« L’avenir de l’agriculture passe par une biodiversité en bonne santé »
L’ancienne coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale et députée de la Somme, Barbara Pompili, est depuis trois mois Secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité. Cette écologiste dans l’âme nous éclaire sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité et la future agence française pour la biodiversité.
Quels sont les principaux objectifs du projet de loi pour la biodiversité et ses conséquences pour l’agriculture ?
Barbara Pompili - Le projet de loi vise à protéger et valoriser nos richesses naturelles. Il conforte la complémentarité entre agriculture et biodiversité comme un principe général dans le droit. Nous mettons une fin définitive au débat de posture qui consiste à opposer préservation de la biodiversité et agriculture. L’agriculture actuelle, comme toutes les activités humaines, a des impacts sur la biodiversité : parfois en négatif, lorsque les intrants ou les rejets dégradent la qualité de l’environnement et perturbent les écosystèmes; mais parfois aussi en positif, par exemple les prairies de fauche sont souvent très riches en biodiversité.
Le projet de loi inscrit explicitement dans son article 2 « le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, l’aquaculture et la gestion durable des forêts ». De manière générale, le texte encourage à faire des agriculteurs des acteurs de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Le développement économique français et le maintien de l’attractivité de nos territoires passent par une agriculture de qualité. Et l’avenir de l’agriculture passe par une biodiversité en bonne santé.
Quelle place pour l’agriculture dans la future Agence française pour la biodiversité (AFB) ?
B.P. - Cette Agence sera formée d’organismes dont certains travaillent déjà de manière très étroite avec le monde agricole: l’ONEMA, l'Agence des aires marines protégées, l’Atelier technique des espaces naturels, et les Parcs nationaux de France. Leur réunion permettra d’optimiser leurs actions, de donner plus de visibilité et de lisibilité à notre politique pour la biodiversité et de développer des partenariats avec tous les acteurs dont, bien évidemment, le monde agricole. Celui-ci sera représenté au conseil d’administration de l’AFB.
Comment sera mise en place l’AFB et ses déclinaisons régionales ?
B.P. - Dès l’adoption de la loi, le décret de création de l’AFB sera publié, avec une mise en place opérationnelle au 1er janvier prochain. Pour ses déclinaisons régionales, le gouvernement tient à la mise en place, région par région, d’une organisation souple, sur mesure et en fonction des demandes des exécutifs régionaux, mais aussi départementaux quand ils le souhaitent, sans imposer une structure identique partout. Ce qui compte, c’est l’efficacité de l’action. Il faut reconnaître la diversité des territoires et respecter le rythme de chacun. Plusieurs régions ont déjà fait savoir leur volonté de participer à la création d’ « agences régionales de la biodiversité ». Avec elles, les travaux vont démarrer rapidement.
Quels outils permettront de concilier biodiversité et activités économiques ?
B.P. - Tout autant que les outils, l’esprit est essentiel : lorsqu’est précisée la séquence « éviter – réduire – compenser » les atteintes à la biodiversité, c’est la visibilité qui est accrue pour tous les porteurs de projets, qui devront intégrer la biodiversité dès la genèse de leur projet et non, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, comme une contrainte bloquante qui survient à la fin du processus.
De même, l’inscription dans la loi du préjudice écologique, issu de la jurisprudence de l’Erika, proposition retenue suite à un amendement de la majorité sénatoriale, vise à sécuriser les acteurs économiques, qui seront mieux à mêmes d’évaluer les risques, d’éviter les atteintes à l’environnement et de se retrouver à faire face à des conséquences mettant en péril leur activité.
L’AFB, pour ne citer qu’un outil important parmi d’autres, permettra de renforcer les synergies entre biodiversité et activités économiques. Elle soutiendra les filières de la croissance verte et bleue dans le domaine de la biodiversité, apportera son appui et son expertise aux acteurs socio-économiques et disposera non seulement des moyens affectés aujourd’hui aux 4 établissements qui la constituent, mais aussi de crédits du programme investissements d’avenir, permettant de renforcer son action vers les acteurs économiques.
Quelques repères
Petite-fille de mineur, Barbara Pompili est originaire du Pas de Calais où elle passe son enfance à Liévin. Après des études à Sciences-Po Lille, elle rejoint les Verts en 2000 où elle travaille auprès de Noël Mamère et Yves Cochet. En 2010, elle participe au congrès fondateur d’Europe écologie les verts. Elle quitte EELV en septembre 2015, puis rejoint cette année le nouveau parti « écologistes ! » créé par François de Rugy. Entre-temps en 2012, elle est élue députée de la Somme et devient coprésidente du groupe écologiste à l‘Assemblée nationale, avant d’être nommée en février 2016 Secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité.