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Portrait en marcel

Publié le par Michel Monsay

Portrait en marcel
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Du grand art entre Tchekhov et Bergman

Publié le par Michel Monsay

Du grand art entre Tchekhov et Bergman

Après avoir obtenu deux grands prix du jury et un prix de la mise en scène lors de précédentes éditions du Festival de Cannes, Nuri Bilge Ceylan a décroché cette année la Palme d’or. Le cinéaste turc de 55 ans nous plonge au cœur de la Cappadoce en Anatolie centrale dans des décors naturels d’une grande beauté, pour explorer la nature humaine au plus profond des âmes. Inspiré de nouvelles de Tchekhov, ce film d’une grande puissance émotionnelle est également dans la lignée de certains chefs-d’œuvre de Bergman, dont les joutes conjugales ou familiales sont encore dans toutes les mémoires de cinéphiles. Les comédiens remarquablement dirigés par le cinéaste, à l’image d’un gamin de dix ans dont le regard impressionne par son intensité, apportent tous une force et une profondeur à cette histoire que l’on suit passionnément trois heures durant. De nombreux thèmes sont abordés tout au long de l’intrigue, qui en disent long sur les rapports entre les êtres au travers de dialogues très fournis touchant souvent à l’essentiel de nos vies. Aydin, Un comédien de théâtre à la retraite, tient un charmant petit hôtel encastré dans la roche des montagnes de Cappadoce, où il accueille quelques rares touristes aimant sortir des sentiers battus. Secondé par un homme et une femme pour les tâches domestiques, il vit avec sa jeune et jolie épouse et sa sœur qui a du mal à se remettre de son divorce. Alors qu’il revient du village avec son homme de main, une pierre est jetée contre la vitre de la voiture par le fils du locataire menacé d’expulsion d’une maison dont Aydin est propriétaire. Le décor est planté, peu à peu les masques vont tomber dans des scènes de déchirement saisissantes pour laisser entrevoir la vérité nue des personnages, filmés au travers d’une mise scène et d’une réalisation époustouflantes de sobriété et de précision.

                                                                                                                     

Winter sleep – Un film de Nuri Bilge Ceylan avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag, … - Memento films – 2 DVD : 22,99 €.

Publié dans DVD

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Un futur apocalyptique

Publié le par Michel Monsay

Un futur apocalyptique

Beaucoup pensent que le Prix Médicis, attribué à Antoine Volodine, est certainement le plus mérité des prix littéraires 2014. A 65 ans, ce romancier à l’œuvre déjà conséquente dans laquelle il a créé un univers à part entière à la fois imaginaire, poétique et politique que l’on retrouve au fil de ses romans, reçoit ce prix avec bonheur comme l’aboutissement de 30 années d’écriture. D’une très grande originalité, ce roman d’anticipation nous plonge dans un monde apocalyptique où les accidents nucléaires et les guerres ont eu raison d’une grande partie de l’humanité. Cette originalité tient autant dans la construction narrative que dans l’histoire en elle-même, étonnant mélange de conte, d’onirisme débridé, de chamanisme effrayant, et de noirceur parfois teintée d’humour. Il faut ici abandonner toute logique et se laisser porter par cette envoûtante odyssée, où l’écrivain nous emmène avec virtuosité autant dans des univers parallèles où la frontière entre la vie et la mort est devenue très poreuse, que dans des espaces bien plus réels détruits par les mauvais choix de l’humanité. Deux hommes et une femme, suite à la chute de la deuxième Union Soviétique égalitariste pour laquelle ils ont combattu, se sont réfugiés dans les immenses territoires vides de Sibérie totalement irradiés par des accidents nucléaires. Après 29 jours de marche, les rayonnements ont transformés les trois camarades en sorte de zombies, surtout la femme dont la vie ne tient plus qu’à un fil. Alors qu’ils n’ont plus ni nourriture ni eau, l’un deux voit au loin de la fumée qui pourrait peut-être venir d’un village, et décide de s’y rendre malgré l’épuisement, un train avec des soldats non loin d’eux et une forêt très dense à traverser. Ce roman incomparable se vit comme une expérience unique, dans ce qui pourrait être le futur de l’Humanité ou simplement l’incroyable imaginaire d’Antoine Volodine.

