Une volonté à toute épreuve
En ayant été la première femme à traverser l’Atlantique et le Pacifique à la rame, mais aussi à accomplir un tour du monde à la voile en solitaire à contre-courant, Maud Fontenoy s’est forgée une solide réputation. Elle s’en sert aujourd’hui pour alerter et transmettre par sa fondation et ses autres fonctions, l’impérieux besoin de préserver les océans, ce capital indispensable à l’avenir de l’homme.
Investie totalement dans sa fondation, Maud Fontenoy travaille même le dimanche pour parvenir à satisfaire les obligations et sollicitations, que génère son engagement pour la sauvegarde des océans et du littoral, particulièrement à travers une sensibilisation de la jeunesse. Vivant aujourd’hui à Marseille, elle regroupe ses rendez-vous sur Paris et les enchaîne à un rythme soutenu, toujours avec le même souci de persuader son auditoire. Comme à la conférence où elle est intervenue lors de l’Université de la terre à l’Unesco, dont elle est porte-parole pour les océans, qui avait pour thème de bâtir une société nouvelle en agissant pour la nature.
Également vice-présidente du Conservatoire du littoral, toutes les fonctions qu’elle cumule vont dans la même direction, cela lui semble très important d’avoir cette cohérence et de ne pas aller là où elle n’est pas légitime. A la manière d’un Nicolas Hulot, on l'a vue sur France 2 l'année dernière dans des documentaires produit par Luc Besson, où elle était partie sur son bateau à la rencontre d’hommes et de femmes qui se consacrent à la mer : « Cela a démontré sur différentes destinations qu’en sauvegardant les océans, on sauvegarde aussi les hommes. »
L’Unesco et le CES
Auprès de l’Unesco, Maud Fontenoy contribue dès qu’elle le peut à mettre en avant l’action de la commission océanographique internationale, de cohésion entre les états pour assurer les surveillances des océans, notamment par rapport aux tsunamis : « Cette commission est en train de mettre en place des procédures pour faciliter les évacuations en cas de tsunami, et pouvoir ainsi les conseiller à différentes zones territoriales, comme la Méditerranée par exemple où il existe des risques de séismes donc de tsunamis. » Cette jeune femme déterminée s’implique aussi deux fois par semaine en tant que personnalité qualifiée de la section de l’environnement du Conseil économique et social. Elle travaille actuellement avec ses collègues sur l’analyse et l’identification des actions à mener pour protéger la biodiversité, et sur la sécurité des plates-formes pétrolières.
Les enfants au centre de son engagement
En 2008 Maud Fontenoy, qui œuvre déjà dans le cadre associatif depuis une dizaine d’années pour transmettre ses valeurs et sa passion de la mer à la jeune génération, décide de créer sa fondation en mettant l’accent sur l’éducation : « On ne peut plus être sur un discours culpabilisateur et moralisateur concernant l’écologie. Il faut faire comprendre à tout un chacun que l’harmonie avec la nature est indispensable à notre bien-être. C’est aussi de l’innovation technologique et scientifique en inventant ce que sera demain et en créant de l’emploi. On parle toujours de coût pour préserver l’environnement mais Il faut savoir par exemple, que la pollution des eaux côtières et les maladies qu’elle engendre coûtent 12 milliards de dollars à l’économie mondiale. En plus de cela, la manne océanique représente un capital que l’on est en train de dilapider. »
Dès l’âge de 21 ans, elle s’investit notamment auprès d’enfants malades ou habitant les cités, avec le désir de s’adresser à ceux que l’on vient voir moins souvent. Son message à l’époque est déjà de les amener vers la nature et le dépassement de soi. Message qui prend toute sa dimension quelques années plus tard lors de ses différents exploits sur les océans, en proposant un projet pédagogique qui permet aux jeunes de suivre le parcours de la navigatrice tout en apprenant.
