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« Il n’y a pas de liberté sans Etat, et je crois à la nécessité d’un Etat capable d’imposer l’intérêt général »

Publié le par michelmonsay

Jean-Louis Debré 009

 

Interview réalisée en janvier 2011 mais toujours d'actualité.

 

Gaulliste affirmé très proche de Jacques Chirac, Jean-Louis Debré a toujours eu un vrai sens de l’Etat dans ses différentes fonctions, Ministre de l’Intérieur, Président de l’Assemblée Nationale et aujourd’hui du Conseil Constitutionnel. A 66 ans, il est à la tête de cette cour suprême dont on parle de plus en plus, et qu’il nous fait découvrir par le menu.

 

Pouvez-vous nous expliquer l’évolution du Conseil Constitutionnel dont le rôle et le pouvoir se sont considérablement étendus ?

Jean-Louis Debré - Apparu en 1958 avec la constitution de la Ve République, le Conseil Constitutionnel (CC) s’est imposé peu à peu dans l’architecture institutionnelle. Au départ, il avait pour mission de veiller au bon fonctionnement du régime parlementaire et statuer sur le contentieux des différentes élections. Progressivement, il a affirmé un contrôle de la constitutionnalité des lois et l’on a ouvert sa saisine, initialement réservée au Président de la République, au Premier Ministre et aux présidents des assemblées, en 1974 aux députés et sénateurs, puis en mars 2010 aux citoyens. Aujourd’hui le CC examine les lois soit avant leur promulgation, quand il est saisi par les autorités politiques, soit à l’occasion d’un procès civil, pénal, commercial, lorsqu’un citoyen demande que l’on vérifie si la loi qu’on lui oppose est toujours constitutionnelle. Le rôle du CC est d’examiner que les lois nouvelles ou anciennes ne portent pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il peut alors confirmer une loi, l’annuler ou mettre des réserves d’applications. Il y a désormais 3 cours suprêmes : La Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel.

 

Comment s’organise le CC ?

J.-L.D. - Nous sommes une petite administration avec 60 personnes qui travaillent dans cette maison, tous personnels confondus. Le CC est composé de 9 membres désignés pour 9 ans, 3 par le Président de la République, 3 par le président de l’Assemblée Nationale et 3 par le président du Sénat, plus les anciens Présidents de la République. Depuis la réforme constitutionnelle, le rythme de travail est passé d’une séance tous les 10 jours à pratiquement tous les matins, de ce fait Jacques Chirac et Valery Giscard d’Estaing ne peuvent pas toujours être présents. D’autant que j’ai institué la règle d’assister aux audiences de plaidoirie pour venir aux délibérés.

 

Depuis quand ce nouveau droit donné aux citoyens de saisir le CC est-il effectif et qu’a t’il changé ?

J.-L.D. - La réforme s’applique depuis mars 2010, nous avons été saisis de 100 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et avons annulé 30% des lois. Tout citoyen peut saisir le CC à condition que ce soit dans le cadre d’une instance juridictionnelle. Le recours est d’abord examiné par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat pour être sûr qu’il est sérieux et conditionne le fond du débat, puis il est soumis au CC. Les décisions que nous rendons doivent être d’une parfaite transparence, les citoyens peuvent désormais assister aux audiences soit au siège du CC soit sur notre site Internet, qui reçoit 1 million de visiteurs chaque année. Je fais très attention que le CC n’apparaisse pas comme l’expression du gouvernement des juges, notre mission n’est pas de réécrire la loi mais de gommer ce qui nous apparaît contraire à l’ordre républicain. Notre instrument le plus utile est la gomme et non pas le crayon. Lorsque l’on change la jurisprudence, il ne faut pas ajouter une instabilité juridique. La législation ne doit pas changer au gré des modes ou des circonstances. Nous nous devons d’être le point fixe de l’Etat, et ne jamais donner raison à un clan contre un autre.

 

Quelles sont les principales décisions du CC faisant suite à des QPC ou des saisines parlementaires depuis votre entrée en fonction ?

J.-L.D. - Parmi les décisions significatives que nous avons prises, il y a celle concernant les pensions de retraite des anciens militaires ayant servi la France, où il existait une distorsion entre la pension d’un français et celle d’un étranger. Nous avons annulé la procédure de garde à vue, considérant que les droits de la défense n’étaient pas respectés. De même, la rétention douanière qui permettait de mettre en garde à vue quelqu’un durant 24h sans faire attention là aussi aux droits de la défense. Nous avons également annulé l’hospitalisation sans consentement, 75 000 personnes chaque année en sont l’objet dans une procédure sans garanties suffisantes. Nous avons supprimé les tribunaux maritimes datant de Colbert, qui allaient contre un principe du droit français.

Par ailleurs, dans le cadre de la saisine parlementaire, nous avons annulé la taxe carbone au motif qu’il n’y avait pas d’égalité des citoyens dans les charges publiques. Une partie de la loi Hadopi 1, au motif que la liberté d’expression n’était pas suffisamment garantie sans sanction possible. Egalement la rétention de sûreté au nom de la non rétroactivité des peines.

 

Après toutes ces hautes fonctions exercées, comment pourrait-on définir la patte Jean-Louis Debré ?