 

                                                                                                                      

Terminus radieux – Un roman d’Antoine Volodine – Editions du Seuil – 617 pages – 22 €. 

Publié dans Livres

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« Ma volonté est de rendre visible la France des invisibles »

Publié le par Michel Monsay

« Ma volonté est de rendre visible la France des invisibles »

Géographe social, Christophe Guilluy est consultant pour des collectivités territoriales et des ministères. Avec son dernier essai choc dont on parle énormément, « La France périphérique », il explique comment les classes populaires ont été sacrifiées sur l’autel de la mondialisation.

 

Quels sont les principaux constats que vous mettez en lumière dans votre ouvrage ?

Christophe Guilluy - Je suis géographe mais paradoxalement ce ne sont pas les territoires qui m’intéressent mais plutôt les gens, et particulièrement les catégories modestes de la population. Nous avons constaté que les ¾ de ces gens modestes vivent très loin des zones d’emploi les plus actives, autrement dit les grandes métropoles, et se retrouvent sur des territoires ruraux ou des petites et moyennes villes, ce que j’appelle la France périphérique. Les grandes métropoles représentent aujourd’hui 2/3 du PIB avec une concentration des richesses, du dynamisme et de l’emploi. Ce système économique marche, mais le problème est que 60% de la population vit dans la France périphérique. Compte-tenu des logiques foncières, il n’y aura pas de retour en arrière. Pour ceux qui vivent en zone rurale aujourd’hui, il est très compliqué de vendre son bien immobilier pour aller s’installer dans une grande métropole, où ils auront une quasi impossibilité d’accès au logement. C’est la première fois dans notre Histoire que les catégories modestes ne vivent pas là où se crée la richesse. Jusqu’à présent la classe ouvrière était intégrée dans des villes industrielles, donc au rouage économique et politique.

 

Pourquoi avez-vous inventé le concept de France périphérique ?

C.G. - Notre volonté est de rendre visible la France des invisibles, et pour cela il faut déjà s’affranchir de la définition du rural et de l’urbain. Non pas que le découpage typologique de l’INSEE soit faux, mais nous constatons que l’urbain d’une petite ville est plus proche d’un habitant rural que d’un urbain d’une grande métropole. Ils ont la même réalité économique, sociale et culturelle mais ils ne se parlent pas. Nous avons donc imaginé un ensemble cohérent que nous avons appelé la France périphérique afin de lui redonner de la visibilité. Mon diagnostic a été validé par des élus locaux, et ces idées sont reprises dans des ministères. Je travaille beaucoup avec la mission Nouvelles ruralités, un groupe rassemblant 40 départements ruraux, avec l’idée que le modèle économique des grandes métropoles ne viendra pas jusqu’à eux. Qu’il faut donc repenser les territoires à partir de leurs faiblesses mais aussi de leurs atouts, de leurs richesses, avec des questions autour du développement et de la relocalisation.

 

Comment est-on arrivé à cette situation et quelles sont les pistes pour sortir de cette France à deux vitesses ?

C.G. - Il n’y a pas de complot, pas d’idée de mettre à l’écart certains par rapport à d’autres, c’est vraiment la logique de marché qui a conduit à cela. Globalement, les grandes métropoles font tourner la machine économique française, et de quoi a-t-on besoin pour faire tourner les grandes métropoles ? Des catégories supérieures très qualifiées et des emplois sous-qualifiés ou très peu qualifiés où vous allez retrouver beaucoup de population précaire d’origine immigrée. Du coup, ont été mécaniquement délaissés toutes les autres catégories et tous les autres territoires. La question aujourd’hui n’est pas d’abattre un système pour en faire émerger un autre, elle est plus de réfléchir à un modèle complémentaire sur ces territoires de la France périphérique. Il faut partir de la réalité de chaque territoire et non pas plaquer un modèle pensé en haut. Beaucoup d’élus locaux sont prêts à avancer dans cette direction mais la question est politique. Nous avons là en réalité une France sans aucun pouvoir politique. D’un côté, on nous dit que cette France des invisibles est importante, et d’un autre on parle de supprimer les départements, alors qu’ils restent la seule collectivité visible de cette France périphérique.

