Avec une singularité et une honnêteté intellectuelle assez rares, Roselyne Bachelot a connu l’une des plus belles
carrières politiques qu’une femme n’ait jamais eues en France : Conseillère générale puis régionale, députée à l’Assemblée Nationale puis au Parlement européen et enfin trois postes
ministériels, à l’écologie, à la santé puis aux affaires sociales. Depuis 6 mois, elle s’est reconvertie avec succès en chroniqueuse dans l’émission Le grand 8.
En mettant un terme à sa carrière politique il y a un peu moins d’un an, Roselyne Bachelot pensait prendre six mois
sabbatiques, mais les nombreuses propositions qu’elle a reçues au bout d’une semaine pour travailler dans les médias, l’ont décidée à franchir le pas. Sa liberté de ton et son aisance sur les
plateaux télé lui avaient déjà valu d’être sollicité tout au long de son parcours. Elle a finalement choisi de rejoindre Laurence Ferrari sur D8: « Je ne voulais pas que ce soit la
télévision du service public, ayant été ministre juste avant, cela pouvait prêter à confusion, la malveillance étant la chose du monde la mieux partagée. J’ai été attirée par l’aventure que
représentait une émission qui démarrait, mais aussi par D8 avec son slogan : « La nouvelle grande chaîne », j’ai trouvé cela intéressant. Le fait que Le grand 8 ne soit présenté
que par des femmes a fini de me convaincre, d’autant que nous sommes pilotées par Laurence Ferrari, une professionnelle que je respecte. Je me suis toujours bien entendue avec les femmes, je les
trouve plus simples, plus travailleuses, moins arrogantes. »
Cette émission quotidienne démarrée en octobre 2012 permet à Roselyne Bachelot de parler d’autre chose que de politique.
Même s’il en est question régulièrement, elle intervient aussi sur des sujets plus légers, ce qu’elle apprécie énormément après 30 années axées à servir son pays et sa région. Son nouveau métier,
l’ancienne ministre le prend à cœur et ne veut surtout pas de traitement de faveur, elle participe comme ses quatre collègues à toutes les étapes de l’élaboration de l’émission.
Une lucidité qui ne se dément pas
Sa décision d’arrêter la politique était prise de longue date, qu’elle explique par un bon mot : « les vieux
messieurs en politique, c’est triste, mais les vieilles dames, c’est pathétique. » Cet humour décapant qu’on lui connait, est semble-t’il génétique puisque son père pratiquait le même, et
que son fils en a hérité. Elle continue néanmoins à 66 ans à avoir des engagements citoyens en étant membre du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, et en s’occupant
d’associations sur le handicap ou la lutte contre le sida. En septembre dernier, elle a participé durant deux mois aux travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique
aux côtés de Lionel Jospin et douze autres membres : « J’ai notamment beaucoup milité pour la proposition stipulant que les anciens présidents de la République ne soient pas au Conseil
constitutionnel, c’est une anomalie grotesque, une insulte au bon sens et à l’éthique. »
Un peu moins d’un an après la publication de son livre « A feu et à sang » qui a provoqué une polémique et des
commentaires assez durs dans son propre camp, Roselyne Bachelot ne regrette rien, bien au contraire au vu de qui s’est passé ensuite avec l’élection à la présidence de l’UMP, qu’elle juge
catastrophique. Sa critique du fonctionnement de son parti et de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy était courageuse, lucide et prémonitoire : « Pour se reconstruire, la droite
ne pourra pas faire l’économie d’un devoir d’inventaire. L’UMP a été un cartel électoral qui ne s’est constitué sur aucune base idéologique, et n’a résolu aucun des conflits internes au parti sur
des sujets primordiaux. Depuis 2002, nous avons refusé de nous remettre en question, d’entreprendre un travail de fond, cela a eu pour conséquence de nous faire perdre tous les
pouvoirs. »
Eveil très précoce à la politique
Dès sa naissance, Roselyne Bachelot ne fait rien comme les autres puisqu’elle vient au monde un 24 décembre à minuit, à
Nevers près du village où ses grands-parents sont éleveurs de charolais. Elle passe toutes ses vacances dans la ferme familiale et en garde ses meilleurs souvenirs d’enfance. Une enfance par
ailleurs très studieuse à Angers, avec des parents rigides et une scolarité chez les religieuses, où elle est à la fois une très bonne élève et une meneuse extrêmement dissipée. Elle commence le
piano à 3 ans et demi et en joue durant de nombreuses années, la musique dès lors prend une place essentielle qui ne faiblira jamais. Après avoir rêvé d’être professeur, puis d’entrer à
Sciences-Po, sa mère la convainc d’opter pour une voie scientifique. La jeune bachelière choisit pharmacie et entame des études qui la mèneront à un doctorat. C’est avec bonheur qu’elle exerce ce
métier jusqu’à ce que de nouvelles responsabilités l’appellent.