J.-L.D. - J’ai en moi l’héritage de mon père Michel Debré, qui m’a transmis le sens de l’Etat. Il n’y a pas de liberté sans état, et je crois à la nécessité d’un état capable d’imposer l’intérêt général. Lorsque j’ai été Ministre de l’Intérieur, j’étais au cœur du fonctionnement de l’Etat, d’autant que c’était au moment des attentats terroristes avec une tension permanente pour essayer de les empêcher. Puis en étant Président de l’Assemblée Nationale, je n’ai jamais pris parti pour un côté de l’hémicycle par rapport à l’autre, ni en votant un texte ni en favorisant le droit de parole. Pour moi, que vous soyez de la majorité ou de l’opposition, vous êtes avant tout un député de la Nation et vous avez les mêmes droits. J’ai d’ailleurs été ému lorsque j’ai quitté mes fonctions, c’était la première fois dans l’histoire de la République que cela arrivait, quand l’ensemble des députés s’est levé pour m’applaudir et me remercier. De même aujourd’hui au CC, je continue à me situer dans la tradition gaulliste de rassemblement. L’Etat n’appartient à personne, il n’est pas la chose d’un clan politique.

 

En 1995, vous disiez que si la presse arrêtait de parler des attentats, il n’y en aurait plus, aujourd’hui Brice Hortefeux continue dans cette voie avec les voitures brûlées, comment voyez-vous le rôle de la presse ?

J.-L.D. - La liberté de la presse est essentielle pour la respiration d’une démocratie, mais nous sommes entrés dans un monde hyper médiatisé. Un événement peut entraîner par sa médiatisation des effets néfastes. On est vis-à-vis du terrorisme et des trafiquants de drogue, dans une guerre très difficile, et il ne faut pas oublier la responsabilité des journalistes à l’égard de la société. Je suis opposé à toute censure, mais face à un certain nombre de phénomènes d’entraînement, chacun doit avoir le sens des conséquences de ce qu’il écrit ou ce qu’il dit.

 

Comment construisez-vous vos romans ?

J.-L.D. - Je n’ai pas suffisamment de talent pour tout inventer, par conséquent je suis observateur de la vie politique et de la lutte acharnée pour le pouvoir depuis ma plus jeune enfance. Avec l’effondrement des idéologies et la médiatisation de la vie politique, on assiste aujourd’hui davantage à un combat de clans, voire de personnes, et à un spectacle où on donne l’impression, on sème une image. En politique, on rencontre très peu d’originaux et beaucoup de copies, j’ai toujours été amusé par ces personnages qui voudraient et parfois se croient être des originaux, mais qui n’en n’ont ni le talent ni l’intelligence. Tout cela inspire mes romans, dans lesquels j’essaie de dire deux choses : La première est que l’histoire politique montre qu’il y a un ménage à 3 qui fonctionne mal entre la justice, la police et la politique. La seconde est que parfois lorsqu’un fait divers croise l’itinéraire d’un homme politique, cela devient une affaire d’Etat alors que ça devrait rester un fait divers.

 

Pourquoi écrivez-vous autant ?

J.-L.D. - L’écriture est un complément à l’action politique. Dans les fonctions que j’ai exercées, on est toujours dans l’immédiat, dans la parole, dans la réponse instantanée. Il faut à un moment fixer son raisonnement, structurer sa pensée et prendre du recul sur les événements, l’écriture permet tout cela. Les romans m’apportent la liberté et les essais historiques me permettent de m’instruire, de découvrir, en rendant hommage aux hommes et femmes connus ou moins connus qui ont fait la République et ce que nous sommes aujourd’hui. Jusqu’à la veille de ma mort j’essaierai toujours d’apprendre.

 

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Entre douceur et humour grinçant

Publié le par michelmonsay

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Portrait réalisé en mars 2011

 

 

Déjà 37 ans d’une carrière jalonnée de chansons entrées au Panthéon de la variété française de qualité, pour Louis Chedid. Il revient après le succès du Soldat rose, le conte musical qu’il a composé, avec un nouvel album plus intimiste enregistré avec son fils -M-. Il est actuellement en plein cœur d’une tournée, le meilleur moment pour cet humaniste à la fois rêveur et très lucide.

 

C’est un chanteur heureux que l’on retrouve, dont le dernier album sorti en novembre 2010 a reçu un accueil favorable des médias, et du public en devenant disque d’or. Aboutissement et récompense d’un travail assez long dans lequel Louis Chedid s’est beaucoup investi en parlant un peu plus de lui, et en allant chercher l’inspiration au plus profond de ses émotions. Ce monde d’apparences dans lequel on vit ne l’a jamais intéressé, et à 63 ans, il se concentre encore plus sur l’intériorité, que ce soit la sienne ou celle des gens qu’il rencontre. Chose rare à notre époque, il n’a pas peur des bons sentiments à partir du moment où ils sont sincères, voilà pourquoi il a intitulé son album : On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à distiller des chansons aux paroles grinçantes, avec la douceur qui le caractérise si bien.

Malgré l’expérience accumulée avec ses 15 albums précédents et la notoriété acquise, il n’est pas assis sur des certitudes et ressent la même appréhension à chaque fois : « Les gens comparent toujours les nouvelles chansons aux anciennes, aujourd’hui il n’y a plus de valeur sûre, on peut avoir de très bonnes ventes pour un disque et puis beaucoup moins celui d’après. »

 

La belle entente

Cet album est à part dans sa carrière. S’il l’a écrit et composé comme toujours, pour la première fois il a entièrement enregistré les 11 chansons avec son fils Matthieu (-M- de son nom de scène) dans une approche artisanale en jouant tous les instruments uniquement à deux : « J’ai fait des disques très produits, notamment enregistrés aux fameux studios Abbey Road à Londres avec des instruments à cordes, mais là j’avais envie d’un album dépouillé qui mette en valeur l’émotion, la voix, les paroles, être le plus à nu possible. D’ailleurs, je ne désespère pas de faire un album guitare voix, en tout cas j’aimerai bien l’essayer sur scène, cela apporte une fraternité, un courant humain. »