 

Justement, quel est votre sentiment sur la réforme territoriale ?

C.G. - La chose la plus importante à prendre en compte est que nous avons avec la France périphérique des territoires prioritaires. Ces territoires sont très importants pour l’avenir du pays, non seulement 60% des français y vivent, mais en plus ce sont les populations les plus fragiles. C’est un vrai projet politique, et si l’on ne s’y attèle pas, on a l’effet boomerang avec des résultats chocs aux élections, notamment en zone rurale. Pour la réforme territoriale, on peut tout à fait imaginer une adaptation du projet. Faire disparaître le département du Rhône pour le remplacer par la métropole lyonnaise ne me choque pas du tout, que tous les départements franciliens disparaissent pour laisser la place à Paris métropole, pourquoi pas. En revanche, il ne faut pas toucher aux départements ruraux, plutôt les renforcer en leur donnant plus de pouvoir politique afin qu’ils puissent porter des projets économiques. Le problème est que ce qui se dessine dans le projet actuel est une organisation autour de grandes métropoles et de grandes régions. Tous les cadors de la politique vont se battre pour avoir les grandes métropoles, on va les entendre encore plus et à contrario on entendra encore moins les autres territoires. Pourtant il y des possibilités de rebondir dans cette France périphérique, mais il faut pour cela un contrepoids politique. Les initiatives locales pour trouver des solutions foisonnent mais cela ne suffit pas, il y a des gros sujets comme l’industrialisation, le protectionnisme qui ne peuvent être posés qu’à l’Assemblée Nationale par des élus porteurs d’un gros projet politique.

 

Comment voyez-vous l’avenir politique de la France et sentez-vous une radicalité sociale émerger ?

C.G. - Je suis assez sceptique sur la capacité de bouger de la classe politique dirigeante, par contre les élus locaux ont vraiment envie de passer à autre chose, d’inventer de nouvelles solutions, ils ne croient plus à une France de redistribution et de péréquation. Il faudrait une forme d’implosion, une recomposition à l’intérieur des partis, mais je ne suis pas très optimiste. La radicalité sociale viendra plus de la France périphérique que des banlieues, où il y a des violences urbaines, du communautarisme mais aucune remise en cause d’un système économique. En revanche sur les territoires dits tranquilles, on sent une France qui gronde. Il y a des radicalités sociales à chaque fermeture d’entreprise, il y a le vote FN, une désaffiliation aux grands partis et une désyndicalisation qui signifient une contestation des corps intermédiaires, et des mouvements qui émergent comme celui des bonnets rouges.

 

Quelles sont vos conclusions sur la question de l’immigration ?

C.G. - D’après les sondages, 70% des français considèrent qu’il y a trop d’immigrés, mais ce chiffre est valable partout dans le monde. Cette perception de l’immigration repose sur le fait que dans notre société multiculturelle d’aujourd’hui, contrairement à la société assimilatrice qui l’a précédée, l’autre ne devient pas soi. Il garde ses valeurs, sa religion. Du coup, il est très important pour les gens de savoir combien va être l’autre dans son immeuble, son village, son département, et il y a un décalage énorme entre cette peur légitime et le discours des politiques tendant à dire qu’il n’y a pas de problèmes. Tout le monde est d’accord sur la question de régulation de l’immigration, mais comme cela est très marqué politiquement, le FN étant le seul à porter ce discours, personne ne veut l’appliquer. Mais je pense que ça va évoluer notamment au niveau européen. Arrêtons l’hypocrisie, pour moi il n’y a pas de différence entre le bobo parisien qui contourne la carte scolaire et l’électeur de Hénin-Beaumont qui vote FN. L’un comme l’autre veut des frontières avec l’immigré, l’un en a les moyens et l’autre pas.

 

                                                                                  

Le géographe social

Diplômé de géographie urbaine de l’université Paris-Sorbonne, Christophe Guilluy, 50 ans, est consultant indépendant pour des collectivités dans les banlieues, le périurbain et la ruralité, auxquelles il fournit un diagnostic cartographique et qualitatif sur la dynamique sociale dans ces territoires. Il travaille également pour des ministères, comme récemment le cabinet du Premier Ministre. Ses ouvrages comme « Fractures françaises » et « La France périphérique » sont de vrais succès de librairie, font couler beaucoup d’encre et inspirent de très nombreux politiques de tous bords, de Nicolas Sarkozy en 2012 à Manuel Valls en septembre dernier.

