La vie invisible d'Euridice Gusmao
Prix Un certain regard au Festival de Cannes, ce bouleversant mélodrame brésilien, dont l'action se situe principalement dans les années 1950 avec un épilogue de nos jours, nous raconte la vie sacrifiée de ces femmes invisibles victimes d'une société patriarcale, empêchées de s'émanciper, de choisir leur métier, leur mode de vie, et ne disposant même pas de leur corps. Ce film indispensable, qui vous donne honte d'être un homme, s'attache au destin de deux sœurs fusionnelles et joyeuses qu'un père arriéré va empêcher de se revoir après l'erreur de jeunesse de l'une d'elles. Cette domination masculine insupportable, que l'on espérait d'un autre temps trouve malheureusement un écho violent dans le Brésil d'aujourd'hui avec le régime réactionnaire de Bolsonaro. Pour donner corps à cette émouvante histoire de sororité dans cet univers machiste, étouffant, les deux actrices qui incarnent les sœurs apportent fougue et passion dans leur interprétation généreuse et habitée. La superbe photographie granuleuse de la française Hélène Louvart nous plonge dans un Rio d'une autre époque aux couleurs saturées, et contribue un peu plus à rendre ce film déchirant. Le cinéaste de 53 ans, Karim Aïnouz, n'élude aucun aspect de ce que subit une femme dans sa vie quotidienne qu'elle soit mariée ou fille mère obligée de travailler en usine et se prostituer, le réalisme de sa mise en scène participe à nous oppresser un peu plus. Son film est chargé de sensualité, de musique, de drame, de larmes, de sueur et de mascara, mais aussi imprégné de cruauté, de violence et de sexe, tous ces ingrédients contribuant à en faire une œuvre intime et sociale puissamment féministe et profondément marquante.