Cela fait déjà 19 ans qu’il travaille avec son fils mais jamais encore totalement comme ici. Au-delà de l’entente humaine il y a une entente musicale qui a été le moteur durant toutes ces années de cette collaboration débarrassée de tout ego. Louis Chedid considère Matthieu comme l’un des meilleurs musiciens français actuels, et il n’a pas tout à fait tort au vu des demandes de toutes parts dont -M- est l’objet : « C’est un privilège de l’avoir à mes côtés, et il participe pleinement au succès de l’album. »

 

Le secret d’une réussite

Très humble par rapport à la longévité de sa carrière et à la chance de ne pas être un artiste dont l’heure de gloire n’a duré qu’un temps, il reconnaît avoir eu un acharnement salutaire dans les moments de doute : « Personne ne vous attend, il faut prouver que vous êtes encore là, notamment après des échecs. Une carrière est faite de hauts et de bas, les bas peuvent soit vous couler soit vous aider à avancer, savoir gérer ces moments est la base d’un métier artistique. » Pur autodidacte, il n’a jamais pris de cours de chant si ce n’est avec les Petits chanteurs à la croix de bois, ni de guitare où il a appris tout seul à l’oreille. A l’image de Paul McCartney, il compose ses chansons sans savoir écrire une note de musique.

Un premier jet vient instinctivement puis il peaufine les paroles et les arrangements. S’il aime avant tout les ballades avec de belles mélodies que l’on retrouve abondamment dans sa discographie, comme Anne ma sœur Anne ou Ainsi soit-il, il s’est régulièrement laissé aller avec bonheur à des morceaux plus rythmés comme l’excellent God save the swing. Sa préférence chez les autres artistes allant à des chansons empreintes d’une certaine tristesse, dont l’ambiance le fascine comme Avec le temps de Léo Ferré ou Yesterday des Beatles.

 

La communion avec le public

La scène a toujours été le moment le plus jubilatoire pour lui, surtout après la 3ème chanson une fois passée la tension au début du concert. C’est là qu’il peut donner la pleine expression de son art : « Dans notre métier en dehors de la scène, il y a soit un intermédiaire entre l’artiste et le public, soit ce sont des petits morceaux de votre travail comme à la télé. Alors qu’en concert, votre vie défile durant deux heures et vous êtes en direct avec les gens sans intermédiaire. Si vous leur donnez ce qu’ils attendent, vous recevez en retour un amour, une chaleur. » Ceux qui ne connaissent pas Louis Chedid sur scène pourraient penser que sa prestation est assez figée, alors qu’en fait c’est le contraire et le public finit debout en dansant.

Il reconnaît néanmoins l’importance de la télé ou la radio comme diffuseur, et il est toujours impressionné d’entendre la première fois une de ses chansons écrites seul dans son coin, qui tout d’un coup est écoutée par des milliers voire des millions de personnes.

 

Le Soldat rose

Ayant participé avec un grand bonheur à Emilie jolie en 1979, il a longtemps eu envie lui aussi de composer une comédie musicale pour enfants que les parents apprécieraient également. Il créé en 2006 avec Pierre Dominique Burgaud, Le Soldat rose, en réussissant à convaincre une sacrée brochette de grands noms de la chanson française, comme Alain Souchon, Francis Cabrel, Bénabar, Sanseverino, Vanessa Paradis, -M-, Jeanne Cherhal, et d’autres. Outre l’enregistrement de l’album, la prestigieuse troupe dont il fait partie en interprétant le rôle de la panthère noire en peluche, donne deux représentations au Grand Rex à Paris dans un spectacle qui sort par la suite en DVD. Au final, 2 Victoires de la musique pour Le Soldat rose, plus de 400 000 exemplaires vendus, et une tournée triomphale avec de jeunes chanteurs qui ont repris les rôles de leurs illustres prédécesseurs. Expérience très gratifiante pour Louis Chedid, qui au-delà du succès, a pu mesurer la confiance et l’amitié que lui ont témoigné tous ces artistes.

 

L’amour du cinéma

Cette aventure va se prolonger, puisque Louis Chedid va lui-même réaliser prochainement un dessin animé sur Le Soldat rose, en revenant ainsi à ses premiers amours. Passionné de cinéma durant son adolescence où il passe ses journées à la Cinémathèque, il rêve de devenir réalisateur. Par un concours de circonstances, il apprend le montage et en fait quelques années notamment à la Gaumont. A côté de cela, en 1973 il fait écouter des maquettes de chansons chez Barclay et enregistre son premier album. Il continue le montage et la musique en parallèle jusqu’à la fin des années 70 où il signe son premier tube T’as beau pas être beau. A partir de là, sa carrière prend une nouvelle dimension, il arrête le cinéma mais lui rend hommage à travers deux superbes chansons : Ainsi soit-il et Hold-up.

 

Un humanisme créatif de mère en fils

Fait assez rare, le succès a touché 3 générations dans la famille Chedid. Louis étant au milieu d’une incroyable filiation, avec Andrée sa mère, grande écrivaine humaniste, et Matthieu, un des leaders de la chanson pop actuelle : « Je ne crois pas au facteur génétique, si c’était aussi simple, tous les « fils de » réussiraient. Chacun de nous trois dans son domaine a eu la hargne d’y arriver, après il y a eu une transmission de sensibilité, d’ouverture sur les autres, de chaleur humaine, d’indépendance, de savoir être en harmonie avec le monde extérieur, d’aller au bout de ses projets, et de comprendre l’importance du travail dans nos métiers. »

Louis Chedid a toujours refusé la contrainte, dès l’école jusqu’après le Bac, où il choisit d’être artiste en partie pour être libre. Si on a compris qu’il ne rechigne pas à la tâche lorsqu’il est en période d’écriture, d’enregistrement ou de concert, le reste du temps c’est un doux rêveur qui aime se balader, bouquiner et arrêter le mouvement. Cela dit, ses bulles d’oxygènes ne durent jamais très longtemps, et assez vite se fait sentir un manque, qu’il ne manquera pas de combler en 2011 avec la tournée et la réalisation du dessin animé.