 

A lire : La France périphérique – Editions Flammarion.

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Alignements

Publié le par Michel Monsay

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Un drôle de zèbre

Publié le par Michel Monsay

Un drôle de zèbre

Auteur à succès depuis ses débuts en 1986 avec « Bille en tête » et « Le zèbre », jusqu’à « Des gens très bien » en 2011 où il dévoile le passé vichyste de son grand-père, Alexandre Jardin est aussi depuis 15 ans un citoyen engagé, qui vient de créer un mouvement d’actions citoyennes pour réveiller le pays.

 

Lassé des promesses politiques qui ne sont jamais tenues, Alexandre Jardin a cofondé en mars dernier le collectif « Bleu, Blanc, Zèbre » appelé aussi « Les zèbres » pour rassembler ceux qui ont encore aujourd’hui un crédit moral à ses yeux, en l’occurrence ceux qui font au lieu de dire, et rendent ainsi un service immédiat à la population: « Si l’on prend l’exemple de Solaal, qui fera à un moment ou à un autre un excellent zèbre, ce sont des professionnels qui s’organisent pour faciliter le lien entre les donateurs des filières agricoles et les associations d’aide alimentaire, ils ne promettent pas ils le font. » Avec ses zèbres, l’écrivain est en train de faire naître un pôle de confiance pour négocier avec les partis politiques au moment des échéances électorales, une nouvelle alliance avec la société civile sous forme de contrat de mission pour tous les sujets sur lesquels elle a prouvé sa compétence et sa légitimité: « Si l’on donne un autre statut à ces acteurs qui sont capables d’apporter des solutions, on sortira d’un schéma politique infernal dans lequel on vote pour des gens qui ne savent pas régler les problèmes des français, enfermés qu’ils sont dans une logique législative. »

 

Refuser la fatalité

Ce que fait Alexandre Jardin avec les zèbres s’inscrit dans la continuité de l’association qu’il avait créée en 1999, « Lire et faire lire », pour agir contre l’échec scolaire et en particulier pour aider les 20% d’enfants qui ne maîtrisent pas l’écrit à l’entrée au collège. Aujourd’hui, 16 000 bénévoles retraités viennent dans des écoles maternelles et primaires chaque semaine pour transmettre le plaisir de la lecture à 400 000 enfants : « Ce programme intergénérationnel favorise aussi l’intégration par la tendresse et permet de lutter contre la violence en augmentant le lexique des gamins. »

Ce rôle de fédérateur, que le romancier a pris à bras le corps, se nourrit à la fois de son aversion pour l’impuissance et la fatalité, et de la jouissance que lui procure les rencontres avec tous ces acteurs qui agissent. Après avoir passé beaucoup de temps au téléphone et en rendez-vous, il a réuni une centaine de programmes en à peine sept mois pour les faire monter en puissance et en faire des acteurs politiques de gestion de la Nation. Dès à présent les zèbres coopèrent avec des maires pour étendre la portée de leur action. L’effet de masse, qui va donner un réel poids au mouvement, commence à se faire sentir et le collectif s’est structuré pour sélectionner les nouveaux zèbres. Les programmes ont d’ores et déjà fait leurs preuves à l’image de Lire et faire lire ou du compte nickel : « Ce compte que l’on peut ouvrir en cinq minutes pour vingt euros chez un buraliste est la solution qu’attendait les deux millions et demi de français qui n’ont pas de RIB. En quelques mois, près de 60 000 comptes ont été ouverts. »

 

