Osez Joséphine
Quarante-six ans après sa mort en 1975, Joséphine Baker revient en pleine lumière en entrant au Panthéon pour y rejoindre les grandes figures françaises grâce à sa vie d'artiste de music-hall, de résistante et de militante antiraciste. Quand elle avait 16 ans, cherchant vainement un rôle dans les théâtres de Broadway, elle se poudrait copieusement la peau en blanc pour améliorer ses chances. Moins de cinq ans après, le directeur du théâtre des Champs-Élysées s’écriait «Pas assez nègre !» en la découvrant. C’est en se jouant des clichés racistes de son époque que Joséphine Baker allait devenir une des premières superstars internationales de la modernité, dansant sur une ligne de crête entre Afrique et Amérique, entre comédie et érotisme, entre célébrité et actions secrètes, puis entre engagement politique et identités multiples. Le jour anniversaire de sa naturalisation française, elle entre au Panthéon, le temple républicain élevé aux grands hommes par la patrie reconnaissante. Elle y sera la première noire, l’une des seules personnes nées à l’étranger et l’une des six femmes y côtoyant les 75 autres grands hommes. Résistante n’ayant jamais confondu De Gaulle avec Pétain, bisexuelle, féministe et antiraciste, Joséphine Baker nous rappelle que sous la joie de vivre d’une grande artiste brillent parfois le courage et la détermination d'une femme en avance sur son temps. La cérémonie terminée, il faudra alors s’attaquer aux discriminations qui minent encore et toujours la société française, alors que le débat politique s’enfonce de jour en jour dans une hypocrisie populiste, nauséabonde et mensongère, avec le courage qui fait cruellement défaut à notre époque, mais qui n’a jamais manqué à l’artiste que la République honore en son temple.