La fille au bracelet
Ce drame judiciaire autour d'un procès aborde habilement et sans complaisance la méconnaissance et l'incompréhension des parents sur ce que sont devenus leurs enfants à l'adolescence, et nous plonge dans le fossé qui les sépare. En laissant toute sa place à l’ambiguïté et au mystère de l'affaire qui est jugée lors de ce procès, une jeune fille accusée d'avoir tué sa meilleure amie, le cinéaste Stéphane Demoustier construit son film avec rigueur et justesse en exploitant au mieux les codes de la dramaturgie que représente une cour d'assises, en l’occurrence celle de Nantes dans le très beau palais de justice dessiné par Jean Nouvel. Anaïs Demoustier, sœur du réalisateur, est parfaite comme toujours sauf qu'ici elle évolue dans un registre très différent de ses précédents rôles, les autres comédiens sont également impeccables, notamment la jeune Melissa Guers, qui pour sa première prestation impressionne. Un film qui dérange autant qu'il fascine sur les rapports filiaux, les mœurs des adolescents, en dessinant aussi le portrait d'une jeune fille au comportement et aux réactions équivoques qui ouvrent en grand la porte au doute sans qu'elle puisse jamais se refermer.
La tentation
Lauréat du Prix Médicis, cet impressionnant thriller familial, après une séquence d'ouverture intense entre un chirurgien chasseur et un magnifique cerf, évolue crescendo vers un final apocalyptique, où l'univers du personnage central s'effondre après s'être heurté à plusieurs incompréhensions avec son fils, sa fille, voire sa femme. A 63 ans, de son écriture précise, ample, puissante, sensorielle, rythmée, Luc Lang nous entraîne une nouvelle fois après l'excellent "Au commencement du septième jour" dans un roman où la tension ne faiblit quasiment jamais, se déroulant au cœur des Alpes, dont la beauté froide d'une fin d'automne ajoute au malaise qui s'installe au fil des pages. La violence sous-jacente ou bien réelle par moments irrigue cette histoire de liens familiaux distendus, où le père, notable lyonnais, ne sait plus comment s'y prendre avec ses deux enfants devenus adultes dont les choix de vie sont très loin de ses valeurs. A travers une construction originale, l'auteur mêle habilement tout au long de l'intrigue dans une langue virtuose, descriptions de paysages, dialogues, sensations, souvenirs, références bibliques, scènes répétées sous un autre angle comme pour percevoir différemment le passé. L’incompréhension entre le père et ses enfants est aussi l’affrontement de deux mondes, deux façons de concevoir la société, un humanisme bourgeois digne d'un côté et l'ultralibéralisme sans scrupules dans lequel se complaisent le fils et indirectement la fille. Il y a du Chabrol dans ce roman assez noir, où ce père va chercher une sorte de rédemption dans les actes inhabituels pour lui qu'il va accomplir, c'est tout à la fois introspectif, existentiel et haletant.