Un secret de famille insupportable

Si Alexandre Jardin a souvent évoqué sa famille dans ses romans, « Des gens très bien » paru en 2011 marque une étape cruciale, puisqu’il y révèle le passé vichyste de son grand-père, directeur de cabinet de Pierre Laval, chef du gouvernement de Pétain, notamment au moment de la rafle du Vel’ d’Hiv. Pas facile de dynamiter sa propre famille, l’écrivain a attendu d’avoir 46 ans, l’âge que son père avait lorsqu’il a été emporté par un cancer, pour affronter le réel et briser ce secret de famille. Cette histoire est d’autant plus compliquée que Jean Jardin était apparemment quelqu’un de bien, mais Alexandre est persuadée  qu’en étant directeur de cabinet, son grand-père était au courant de tout ce qui se passait , et par la suite, cet homme n’a jamais été inquiété. Le romancier n’a eu aucun état d’âme pour mettre fin à la cécité dont était frappée sa famille, même si cela a été douloureux : « J’ai cinq enfants et il n’était pas question d’en faire les héritiers d’un rapport au réel impossible. La sortie du livre a été un mélange d’enfer et d’insultes avec ensuite des moments magnifiques, où les gens venaient me parler de leur secrets de famille. J’ai eu accès à l’infinie complexité des familles françaises. Je n’aurai jamais pu me lancer dans une grande aventure civique comme celle des zèbres, sans être au clair sur ces questions-là. Si j’ai créé Bleu Blanc Zèbre, c’est que j’avais la conviction très nette que le FN allait prendre le pouvoir dans mon pays, parce qu’il n’est pas possible de ne pas régler les problèmes des gens, à un moment ils deviennent fous. »

 

De père en fils

Pascal Jardin, père d’Alexandre, écrivain et grand scénariste-dialoguiste du cinéma français des années 1960 et 70, auteur notamment du Vieux fusil, a appris à son fils qu’il était possible de vivre sans la peur. Cet homme n’avait aucun frein, il vivait comme dans un film, mais il en est mort alors que son fils n’avait que 15 ans : « Son mode de vie ne pouvait pas durer. Vous ne pouvez pas écrire 17 films dans l’année, aimer 5 femmes, perdre des fortunes, avoir le fisc qui vous saisit, la surchauffe est telle que vous ne pouvez pas espérer vivre 90 ans. » Le point commun entre le père et le fils est une vraie liberté : « Il m’a montré comment vivre large, que l’on pouvait écrire à la fois des comédies, des films d’aventures, des films intellos. »

Après avoir voulu être empereur durant son enfance, Alexandre Jardin fait Sciences-Po mais se rend compte qu’il s’est trompé de voie, et son désir de gouverner s’arrête là. Quelques mois plus tard, il publie en 1986 son premier roman à 21 ans, « Bille en tête », et rencontre tout de suite le succès. Idem pour « Le zèbre » deux ans après, qui décroche en plus le Prix Femina. Ses premiers écrits plein de vie, à l’image de leur auteur, contrastent avec l’essentiel de la production littéraire française composée, selon Alexandre Jardin, de bouquins sinistres. Il rend d’ailleurs hommage à Françoise Verny, une femme qui savait prendre des risques dans le monde de l’édition. Cette reconnaissance immédiate, il la vit gaiement sans trop y croire, le jeu social n’ayant jamais eu de sens à ses yeux.

 

Réveiller le lecteur

Lorsqu’on lui demande de ressortir un roman de sa bibliographie, il cite le dernier, « Juste une fois », comme étant le mieux construit : « La dramaturgie est dix coudées au-dessus, ma langue a évolué, ma passion pour la concision s’est affermie, et j’ai été porté par la révolution narrative induite par les grandes séries américaines qui ont imposé d’autres standards narratifs et une liberté phénoménale. » Sa principale motivation dans l’acte d’écrire est de réveiller les autres, il adore l’idée qu’un roman puisse faire agir un homme ou une femme, notamment pour une pulsion amoureuse. Encouragé dès le début par Françoise Verny à écrire ce qu’il était le seul à pouvoir écrire et non à copier d’autres romanciers, les livres d’Alexandre Jardin ressemblent furieusement à leur auteur. Cette obsession de vouloir se sentir vivant et de n’être attiré que par des personnes vivantes se ressent tout au long de son parcours, autant dans ses écrits que dans son action citoyenne aujourd’hui : « Lorsque vous voyez la révolte des bonnets rouges, ce sont des gens vivants, ils n’acceptent pas la fatalité. Sont vivants pour moi les êtres qui sont dans l’action et la création d’eux-mêmes. »

 