 

Publié dans Portraits

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Une détermination à toute épreuve

Publié le par michelmonsay

Florian Rousseau 009

 

En étant triple champion olympique et en ayant récolté 10 titres de champion du monde de cyclisme sur piste dans les disciplines de la vitesse, du keirin et du kilomètre, Florian Rousseau possède l’un des plus beaux palmarès du sport français. La reconversion de ce passionné s’est faite naturellement en devenant entraîneur national du sprint sur piste et de Grégory Baugé en particulier, avec de grands espoirs de médailles aux JO de Londres cet été.

 

A quelques jours du début des Jeux, l’excitation est palpable pour Florian Rousseau devenu entraîneur depuis 2005. La magie de cet événement opère toujours autant, le stress et les doutes sont aussi là, peut-être plus que s’il était lui-même sur le vélo. Se sont ses deuxièmes Jeux comme entraîneur après Pékin 2008, où la récolte avec une seule médaille d’argent était moyenne au regard des objectifs bien supérieurs pour Londres. L’or olympique est visé à la fois par équipe mais aussi en individuel avec notamment Grégory Baugé, le champion du monde de vitesse entrainé par Florian Rousseau. Celui-ci a rapidement su qu’il avait des dispositions pour transmettre, et apporter des conseils avisés aux jeunes cyclistes lorsqu’il était lui-même compétiteur.

 

Un virage naturel

A peine sa carrière terminée à 30 ans, il s’est retrouvé entraîneur de l’équipe de France sans passer par des niveaux intermédiaires, et tout s’est enchaîné sans qu’il ne se pose de questions : « Même si cela fait une vingtaine d’années que je suis à l’INSEP, il n’y a aucune lassitude, le métier d’entraîneur n’a rien à voir avec la vie d’athlète. Après 7 ans, je continue d’apprendre au quotidien, et en plus la relation humaine est passionnante. Même si je suis sur le bord de la piste, il y a toujours cette envie de gagne en moi, cette flamme. Je ne dis pas qu’au début l’adrénaline provoquée par une victoire ne m’a pas manqué, mais aujourd’hui les émotions que j’ai avec les athlètes que j’entraîne lorsqu’ils gagnent, sont très fortes aussi. »

Cette nouvelle expérience a forcé sa nature introvertie à s’ouvrir aux autres et à montrer davantage ce qu’il ressent. Florian Rousseau a aussi appris à s’adapter à la personnalité d’un coureur, sans essayer de calquer son propre modèle. La relation psychologique entre l’entraîneur et son athlète est aussi importante à ses yeux que la préparation physique. Aujourd’hui, 12 coureurs sont sous sa responsabilité à l’INSEP, 9 hommes et 3 femmes spécialisés dans les épreuves de sprint, et même s’il est l’entraîneur particulier du meilleur mondial Grégory Baugé, il tient à la cohésion du groupe qui s’entraîne le plus souvent ensemble. Le cyclisme sur piste français avec 88 médailles olympiques depuis 1896 est la 1ère nation mondiale, et Florian Rousseau contribue aujourd’hui à transmettre cet héritage, cette culture de la gagne que lui-même a porté si haut.

 

Un discret sur le devant de la scène

Son palmarès impressionnant avec 3 médailles d’or aux JO et une d’argent, plus 10 titres de champion du monde, lui a apporté une belle notoriété pour sa discipline plutôt confidentielle en dehors des Jeux. Cette hypermédiatisation des JO où il est passé au journal de 20h, a fait la une de L’Equipe et où on le reconnaît encore aujourd’hui dans la rue, l’amuse et ne lui laisse aucune amertume par rapport à d’autres sports sur le devant de la scène en permanence. Très rigoureux sur son entraînement et n’aimant pas se mettre en avant, il n’a pas profité autant qu’il aurait pu de sa notoriété durant sa carrière, en refusant des sollicitations notamment pour la télé. Maintenant qu’il est entraîneur, il l’accepte plus volontiers pour faire parler du cyclisme sur piste ou pour soutenir des causes, comme récemment avec la fédération française de cardiologie afin de promouvoir l’activité physique.

 

Rien ne vaut les Jeux Olympiques

Sport semi-professionnel, le cyclisme sur piste ne permet pas à tous ses pratiquants d’en vivre, seul les coureurs ayant un nom reconnu peuvent obtenir des partenaires pour du sponsoring, surtout lorsqu’ils brillent aux JO comme Florian Rousseau. Certains sont tétanisés par l’enjeu exceptionnel des Jeux, d’autres comme lui s’en nourrissent : « Etre champion olympique est le graal d’un sportif ». Il l’a été dans les disciplines du kilomètre en 1996, du keirin et en vitesse par équipe en 2000. Seul petit bémol de sa carrière, ne pas avoir été champion olympique de vitesse individuelle à Sydney en 2000, alors qu’il était le meilleur au monde depuis 4 ans. La forte rivalité avec un autre français Laurent Gané qu’il réussit à battre en ½ finale après 3 manches très disputées et épuisantes, l’empêche de se présenter en pleine possession de ses moyens pour la finale où il est dominé et obtient la médaille d’argent. Le lendemain en se battant comme un chien selon ses mots, il devient champion olympique de keirin.

