Once upon a time in Hollywood
Très attendu pour de multiples raisons, le nouveau Tarantino tient toutes ses promesses et s'inscrit comme l'un des tous meilleurs dans la filmographie du cinéaste. A 56 ans, pour son dixième long-métrage si l'on compte Kill Bill (volume 1 et 2) comme deux films à part entière, il nous replonge dans le Hollywood de son enfance, en 1969 très exactement, avec une nostalgie et une mélancolie sublimes teintées d'une pointe de parodie dont il a le secret. Difficile de ne pas jubiler devant un film de Tarantino, sa manière de filmer, de mettre en scène, ses choix de musique, tout participe à ce subtil mélange de virtuosité, de fluidité, de délectation à s'attarder sur des visages, des gestes, des objets, et ce film regorge de séquences jouissives. Le duo formé par deux des plus grandes stars du cinéma fonctionne à merveille, Leonardo DiCaprio est comme toujours excellent et Brad Pitt, flegmatique et beau gosse, campe finement un personnage bien plus complexe qu'il n'y paraît, sans oublier la superbe Margot Robbie qui interprète délicieusement Sharon Tate, à laquelle le cinéaste rend un hommage très touchant. Amoureux fou de cinéma, même s'il s'agit ici en grande partie de séries télé, Tarantino se sert de son immense culture dans ce domaine pour faire revivre magistralement cette période transitoire entre l'âge d'or hollywoodien, et l’avènement d'une nouvelle génération prodigieuse incarnée par Scorcese, Coppola ou Spielberg. C'est l'époque où l'on recycle les vieilles recettes qui ont fait rêver plusieurs générations, comme le western, dont la télévision s'empare pour créer des héros récurrents ou qui s'offre une nouvelle vie avec le western spaghetti. A travers ce conte mêlant habilement fiction et réalité, Tarantino multiplie les hommages, les références, et met en lumière les acteurs secondaires, les cascadeurs, les coulisses et l'artisanat du septième art dans ce film flamboyant où chaque plan est un régal.
Un livre de raison
"Un livre de raison", paru il y a une quarantaine d'années, est l'un des cinq romans que l'américaine Joan Didion, aujourd'hui âgée de 84 ans, a écrit durant sa carrière. Devenue une icône intellectuelle outre-Atlantique, elle a aussi été une grande journaliste dans les années 1960-70, a écrit de nombreux essais, des scénarios, et a inspiré plus d'un écrivain, citons Bret Easton Ellis, Jay McInerney ou Donna Tartt. On retrouve dans ce roman son style caractéristique à la fois laconique, factuel, précis et sans fioritures, fait de phrases courtes et percutantes, d'une beauté noire et austère, pour dresser le portrait de deux femmes, une narratrice et une héroïne, à travers une enquête psychologique qui tente de sonder les désordres de l'âme. Située dans un petit pays d'Amérique centrale dans les années 1970, cette histoire intimiste et politique retrace le parcours d'une américaine morte stupidement à 40 ans durant les violences d'une révolution qui ne la concernait pas. La vie de cette femme en perdition depuis la disparition de sa fille âgée de 18 ans, suite à un attentat qu'elle a perpétré avec des camarades, racontée par une narratrice anthropologue atteinte d'un cancer, est au final touchante dans le récit sans concession que Joan Didion a concocté.