Rien ne vaut l’écriture

En parallèle à son parcours d’écrivain, il a goûté à l’univers du cinéma en tournant trois films en tant que réalisateur, dont Fanfan avec Sophie Marceau et Vincent Pérez, l’adaptation de son roman, mais cette expérience ne lui a pas beaucoup plu. En raison d’un divorce, il a d’ailleurs mis entre parenthèses cette carrière depuis 2000 pour s’occuper de ses enfants. Son rôle de père, en réaction à l’absence régulière du sien durant son enfance, a toujours été une priorité pour lui. Pendant quelques temps, il a aussi été chroniqueur littéraire au Figaro et pour Canal + dans l’émission Nulle part ailleurs.

Aujourd’hui à 49 ans, il est clairement tourné vers ses zèbres, ses romans, sa famille et n’a le temps pour rien d’autre : « J’écris toujours 50 trucs à la fois, j’ai tous les programmes des zèbres dans la tête, et si vous voulez vraiment aimez ceux que vous aimez, cela vous demande un temps fou. » Outre ces moments intimes avec les siens, ses plus fortes émotions sont dans l’écriture : « J’écris tout le temps, j’essaie beaucoup de choses, en jette une grande partie mais lorsque je rencontre un archétype, en sentant que mon personnage représente beaucoup plus que lui-même, il y a un moment miraculeux où la jouissance est très forte. »

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Une expérience humaine incomparable

Publié le par Michel Monsay

Une expérience humaine incomparable

Il arrive parfois que le cinéma indépendant américain nous offre une pépite, aux antipodes du cinéma standardisé que Hollywood vend dans le monde entier. Ici, point de stars ni de cinéaste culte, encore moins d’effets spéciaux ou de héros invincibles, juste un jeune réalisateur américain d’origine hawaïenne de 35 ans avec un film apparemment tout simple mais qui nous touche profondément dès les premières images. Se servant de son expérience d’éducateur dans un centre pour adolescents fragilisés par les épreuves qu’ils ont subies, le réalisateur recrée cet univers en le scénarisant juste ce qu’il faut pour ne pas être dans le documentaire  ou le cinéma réaliste social, mais plutôt dans une fiction d’une étonnante justesse alternant une émotion à fleur de peau, que l’on sent chez tous les personnages, avec un humour salvateur qui parsème cette histoire touchée par la grâce. Remarquablement interprété par tous les comédiens avec une mention particulière à Brie Larson la jeune responsable du centre, ce film d’une grande humanité, sans faire l’économie des moments difficiles que traversent les ados mais aussi les éducateurs, ne tombe jamais dans le manichéisme ou l’outrance. L’histoire démarre  avec l’arrivée d’un éducateur tout juste sorti de l’école, pour son premier jour sur le terrain dans un centre pour adolescents en difficulté. L’ambiance est bon enfant entre éducateurs, ils bavardent dehors avant d’entamer leur journée, et l’un deux raconte une anecdote assez drôle qui lui est arrivé à ses débuts. Avant qu’il n’ait fini, un adolescent sort en trombe du centre en hurlant. Du coup les éducateurs s’interrompent et courent après lui pour le rattraper, l’immobiliser et le calmer. Admirable portrait de groupe, ce film provoque sans ne jamais être larmoyant une empathie à l’égard de tous ses personnages au passé douloureux. Par sa sensibilité qui se ressent jusque dans ses cadrages, sa psychologie à la finesse rare, le réalisateur Destin Cretton restera l’un des plus belles révélations de cette année.

 

                                                                                                                      

States of Grace – Un film de Destin Cretton avec Brie Larson, John Gallagher Jr, Kaitlyn Dever, … - Condor Entertainment – 1 DVD : 19,99 €.