 

Un mental hors du commun

Sydney avec 3 médailles, 2 d’or et une d’argent, restera le plus beau souvenir de sa carrière, ainsi que le 3ème titre consécutif de champion du monde de vitesse qu’il obtient en 1998, d’autant que cela se passe à Bordeaux devant sa famille et 5000 personnes qui hurlent dans le vélodrome. Sa fin de carrière est plus délicate, il se sent un peu usé, manque de motivation et ne se qualifie pas pour les Jeux d’Athènes en 2004. Il est temps de tourner la page pour Florian Rousseau surtout que le mental a toujours été une de ses principales forces. Capable de se surpasser lorsque l’enjeu est important à ses yeux, il a récolté ainsi 18 médailles mondiales et 4 olympiques en 13 ans de carrière. A côté de ce mental, il s’imposait une hygiène de vie sans concessions : « Si je loupais un entraînement, je culpabilisais, et même le 1er janvier j’y étais sans que je ne le ressente comme un sacrifice. Idem pour les soirées où je rentrais à minuit, le bon vin dont je ne prenais qu’un demi-verre, et mes amis d’enfance auprès desquels je n’ai pas entretenu les relations. J’étais égoïste, il n’y avait que le vélo à 100%. »

 

Un corps sculpté par le travail

Ses performances et sa morphologie impressionnante ont inévitablement éveillés des soupçons de dopage, notamment dans un reportage assez orienté de l’émission Envoyé spécial : « Cela m’avait blessé, mais quel moyen j’avais de prouver que l’on pouvait faire du très haut niveau dans ma discipline en étant sain. D’autant que c’était peine perdue avec le cyclisme sur route qui est vraiment touché par le dopage, et les gens n’hésitant pas à faire un amalgame. La masse musculaire des pistards s’acquiert avec des années de travail à soulever des barres, et 25 heures d’entraînement par semaine sur le vélo, où il y a de la souffrance physique. Pour repousser sans cesse mes limites, cela m’est arrivé d’aller très loin dans l’effort et de vomir après, d’avoir mal à la tête, de me sentir très mal. Pourtant, c’était toujours un plaisir d’aller à l’entraînement. »

 

A peine enfourché un vélo, déjà champion !

Assez rêveur en classe et d’un tempérament très sportif dès son plus jeune âge, le vélo est arrivé par hasard pour Florian Rousseau à 12 ans, lorsque son parrain lui en offre un à Noël, et lui propose de participer 6 mois plus tard à une course locale où il finit 2ème. Ce résultat va déterminer sa vie. Attiré d’abord par le cyclisme sur route dans lequel il s’identifie à Bernard Hinault, il gagne de nombreuses courses dans sa région natale près d’Orléans, où le terrain plat favorise les arrivées au sprint. Il fait parallèlement un peu de piste et à 16 ans on lui propose d’intégrer l’INSEP, détectant en lui un potentiel pour le haut niveau. A partir de là, tout s’enchaîne à une vitesse incroyable… puisqu’il devient rapidement champion de France, puis à 18 ans champion du monde juniors et dès l’année suivante, il obtient son 1er titre de champion du monde chez les grands.

 

Le culte de la performance physique

Ce besoin de sport qu’il a toujours eu est présent encore aujourd’hui à 38 ans, où il continue par addiction à s’entraîner 6 heures par semaine. Lorsqu’il ne fait pas de vélo, il pratique la plongée sous-marine, aime les voyages, la nature, bien manger maintenant qu’il peut se l’autoriser un peu plus, et aller voir d’autres sports ou des spectacles qui mettent en avant la performance physique, comme la danse ou le cirque. Pour l’avenir, il se souhaite une vie toujours aussi remplie avec des émotions aussi fortes en restant entraîneur encore quelques années. Puis, il sera temps de trouver un nouveau défi, peut-être à la direction technique nationale du cyclisme. Ou pour s’amuser de temps en temps, être consultant ponctuel à la télé, même si la 1ère expérience à la fin de sa carrière n’avait pas été concluante, mais c’était avant d’opérer sa mue d’athlète à entraîneur, époque où il était encore un peu sauvage et pas très à l’aise.

 

Publié dans Portraits

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« Il y a des excès dans l’agriculture mais nous avons tous notre part de responsabilité »

Publié le par michelmonsay

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Autant comédien de cinéma et de théâtre qu’humoriste de one-man-show, Didier Bénureau est l’un des meilleurs comiques de sa génération. A 55 ans, son humour caustique n’en finit pas de caricaturer les travers de ses contemporains, en créant des personnages hauts en couleurs et irrésistibles.

 

Pouvez-vous nous parler du métier d’humoriste ?

Didier Bénureau - C’est une question de nature, j’ai d’abord joué de la guitare puis j’ai voulu devenir comédien mais l’humour m’a vite rattrapé. J’ai commencé à écrire des sketches, une  pièce comique et j’ai intégré le Théâtre de Bouvard en 85. Déjà à l’armée lors d’une journée portes ouvertes, alors que je n’avais rien demandé, on m’avait proposé d’être clown dans un spectacle pour enfants. L’humour est la façon la plus évidente pour moi de m’exprimer, en dénonçant la bêtise, les défauts de la nature humaine, les travers de la société. Je plante une situation, pose un personnage et m’amuse à m’en moquer, sans pour autant régler des comptes. Lorsque des gens pas visiblement d’accord avec ce que je pense, se marrent de ce que je leur propose, j’estime avoir atteint mon objectif. Dans mes sketches qui ont un aspect théâtral, il y a différents niveaux de lecture, certains vont rire uniquement sur une grosse blague, d’autres sur le personnage, le texte, la situation et les subtilités apportées par mon jeu. Le plus jubilatoire est d’être sur scène en train de jouer un texte que j’ai écrit, et se sentir en phase avec le public quand il rit aux situations qui moi-même me font rire.

 

Quel regard portez-vous sur le monde agricole ?

