans non plus être timide et gênée. En nous déroulant cette histoire d’amour, il est vrai assez inhabituelle, et en choisissant de nous faire rire avec des scènes parfois loufoques et souvent hilarantes, Clémence Azincourt et Alice Vial lèvent avec beaucoup de subtilité et de tendresse le voile sur l’amour des plus âgés. Sans tabou, elles questionnent leur désir sexuel, leur libido, la fatigue des corps et plus généralement leur vie, leurs envies. Elles n’hésitent pas non plus à dénoncer l’infantilisation des plus de 70 ans et la façon dont certains pensionnaires sont traités dans les maisons de retraite, même si celle qui est dépeinte ici est presque idyllique par rapport à ce qui existe. Une série avec des personnes âgées dans un Ehpad, ce n’est pas forcément le genre de scénario que les chaînes se battent pour produire. Et pourtant, Septième Ciel diffusée sur OCS, est charnelle, tendre, drôle et nous touche tout au long des dix épisodes.

Septième ciel est à voir ici sur OCS pour 10,99, un mois d'abonnement sans engagement pour profiter de cette série et des autres programmes des chaînes OCS.

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D'autres vies que la sienne

Publié le par Michel Monsay

D'autres vies que la sienne

Libre adaptation du livre Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, le film d’Emmanuel Carrère affirme une justesse à la matière et à l’esprit. Mais ce qui en fait un film remarquable est qu’il interroge les relations que la fiction peut entretenir avec le réel. Le cinéaste cherche dans Ouistreham un rapport au langage, celui d’une journaliste qui veut, par ses mots, rendre visibles celles qui sont invisibles, mais aussi son propre langage cinématographique, celui d’une intimité plutôt qu’une distance relative. Sans sombrer dans le misérabilisme, le film embrasse de manière frontale la réalité de ces vies à travers les gestes répétitifs qui usent prématurément les corps, les journées fragmentées qui détruisent les vies de famille, tout en soulignant l’humanité, la solidarité de ce chœur de femmes où malgré tout les rires et la joie sont bien présents. L'interprétation est aussi une grande force de Ouistreham, elle est menée par une merveilleuse Juliette Binoche, juste et effacée, entourée de non-professionnelles énergiques, lumineuses et bouleversantes qui irradient de justesse. Fidélité donc à la matière de l’œuvre de Florence Aubenas car Ouistreham est ce portrait documentaire, ni sang, ni coup de poings, ni violence, mais une suite de petits incidents quotidiens qui composent la matière même du film, auxquels ces femmes font face avec dignité. Ouistreham est un film, par sa justesse et son questionnement, nécessaire, profond et lumineux. Cheminant sur une ligne de crête entre fiction et documentaire, entre cinéma social et introspection, Emmanuel Carrère signe un film puissant sur les laissés-pour-compte de la société, où il donne à voir avec une impressionnante précision réaliste les conditions de vie de ces femmes de ménage, contraintes d'accepter l'inacceptable pour des rémunérations indécentes.

Ouistreham est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute autre plateforme de VOD.

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L’amour à l’épreuve du voyage dans le temps

Publié le par Michel Monsay

L’amour à l’épreuve du voyage dans le temps

De Sherlock à Doctor Who, le scénariste britannique Steven Moffat adore voyager dans le temps. Il en a fait sa spécialité. C’est aussi un grand romantique. Ces deux obsessions romanesques se retrouvent parfaitement conjuguées dans sa nouvelle série, The Time Traveler’s Wife, tiré du roman Le temps n’est rien qui détricote les codes de la romance. L’ouvrage de l’Américaine Audrey Niffenegger avait déjà été adapté sans finesse au cinéma, Steven Moffat redonne à cette idylle surnaturelle sa mélancolie existentielle d’origine. Pour tous ses ressorts fantastiques et dramatiques, les six épisodes de The Time Traveler’s Wife offrent une plongée psychologique émouvante et authentique des tiraillements amoureux. La série prend beaucoup de plaisir à déconstruire la chronologie du coup de foudre, et passe brutalement du rire au tragique. Elle capture la fascination dangereuse de la nostalgie et dessine un rare éloge de la force et de la sincérité du présent. Habilement architecturée, cette minisérie est une délicate réflexion sur le couple, l'indépendance affective et les métamorphoses intérieures, dans un mélange d’humour, de suspense, de tragédie et de romantisme, incarné de manière touchante par les deux interprètes principaux, Rose Leslie et Theo James.

The time traveller's wife est à voir ici pour 10,99 €, un mois d'abonnement sans engagement à OCS et profiter ainsi de tout le contenu de leur catalogue.

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