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Retour gagnant d’un poète rock essentiel

Publié le par Michel Monsay

Retour gagnant d’un poète rock essentiel

Même si Charlélie Couture n’a quasiment pas arrêté d’enregistrer régulièrement des albums depuis plus d’une trentaine d’années, nous sommes restés bloqués à la perfection de « Poèmes rocks » sorti en 1981, qu’il n’avait plus retrouvée depuis. Artiste pluridisciplinaire diplômé de l’école nationale supérieure des Beaux-arts, il vit depuis dix ans à New-York où il a ouvert un atelier galerie, et une rétrospective de ses peintures dessins, photos et autres œuvres se tient à Nancy, sa ville natale, jusqu’au mois de mars. Ce retour musical au premier plan est en partie dû à l’incontournable Benjamin Biolay, dont le talent de réalisateur et arrangeur d’album se confirme une fois de plus quel que soit l’univers auquel il se frotte. A 58 ans, Charlélie Couture avec sa voix nasale si reconnaissable a écrit et composé 12 chansons qui pourraient être une suite de son disque référence. On y retrouve la même qualité d’écriture autant dans les textes que dans les mélodies, avec une teinte plutôt sombre d’où ressortent la question du temps qui passe et celle d’exister. Musicalement, l’album oscille d’une part entre un blues et un rock enthousiasmants, notamment sur les deux morceaux chantés en anglais où l’on pense fortement à Lou Reed. D’autre part, de touchantes ballades accompagnées de cordes ou dans une ambiance jazzy apportent un joli pendant aux compositions plus percutantes. Dans ce superbe album de chanson française agrémenté d’ambiances newyorkaises, Charlélie Couture, même s’il nous raconte toujours le monde qui l’entoure à travers des petites histoires dont il a le secret, livre davantage ses propres angoisses. D’où le jeu de mots du titre de l’album de cet artiste désormais franco-américain depuis 2011, à la fois Immortel et I’m mortel. Au final, ce disque est vraiment mortel !

 

                                                                                                                

Charlélie Couture – ImMortel – Mercury – 1 CD : 15,99 €.

Publié dans Disques

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Sublimement noir avec une touche de lumière

Publié le par Michel Monsay

Sublimement noir avec une touche de lumière

Confier l’écriture du scénario à l’excellent romancier Dennis Lehane, auteur entre autres de Mystic river et Shutter island, et la réalisation au belge Michael R. Roskam à qui l’on doit Bullhead, premier film très sombre et remarqué jusqu’à Hollywood, sur le papier l’idée était enthousiasmante, sur l’écran le résultat l’est bien plus encore. Il arrive souvent que le premier film américain d’un cinéaste étranger, dont le talent a été repéré par les studios hollywoodiens, ne soit pas à la hauteur des espérances escomptées, et que le cinéaste se perde ou soit contraint de faire un film qui plaise au plus grand nombre. « Quand vient la nuit » en est le parfait contre-exemple, tant le réalisateur s’empare pleinement de l’écriture de Dennis Lehane pour en faire une œuvre somptueusement noire. Evitant les poncifs du genre, ce polar original, peuplé de personnages solitaires en souffrance qui tentent de reconstruire leur vie, nous entraîne au fil d’une intrigue admirablement construite baignant dans une atmosphère plutôt désenchantée non dénuée d’espoir. L’ensemble est visuellement très réussi, autant dans la manière de filmer cette histoire que dans la restitution des ambiances de nuit à Brooklyn. Les interprètes ne sont pas en reste et apportent chacun à leur manière des nuances dans leur jeu qui mettent en avant la complexité des personnages, notamment Tom Hardy tout en intériorité et le regretté James Gandolfini. Bob, un homme solitaire qui tient un bar avec son cousin dans Brooklyn, nous explique le système de blanchiment d’argent collecté et déposé chaque nuit dans un bar différent. Le lendemain, ils sont victimes d’un braquage. Heureusement pour eux ce n’est pas un soir de dépôt. Bob découvre par ailleurs un jeune chien blessé enfermé dans une poubelle et fait à cette occasion la connaissance d’une femme, qui vont tous deux bouleverser sa solitude. Ce superbe film qui navigue avec finesse entre le bien et le mal est bâti autour d’un antihéros magnifique, bien plus touchant et passionnant que les traditionnels héros du genre. D’autant que les personnages qui l’entourent ont la même épaisseur.

 

Quand vient la nuit – Un film de Michael R. Roskam avec Tom Hardy, Noomi Rapace, James Gandolfini, Matthias Schoenaerts, … 

Publié dans Films

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Femme en bleu sur fond végétal

Publié le par Michel Monsay

Femme en bleu sur fond végétal

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