D.B. - Bien qu’élevé en région parisienne, j’ai passé toutes les vacances de mon enfance dans la maison familiale située dans un petit hameau près de Saintes, au milieu des champs, des vignes et des forêts. J’y retourne régulièrement et aujourd’hui encore nous avons des champs cultivés par un cousin, et je connais là-bas des viticulteurs qui vendent leur vin blanc pour la fabrication du Cognac. J’aime une agriculture raisonnée, je pense que la nature se respecte et suis attristé par le productivisme et les saloperies que l’on met dans les champs. Un paysan beauceron m’a dit texto : « Je n’ai pas besoin de la terre pour faire pousser mes céréales, elle n’est qu’un support, c’est tout ce que je mets dedans qui fait que ça pousse. Le consommateur à toujours vouloir payer moins cher, nous contraint de procéder comme cela pour s’en sortir. » C’est vrai qu’il y a des excès dans l’agriculture mais nous avons tous notre part de responsabilité en tant que consommateur. Cela dit, il y a une prise de conscience et une évolution en cours qui est toute à l’honneur des agriculteurs. J’ai vu des vignerons plus heureux et plus fiers de fabriquer des bons produits bien faits dans une agriculture raisonnée, que ce qu’ils faisaient auparavant.

 

De quoi est faite votre actualité ?

D.B. - Je tiens le rôle principal d’une comédie policière loufoque intitulée « Cassos » qui vient de sortir au cinéma. En octobre, il y aura la sortie DVD de mon dernier spectacle, « Indigne » distribué par France Télévision. Puis du 27 novembre au 1er décembre à la Cigale de Paris, je vais proposer un spectacle sous forme de best of de tout ce que j’ai fait depuis 15 ans, avec mes meilleurs sketches et des musiciens sur scène. Enfin en septembre 2013, je vais jouer au théâtre du Palais-Royal avec Michel Aumont et Claire Nadeau, une comédie que j’ai écrite intitulée « Mon beau-père est une princesse ».

 

Avez-vous un sketch sur le monde agricole ?

D.B. – J’en ai un qui s’appelle « Le paysan du 3ème millénaire » dont voici un extrait : Je nettoie mes 400 hectares de vigne avec du Zerox 3000, ça te tue tout, il n’y a plus une brindille. J’ai fait poser du lino qui imite la pelouse et pour aller dans la vigne, il faut mettre les patins. Ca te nettoie aussi la nappe phréatique, l’eau des rivières est toute bleutée et il faut voir les bestiaux qu’on y trouve. Les anguilles, les gardons, les carpes, tout ça c’est fini, aujourd’hui on y pêche la hyène ou le chenapan, ça te fait comme des sardines de 85 kilos … A mes poules, je leur donne des gélules rouges, elles me défèquent des gélules vertes que je donne aux canards, qui me défèquent des gélules jaunes que je donne aux cochons, qui me défèquent des petites limaces fluorescentes, je jette ça en terre et ça me donne des choux-raves de 50 kilos … A la coopérative dans leur laboratoire, ils font des mutations. Ils te fabriquent le poulet cochon, avec un gros cul de cochon et toute la viande du porc, et devant il y a un petit bec de poulet, ça te fait comme une grosse limace de 150 kilos nourri exclusivement à la bille fluo plastique. Tu peux couper la viande directement dessus, il ne sent rien le poulet cochon, et deux jours après ça repousse…

 

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« On ne fait pas assez pour l’agriculture alors que c’est quand même l’essentiel »

Publié le par michelmonsay

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Lui qui vient de fêter ses 40 ans de scène, n’a pas finit de réinventer l’humour à chaque spectacle, voire même à chaque représentation. Son ton décalé, poétique, flirtant avec l’absurde, et son engagement écologique ont contribué à faire de Marc Jolivet un humoriste à part. A 62 ans, après avoir proposé un spectacle symphonique, un autour des présidentielles, il s’attaquera en 2013 aux coulisses du déclenchement de la 1ère guerre mondiale.

 

Pouvez-vous nous parler du métier d’humoriste ?

Marc Jolivet - Je suis d’un tempérament joyeux, déconneur et je n’ai pas la sensation de faire un métier, je suis moi-même. Humoriste ce n’est pas un métier mais une façon d’être, de vivre, et j’ai la chance merveilleuse que des gens payent pour venir m’écouter raconter les histoires que j’ai écrites. Rire est indispensable pour vivre. J’ai commencé par écrire des pièces, des chansons, des films et assez naturellement je suis passé au one-man-show. La vie est tellement courte que l’on a intérêt à avoir un maximum de rêves et essayer d’en réaliser le plus possible. En écrivant, on n’est jamais sûr de l’effet sur le public. Il m’arrive quelquefois d’être content et penser que telle idée est vachement bien et va marcher très fort, mais il s’avère que ce n’est pas le cas. Inversement, on est parfois étonné par le rire provoqué par un passage dans un sketch, où l’on ne s’attend pas vraiment à ce qu’il fonctionne autant. C’est là un des aspects passionnants de l’humour, qui démontre les limites d’une éventuelle technique, à laquelle je ne crois absolument pas. Le moment que je préfère est d’entendre rire les gens et les voir repartir heureux, avec en point d’orgue l’improvisation, lorsque notamment j’arrive à trouver des mots qui correspondent uniquement au public de telle ville et pas un autre. Un rire local en somme.

 

Quel regard portez-vous sur le monde agricole et y avez-vous des liens ?

