L'œuvre puissante et politique de Faith Ringgold
Le musée Picasso s’ouvre aux artistes contemporains pour montrer que le maître est toujours aujourd'hui une référence vivante. Pour son premier hommage, l’hôtel Salé a choisi Faith Ringgold, une artiste femme, noire, américaine, âgée de 92 ans, récemment célébrée au New Museum de New York mais mal connue en France. Auteure de peintures sur toile et sur tissu ainsi que d’installations, cette native d’Harlem s’est distinguée par un travail figuratif, engagé et féministe, qui résonne particulièrement aujourd’hui. En octobre 2019, lorsque le Moma de New-York avait rouvert après des travaux d'agrandissement, le geste le plus fort de ce vaste ré-accrochage des collections permanentes avait été de placer, face au trésor des Demoiselles d'Avignon, acte de naissance du cubisme par Picasso, une toile de 1967 de la série des American People d'une artiste relativement méconnue, Faith Ringgold. Comment expliquer la cohabitation entre cette afro-américaine contemporaine et le peintre moderne natif de Malaga ? La réponse se trouve à Paris, au musée Picasso, dans la cinquantaine d’œuvres exposées, avec en vedette la grande peinture du Moma de 1967. Elle représente une scène d'émeute dans la ville, dont le fond est gris comme celui de Guernica, de Picasso, datée de 1937, dont Faith Ringgold s'est inspirée. Au milieu de sa peinture intitulée Die, entre les cadavres ensanglantés, une jeune fille noire et un jeune garçon blanc se serrent l’un contre l’autre, terrorisés. Ils sont un symbole d’innocence, comme un rappel que le racisme et la haine ne sont pas innés. Après soixante ans de carrière, où elle a documenté les luttes historiques, des droits civiques aux violences racistes systémiques toujours d'actualité aux États-Unis, l’engagement politique et social a été au cœur de ses peintures. Dans les années 70, Faith Ringgold délaisse la technique traditionnelle de l’huile sur toile pour expérimenter la peinture sur tissu qu'elle entoure de très beaux patchworks. C'est sa mère qui lui a appris à coudre ces courtepointes qui couvraient les lits des familles noires. Toutes plus belles les unes que les autres, il y a parmi celles exposées une des plus marquantes qu'elle ait réalisée, repérsentant un drapeau américain dégoulinant de sang, sur lequel une mère noire, géante, tente de protéger ses enfants. Merci au Musée Picasso de mettre en lumière cette artiste majeure et ses œuvres, dont la force et la beauté nous saisissent intensément. Une superbe découverte.
Faith Ringgold : Black is beautiful est à voir au Musée Picasso jusqu'au 2 juillet.