La politique a toujours été présente dans la vie de Roselyne Bachelot, le général De Gaulle l’a embrassée sur la joue
lors d’un meeting alors qu’elle était âgée de 9 mois et accompagnait son père, ancien résistant qui sera député durant 20 ans. Tout au long de son enfance, elle colle des affiches, distribue des
journaux, écoute les conversations des grands, mais ce n’est qu’après avoir constitué son foyer et élevé son garçon, qu’elle envisage à 30 ans une carrière politique.
Les échelons gravis un à un
D’abord candidate sur une liste municipale en 1977, elle se lance pour son propre compte 5 ans plus tard lors des
élections cantonales : « Mon père a voulu mettre la barre très haut : Il ne faudra pas que l’on puisse dire que tu es ma fille, donc tu vas te présenter dans un canton ancré à gauche où
tu n’as aucune chance. J’ai fait une campagne à la Obama à une époque où cela ne se faisait pas, en arpentant tout le territoire du matin au soir pendant 6 mois. Le soir de ma victoire, un
notable de droite m’a dit : Si l’on avait su que c’était possible, on aurait envoyé un homme. » Voilà comment a démarré la carrière de la conseillère générale qui deviendra ensuite
conseillère régionale, avant d’être élue députée puis députée européenne avec une fidélité indéfectible à sa région : « Je ne suis pas une nomade en politique ni une fleur coupée dans
un vase mais une plante de pleine terre, je suis profondément attachée au Maine et Loire. »
Sur de nombreux sujets, Roselyne Bachelot sera en désaccord avec sa famille politique mais elle se sent profondément
gaulliste, n’a jamais été attiré par la gauche et préfère être une éclaireuse pour son propre camp, qui souvent s’est rangé à son avis par la suite, comme pour la loi Evin, le Pacs, la loi sur la
parité et bientôt le mariage pour tous, elle en est persuadée.
Une femme dans l’arène politique
Féministe de longue date comme sa mère et sa grand-mère, elle s’est vite rendu compte qu’être une femme en politique est
un gros handicap, mais cela lui a permis aussi de garder sa liberté, son intégrité en ne faisant jamais partie d’une écurie. Consciente de sa singularité, elle se revendique intellectuelle à la
fois en écrivant, son prochain livre sera consacré à Verdi, et en faisant des choix raisonnés et conditionnels lorsqu’elle soutient quelqu’un. Par contre, elle ne se reconnait pas dans
l’originalité vestimentaire qu’on lui prête : « L’apparence pour un homme ou une femme politique est importante, c’est une forme de respect d’être bien habillé lorsque l’on va à la
rencontre des électeurs, mais j’ai toujours été irritée par la démesure que cela prenait dans nombre de sujets qui m’étaient consacrés. Lors de la campagne européenne de 2004, tous les articles
commençaient par la description de mes toilettes. La femme est souvent réduite à son apparence et cela n’a pas changé aujourd’hui avec les différentes ministres. De plus, il y a une
pipolisation de la presse dite sérieuse, s’expliquant sans doute par les difficultés du secteur qui conduisent à vouloir plaire à d’autres publics. »
La consécration ministérielle
Ses nombreux engagements écologiques, sanitaires et citoyens l’ont conduite à se voir confier 3 postes ministériels. Tout
d’abord en 2002, Jacques Chirac la nomme Ministre de l’écologie. Durant 2 ans, elle écrit avec d’autres la charte de l’environnement, fait voter la loi sur les risques naturels et technologiques,
parvient à apaiser le monde de la chasse. Puis en 2007, Nicolas Sarkozy la nomme Ministre de la santé. Elle y reste 3 ans et demi, période où elle s’occupe entre autre de la gestion de la grippe
A et fait voter la loi Bachelot, appelée aussi loi hôpital, patients, santé et territoire. Fin 2010, elle devient Ministre des affaires sociales mais la proximité de la fin de mandat empêche les
grandes décisions, même si elle retient celle sur l’autisme déclarée grande cause nationale 2012, et l’augmentation de 30% des crédits pour le plan de lutte contre la violence faite aux
femmes.
De toutes ces années, son meilleur souvenir reste le débat parlementaire, où elle s’est toujours efforcée de respecter
les députés quels que soient leur bord : « Chacun d’entre eux, détient une parcelle brillante de la démocratie. » Et de conclure lorsqu’elle regarde dans le rétroviseur :
« Je suis fière de la construction de ma vie, qui est caractérisée par l’honnêteté et la générosité. J’ai toujours essayé dans tout ce que je faisais, de donner un petit morceau de mon
cœur. »