Après avoir été député de Paris puis sénateur, Bertrand Delanoë est depuis 2001 maire de la capitale, dont il a
amélioré la qualité de vie et l’attractivité par des mesures courageuses qui n’ont pas entamé sa popularité. A près de 63 ans, alors qu’il a décidé de ne pas se représenter aux municipales de
2014, il nous parle de ces 12 années qui ont transformé Paris et de ce qu’il reste à faire, mais aussi de quelques sujets d’actualité.
Quel bilan tirez-vous de vos deux mandats et quelles sont les actions dont vous êtes le plus
fier ?
Bertrand Delanoë : Être Maire de Paris est à la fois passionnant et exigeant. Pendant ces douze
années au service des Parisiens, j’ai pu participer aux transformations d’une ville que j’aime et qui est entrée de plein pied dans le XXIe siècle. C'est de ce mouvement retrouvé de Paris dont je
suis le plus fier. En premier lieu je pense au progrès qui a précédé et conditionné tous les autres : l'assainissement de la vie politique dans la capitale. C'est ensuite l'importance de ce que
nous avons réalisé en termes de logement qui me vient à l'esprit. Les 70 000 logements sociaux que nous avons financés et les 30.000 logements intermédiaires que nous avons attribués, ont
participé à préserver et entretenir de la diversité sociologique à Paris. Je n'oublie pas bien sûr la promotion d'un art de bien vivre en ville, dont les 70.000 mètres carrés d'espaces verts, la
restitution des berges aux Parisiens et aux amoureux de Paris, vélib', autolib' sont des exemples emblématiques. C’est à ce mouvement retrouvé que Paris doit sa vitalité démographique :
selon l’INSEE, notre ville a gagné plus de 110.000 habitants entre 2002 et 2012 ce qui représente 15.000 familles en plus, après avoir perdu le quart de sa population pendant quatre décennies !
Pour résumer, je dirai que je suis fier d'avoir fait progresser dans le même temps l'attractivité et la solidarité d'une capitale dont la vocation passe par le dynamisme et la générosité.
Dans la continuité de votre action pour diminuer le nombre de voitures, faut-il rendre le centre de Paris payant
ou limiter les diesels ?
B.D. - J'ai toujours considéré qu'il serait injuste de rendre le centre de Paris payant parce que cette
mesure pèserait sur les Parisiens et les Franciliens les plus modestes. Nous avons opté depuis 2001 pour un meilleur partage de l'espace public entre tous ceux qui l'utilisent : voitures,
piétons et cyclistes. Cela passe par le développement des transports les plus doux et les moins polluants comme vélib' et autolib', mais également par un soutien très fort aux transports en
commun. Tous ces efforts ont porté leurs fruits. La pollution de l’air a considérablement baissé à Paris, comme en attestent la disparition de plusieurs polluants particulièrement néfastes comme
le soufre et le plomb, la forte diminution des oxydes et dioxydes d'azote, et la baisse de 9% des gaz à effet de serre. J'ajoute que contrairement aux idées reçues, ce qui a été gagné en partage
de l’espace public et en qualité de l’air n’a pas été perdu en fluidité. Alors qu’entre 2001 et 2010 le nombre de voitures circulant à Paris a diminué de 25%, la vitesse de circulation est restée
stable autour de 16 km/h. Qu’on prenne sa voiture, qu’on marche, qu’on utilise les transports en commun ou qu’on fasse du vélo, on circule donc aujourd’hui à Paris dans des conditions normales
pour une grande métropole. Ces bons résultats ne nous dispensent pas de poursuivre la lutte contre la pollution. La problématique des particules fines, qui est une conséquence de la diésélisation
du parc automobile français depuis dix ans, nous impose de trouver de nouvelles solutions. C'est ce que nous faisons avec pragmatisme mais détermination, en répondant à un seul impératif :
celui de la santé des Parisiens et des Franciliens.
Que pourriez-vous faire pour que les prix des loyers à Paris redeviennent abordables ?
B.D. - Depuis 12 ans nous agissons pour diversifier le logement parisien. Mais comme je l’ai dit grâce à
son dynamisme, son rayonnement, sa générosité, Paris attire. C'est la raison principale pour laquelle le nombre de demandeurs de logement a considérablement augmenté, passant de 100 000 à
135 000 entre 2001 et 2013, 30% d'entre eux n’habitant pas encore Paris ! J’ai milité très tôt pour l’encadrement des loyers dans le parc privé. Cette mesure d'intérêt général rejetée
par Nicolas Sarkozy pendant cinq ans a fait l’objet d’un décret en août 2012. Elle devrait être transcrite dans la loi en juin prochain. Elle était nécessaire mais ne sera sans doute pas
suffisante pour endiguer la hausse des prix du marché. Il reviendra au prochain maire de Paris d'amplifier ce qui a été fait pendant 13 ans et d'inventer de nouvelles solutions.