M.J. - J’ai un bon ami vigneron, Jean Luc Isnard, qui fabrique un Cotes du Ventoux biologique, Terres de Solence, avec lequel j’espère un jour faire du vin.  Par ailleurs, j’ai été à un moment parrain des amis de la Confédération paysanne, et lorsque José Bové a rejoint les communistes, j’ai arrêté. Je souhaite que l’agriculture intensive devienne une agriculture plus responsable. J’ai vu les drames provoqués par les pesticides, c’est scandaleux, et j’espère que les agriculteurs vont en prendre conscience et se révolter, en tout cas je suis à leurs côtés. Je trouve que l’on ne fait pas assez pour l’agriculture alors que c’est quand même l’essentiel. Il faudrait que la FNSEA se rapproche de la Confédération paysanne, et que tous les agriculteurs se mettent ensemble pour faire une agriculture raisonnée, naturelle. Sans parler de nos estomacs, il faut que les agriculteurs qui s’empoisonnent eux-mêmes, comprennent qu’ils ne doivent pas rester entre les mains de Monsanto, pour cela nous devons lutter ensemble au niveau européen. Pour manger sainement et d’une façon naturelle, je suis très favorable aux AMAP ou aux démarches similaires. Il faut vraiment être taré lorsqu’on a le choix, pour préférer une nourriture avec des pesticides à une qui n’en a pas.

 

De quoi est faite votre actualité ?

M.J. - Durant un an et demi, je vais écrire un nouveau spectacle qui deviendra un film et s’appellera « Moi, Guitry, De Gaulle et les autres ». C’est une comédie dans le style de Feydeau autour des raisons du déclenchement de la guerre 14-18, que nous jouerons à partir de novembre 2013 au Théâtre du Rond-point. A côté de cela, je vais finir mon 2ème roman, peut-être faire un spectacle pour enfants et continuer à jouer mes précédents spectacles. Pour le « Comic symphonic », je serai à Toulon le 6 juillet, à Toulouse le 13, puis 3 dates en octobre que vous trouverez sur mon site. Pour « Marc Jolivet fête ses 40 ans de scène », je serai le 25 juillet à Roquebrune-Cap-Martin, puis toujours sur le site vous aurez les dates pour la rentrée.

 

Avez-vous un sketch sur le monde agricole ?

M.J. - J’ai un sketch qui a 15 ans et que j’actualise au fur et à mesure, dont la durée peut aller jusqu’à 45 minutes selon l’improvisation, mais je vais essayer de vous le faire court : C’est François Hollande qui va rejoindre son ex-compagne Ségolène Royal et il ne veut pas que ça se sache. Il part dans la campagne déguisé en José Bové, et sa voiture crève au milieu de nulle part à 3 heures du matin. Il voit une ferme, va demander si on peut l’aider. Le paysan appelle alors Emilio, arrive un cochon avec une jambe de bois. Le paysan lui demande d’aller réparer la roue de François Hollande. Le Président dit au paysan : Mais monsieur, c’est un cochon ! L’autre lui répond : Vous voulez qu’on vous aide ou pas ? Le président : Bon d’accord. Le cochon prend les clés dans son groin, part réparer la roue de la Ferrari, revient et rend les clés à François Hollande. Le paysan lui dit : Voilà monsieur, bonne nuit on va se recoucher. François Hollande lui répond : Excusez-moi, encore merci mais pourquoi ce cochon a une jambe de bois ? Le paysan conclut : Monsieur, un cochon avec des qualités pareilles, vous n’imaginez tout de même pas qu’on va tout manger d’un seul coup !

 

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Une Inde fascinante mais à deux vitesses

Publié le par michelmonsay

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Le prolifique réalisateur anglais de 51 ans, Michael Winterbottom, a régulièrement montré durant sa carrière d’un rare éclectisme, son intérêt pour des sujets à connotation politique ou sociale. On pense notamment dans sa filmographie récente à : « Un cœur invaincu » ou « The road to Guantanamo ». Pour sa dernière œuvre dont il situe l’action en Inde et plus particulièrement au Rajasthan et à Bombay, il filme ce pays passionnant, bouillonnant, coloré, dans un style parfois proche du documentaire pour en faire ressortir une réalité sociale très contrastée. Si l’idée de transposer Tess, le célèbre roman de Thomas Hardy, dans l’Inde contemporaine peu paraître audacieuse à la base, le résultat est troublant et totalement réussi tant l’histoire semble avoir été écrite comme telle. D’autant que le personnage principal est joué par la superbe actrice indienne Freida Pinto, qui porte le film avec une grâce, une justesse et une émotion remarquables. Quatre jeunes hommes anglais sont en vacances dans le Rajasthan, l’un deux qui a des origines indiennes, fait la connaissance d’une jeune paysanne à qui il propose un travail dans un hôtel luxueux de Jaipur appartenant à son père. Dans une région où les conventions sont encore très présentes, l’histoire d’amour qui pourrait se dessiner entre eux arrivera-t’elle à dépasser le fossé social qui les sépare ? Au travers de cette trame, le réalisateur nous montre un pays en pleine évolution, dans lequel les femmes tentent une difficile émancipation par les études et le tourisme, mais où la toute puissance masculine ne les aide pas beaucoup. Film à la fois hypnotisant et poignant dont le pouvoir perdure longtemps après le générique de fin.                                                                                                         

Trishna – Un film de Michael Winterbottom avec Freida Pinto, Riz Ahmed, …

Publié dans Films

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Retour impressionnant de l’une des plus belles voix du rock

