Deux admirables portraits de femme
Parmi les 646 romans de la rentrée littéraire, si l’on se penche plus particulièrement sur les premiers romans, au nombre de 69 cette année, il y a toujours l’espoir excitant de découvrir la perle rare. Cette attente est plus que comblée avec le livre de Yannick Grannec, un premier écrit dont la maîtrise structurelle, la qualité d’écriture, et l’étonnante capacité à mêler fiction et réalité pour nous passionner de bout en bout, sont véritablement impressionnantes. Cette femme designer et graphiste, passionnée de mathématiques, a consacré quatre années à l’écriture de ce roman, où elle réussit l’audacieux pari de redonner vie à quelques uns des plus grands scientifiques du XXe siècle. Parmi eux Einstein, Oppenheimer, Morgenstern et surtout le mathématicien autrichien père du théorème de l’incomplétude, Kurt Gödel, au centre de cette histoire qui prend sa source dans la Vienne bouillonnante de 1928 pour trouver son épilogue en 1980 à Princeton. C’est d’ailleurs là que démarre le roman, dans une maison de retraite où Anna une documentaliste de 28 ans, missionnée par le fameux Institut de recherche avancée de Princeton, rend visite à Adèle Gödel, la veuve du logicien, dans le but d’obtenir les archives de celui-ci d’une valeur scientifique inestimable. Après une entrée en matière difficile entre les deux femmes, une émouvante relation directe et sans concessions va naître entre elles au fil des visites. L’auteur va réussir à nous captiver autant par les échanges entre ses deux héroïnes, que par l’histoire de la vie du couple Gödel, jalonnée d’épreuves et de nombreux événements historiques que l’on vit intensément d’un chapitre à l’autre.
La déesse des petites victoires – Un roman de Yannick Grannec – Editions Anne Carrière – 450 pages – 22 €.