Une enfance à part
L’écriture a toujours été un plaisir pour Maud Fontenoy, autant pour faire partager ses aventures que pour défendre une cause. Cela a commencé très tôt avec les rédactions qu’elle envoyait durant sa scolarité entièrement suivie par correspondance. Son enfance est loin d’être banale, la petite Maud a tout juste une semaine que ses parents l’embarquent sur le bateau familial avec ses deux frères, où elle va vivre jusqu’à l’âge de 15 ans en naviguant à travers le monde. Elle en garde un souvenir paradisiaque : « On était en plein cœur de la nature dans une vie simple et sobre, empreinte de liberté et dépossédée des habitudes de la consommation courante. Cela m’a donné des vraies valeurs. Mes parents m’ont appris qu’il était important d’aller au bout de ses rêves, de ne pas trop s’écouter, de batailler, d’être digne et de donner du sens à ce que l’on fait. » Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a mis ces préceptes en application.
Elle vit quand même l’expérience de la vraie école, à l’occasion de son année de terminale qu’elle passe en internat. Après avoir décroché son Bac, elle enchaîne avec deux années de droit avec l’envie d’être avocat ou juge pour enfant : « Je voulais combattre les inégalités, l’injustice, donner de la voix à ceux qui n’en ont pas, mais au bout de deux ans, je me suis rendu compte que les bancs de la fac étaient trop stables pour moi et que j’avais besoin d’autre chose. »
Impossible n’est pas Maud
Bien évidemment la mer lui manque, elle fait l’école des Glénans, continue à naviguer avec sa famille, et en parlant avec Gérard d’Aboville, le maître en la matière, se dit que traverser l’Atlantique à la rame pour une femme serait un défi intéressant. Ce n’est pas la seule motivation qui la décide, elle aime la simplicité de l’embarcation, un bateau à rames très proche de l’eau. Il y a aussi le goût de l’effort, qui est une caractéristique importante de sa personnalité, et la volonté : « C’est sûr qu’il faut des bras, des jambes, des mains, mais c’est votre tête qui vous fait tenir. Deux hommes qui étaient des armoires à glace ont tenté la même année cette traversée, et ils ont tous deux abandonné. Ce ne sont pas les gros bras qui font tenir, la difficulté est de vivre sur ce truc minuscule dans le noir et dans les vagues. »
Ce bouillonnement, cette énergie vitale incroyable, ce besoin de vouloir sans cesse se dépasser que possède Maud Fontenoy, vont la pousser à réussir la traversée de l’Atlantique à la rame en 2003, et deux ans plus tard, celle du Pacifique.
Une double victoire
C’est probablement cette force qui l’aide à surpasser l’épreuve d’un cancer du col de l’utérus qu’on lui annonce quelques jours avant le départ de son 3ème défi. Après ses deux exploits à la rame, elle revient à ses premiers amours en tentant un tour du monde à la voile en solitaire à contre-courant, ce qui est évidemment beaucoup plus dur. Comme il est hors de question d’abandonner ce projet qu’elle prépare depuis deux ans, elle se fait opérer en urgence et part avec l’angoisse d’avoir une hémorragie interne et l’inquiétude de savoir si elle pourra avoir un enfant un jour : « Le fait que toute mon énergie vitale était concentrée à réussir ce défi en mer, m’a peut-être aidée à combattre aussi la maladie. » Partie de l’île de la Réunion le 15 octobre 2006, elle boucle son tour du monde 5 mois plus tard après avoir démâté et réparé son bateau durant 4 jours à la limite de ses forces. Une fois de plus, elle est la première femme à réaliser un tel exploit.
Si elle reconnaît que la solitude est très difficile à vivre intellectuellement face aux difficultés sur le bateau, elle n’a jamais envisagé de relever autrement ses défis : « C’est un combat personnel, il faut se renforcer soi-même pour pouvoir ensuite aider les autres. »
Une page est tournée
Ces exploits appartiennent au passé de Maud Fontenoy, aujourd’hui à 34 ans elle veut continuer à relever d’autres défis, ceux de son engagement à travers sa fondation et ses différentes responsabilités. Ce n’est pas pour autant qu’elle arrêtera de naviguer, elle a d’ailleurs il y a trois ans traverser l’Atlantique sur son voilier avec son garçon de 7 mois. Lorsqu’on lui évoque la peur, elle explique que curieusement c’est plutôt un atout : « La peur est une des premières questions qui vient en tête devant un défi. On croit qu’elle est paralysante mais en fait elle vous permet d’être plus rigoureuse, disciplinée, préparée, on la range dans un petit coin pour bien faire attention à tout. »