Quels sont les atouts de Paris par rapport à d’autres grandes villes ?
B.D. – Avec sa qualité de vie, son engagement pour le développement durable, ses 600 entreprises créées
chaque semaine, ses nombreux équipements de proximité, son statut de capitale européenne de l'innovation, son taux de chômage très inférieur à la moyenne nationale, sa fiscalité raisonnable,
Paris figure dans le peloton de tête de tous les grands classements internationaux. Ce qui est difficile à Paris, c’est de trouver des espaces où construire. Lorsque le Maire de Berlin me dit
qu’il envie la santé financière de Paris et son attractivité, je lui réponds que j’envie l’abondance de terrains disponibles dans sa ville !
Quelle est votre position sur le travail le dimanche et sur les rythmes scolaires ?
B.D. - Je crois qu’il est important que le citoyen dispose d’au moins une journée par semaine pour se
recentrer sur l’essentiel en dehors de toute contrainte. Par ailleurs, la consultation des riverains et l’accord entre les entreprises et les syndicats doivent être des préalables à toute
extension du travail dominical. Dans tous les cas, le travail le dimanche doit être rigoureusement encadré et constituer non la règle mais l’exception. Pour ce qui est de la réforme des rythmes
scolaires, je suis heureux qu’elle ait été adoptée par le conseil de Paris, car elle constitue un réel progrès pour les petits Parisiens et pour l’école. La Ville met tout en œuvre pour que cette
rentrée 2013 soit une belle réussite.
N’est-ce pas un risque de changement de majorité et de vote sanction contre le gouvernement de ne pas vous
représenter aux municipales malgré votre popularité ?
B.D. - Je crois que les Parisiens sont contents d’avoir vu Paris changer ces douze dernières années, et
qu’ils comprennent ma décision de ne pas cumuler les mandats dans le temps. En 2014, ils devront vraisemblablement faire le choix entre une candidate qui veut servir Paris et une autre qui veut
s’en servir pour sa carrière. Dans ce contexte et avec l'exigence démocratique qui les caractérise, je crois qu'ils voteront pour élire un maire et non sanctionner un gouvernement.
Comment expliquez-vous le mécontentement des français à l’égard du Président, et dans ce contexte difficile
était-ce le bon moment pour légiférer le mariage pour tous ?
Depuis 2008, la France est plongée dans une crise d’une extrême gravité. Il est normal que les Français s’impatientent et
ce d’autant plus que l’élection de François Hollande a soulevé beaucoup d’espérance. Mais le changement pour lequel ils se sont prononcés ne peut s’inscrire que dans la durée. Dans ce contexte le
gouvernement n'a qu'un chemin à emprunter : celui de l'unité, de l'humilité et du sérieux. En ce qui concerne le mariage pour tous, je suis heureux et fier d’appartenir à une famille
politique qui a eu le courage de mener à son terme un progrès si fondamental. Et je ne vois pas en quoi les progrès sociétaux seraient contradictoires avec la lutte contre le chômage !
Pourquoi êtes-vous impliqué dans la journée de sensibilisation du 23 juin autour de l’élevage, organisée par la
FNSEA à Paris ?
B.D. - La capitale sait tout ce qu’elle doit au monde agricole. Je soutiens donc totalement la démarche de la FNSEA pour promouvoir un
élevage de qualité. C’est dans cet esprit que j’ai soutenu l’organisation de la Nuit verte en avril 2012 ainsi que celle du barbecue géant sur le parvis de l’Hôtel de Ville en avril dernier. Un
des objectifs du Plan Climat adopté par la municipalité en 2007 est d’augmenter progressivement la part d’agriculture biologique dans la restauration collective. L’expérience d’éco-pâturage menée
en avril dernier dans le XIXe arrondissement avec quatre brebis de la Ferme de Paris laisse entrevoir des rapports nouveaux entre Paris et l’élevage. J’ai bon espoir que les éleveurs puissent
trouver des solutions avec le gouvernement pour faire face à l’augmentation permanente du prix des matières premières. Paris est au côté des éleveurs dans leur combat pour que vive leur beau
métier.