Le contagieux art de la joie de Chantal Thomas
C'est dans une vague de joie pure que Chantal Thomas nous propose de plonger dans son tout nouveau livre. Il s'agit d'un journal qu'elle a tenu au sortir du confinement. Elle avait déjà raconté dans "Souvenirs de la marée basse" sa passion de l'eau, passion héritée de sa mère Jackie, qui se baignait à Arcachon et avait même un jour crawlé dans le grand canal du château de Versailles. Ici, la nouvelle académicienne nage dans la Méditerranée matin et soir et associe ses bains de mer avec la littérature de Kafka, Patrick Deville, Victor Hugo, Lord Byron,... ou les estampes d'Hokusai. La prose de Chantal Thomas, que l'on a tant aimée dans "Les adieux à la reine" ou "L'échange des princesses", a comme une limpidité d’évidence, souple et souvent joyeuse, mais son sillon dessine aussi un drôle d’accès vers des profondeurs plus tristes de nos vies. Un journal, le genre peut faire un peu peur, quand on sait qu’il s’origine dans l’expérience d’un confinement de sinistre mémoire, au début de l’épidémie de Covid-19, dont les consignations littéraires n’ont pas toujours été très réussies. Heureusement, nous sommes chez Chantal Thomas, dans un parcours presque miraculeux de grâce et d’intelligence lucide, elle évite tous les pièges d’un narcissisme possiblement indécent, en des temps assombris. Si on aime comme elle les bains de mer, on comprend à quel point nager peut aussi signifier penser, se mouvoir dans un espace où l’on s’évade, mystérieusement, loin des chronomètres de la natation ou des lourdeurs logiques du présent, et qui a peut-être à voir, de façon essentielle, avec l’expérience de l’écriture. Fraîche académicienne rétive à tout enfermement, elle a été reçue sous la Coupole en juin et j'ai eu le bonheur de la photographier à cette occasion, Chantal Thomas a préféré à l’épée traditionnelle le symbole merveilleux d’un éventail japonais : elle ne fend pas les flots, ainsi, mais les ouvre au vent et au partage, avec la générosité malicieuse d’un poisson d’or.