Publié le par michelmonsay

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On pensait que Patti Smith appartenait définitivement au passé comme étant l’icône du rock underground américain des années 70, et puis arrive ce nouvel album, dont la qualité rivalise avec ses premiers enregistrements comme le légendaire « Horses ». Il était totalement inespéré de retrouver cette artiste aux multiples talents aussi inspirée musicalement, et capable de nous livrer 12 nouvelles chansons bouleversantes dès la première écoute. Poétesse, peintre, photographe, Patti Smith a aussi rencontré un beau succès de librairie en 2010 avec son récit autobiographique « Just kids ». A 65 ans, elle n’a rien perdu de son incarnation rock, même si aujourd’hui sa musique semble un peu plus apaisée mis à part quelques envolées, l’esprit demeure et la voix n’a jamais été aussi belle, grave, profonde, impressionnante. Alternant ballades émouvantes et morceaux plus rythmés, cet album est un modèle d’équilibre musical avec de magnifiques lignes mélodiques, exceptés les 2 derniers titres un ton en-dessous. La compositrice a su admirablement bien adapté sa musique à notre époque en gardant par moments un son rock très seventies toujours particulièrement efficace, mais en l’enrichissant d’une touche country par ci, jazz par là voire même world. Cet album est aussi l’occasion pour l’artiste de rendre hommage aux victimes de Fukushima, à Amy Winehouse, à l’actrice Maria Schneider mais aussi à la culture russe et à Johnny Depp. Au final, on ressort électrisé par le choc provoqué à l’écoute de ce disque somptueux, traversé de part en part par la voix unique de cette artiste qui a eu la bonne idée de ne pas arrêter de chanter.                                                                                                                  

 

Patti Smith – Banga – Columbia records – 1 CD : 14,99 €.

 

Publié dans Disques

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Chronique sociale d’une formidable justesse

Publié le par michelmonsay

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Depuis son 1er long-métrage réalisé il y a une vingtaine d’années, le cinéaste Cédric Kahn fait partie de ceux que l’on suit avec intérêt. A 46 ans, il sort un 9ème film, sans doute son meilleur, où l’aspect social qui a toujours été en filigrane dans sa filmographie éclectique, est ici bien plus présent avec force et émotion. Sans être jamais pesant en évitant les clichés et l’attendrissement, lé cinéaste dans un style réaliste proche du documentaire, construit son film sur un rythme haletant. Il se sert d’une histoire intense pour évoquer très justement quelques uns des problèmes douloureux de la société actuelle, relayé pour cela par un excellent couple de comédiens à contre-emploi. Guillaume Canet trouve là son meilleur rôle, et Leïla Bekhti confirme dans un registre totalement différent, le talent entrevu dans « Tout ce qui brille » récompensé l’an dernier par le César du meilleur espoir. Un cuisinier qui travaille dans une cantine scolaire se présente dans un restaurant, à la recherche d’un emploi mieux rémunéré. À défaut d’être pris, il fait la rencontre d’une serveuse avec laquelle une alchimie réciproque se dessine très vite. Au hasard d’une journée de repos au bord d’un lac en pleine forêt de la grande banlieue parisienne, les nouveaux amoureux et le fils de 9 ans de la jeune femme découvrent dans un endroit idyllique, un grand local à l’abandon qui est à vendre. Commence alors à s’échafauder dans la tête du cuisinier, un judicieux projet de restaurant qu’il va essayer de concrétiser avec sa nouvelle compagne. Ce remarquable film, qui commence dans une veine « Grand public » et qui peu à peu bascule dans un poignant cinéma réaliste entre Ken Loach et Pialat, véhicule malgré un contexte hostile, une énergie positive très émouvante.

 

 

Une vie meilleure – Un film de Cédric Kahn avec Guillaume Canet, Leïla Bekhti, Slimane Khettabi, … - France Télévisions Distribution – 1 DVD : 19,99 €.

 

Publié dans DVD

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« Le Sénat est un lieu pertinent pour des esprits modérés aimant le dialogue »

Publié le par michelmonsay

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L’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin est resté une personnalité écoutée et estimée de l’échiquier politique, par son humanisme, sa modération, et sa connaissance du terrain avec plus de 13 ans à la tête de la région Poitou-Charentes. A près de 64 ans, le vice-président de l’UMP entend jouer un rôle de rassembleur au sein de son parti pour éviter un éventuel éclatement.

 

Quel est le rôle et le pouvoir du Sénat et des sénateurs ?

Jean-Pierre Raffarin - Le Sénat est une assemblée de sagesse moins soumise aux pressions de l’actualité que ne l’est l’Assemblée Nationale. Les sénateurs élus au suffrage universel indirect par  les élus locaux, sont moins exposés aux humeurs du temps. Le débat y est moins systématique, moins manichéen et plus ouvert vis à vis du clivage droite-gauche. Pour les textes concernant les territoires, le Sénat est saisi en premier et impose de ce fait un premier regard sur le travail législatif. Pour les lois générales, le dernier mot reste à l’Assemblée Nationale.

Il y a des progrès dans la lisibilité de notre travail parlementaire, notamment grâce à la chaîne Public Sénat. Le Sénat est un lieu pertinent pour des esprits modérés aimant le dialogue, qui ne font pas de la bagarre, l’alpha et l’oméga de la vie politique. La Haute Assemblée des communes de France ressemble bien au tempérament des élus enracinés, qui comme moi, sont passionnés par la décentralisation, la vie des territoires, la diversité française. Un sénateur est un médiateur entre le maire et l’administration locale et nationale, pour faire aboutir les projets des collectivités locales de son territoire, tant sur le plan du financement que sur le plan législatif.

 

Comment analysez-vous l’élection présidentielle et les premiers jours du nouvel exécutif ?

J.-P.R. - Les adversaires de Nicolas Sarkozy ont concentré les attaques plus sur la personne que sur le projet. L’antisarkozysme de la gauche a fragilisé le candidat, néanmoins le score est extrêmement serré. Cet antisarkozysme s’est appuyé sur des comportements maladroits en début de campagne, que le Président lui-même avait reconnus. La stratégie retenue a posé aussi un certain nombre de problèmes et n’a pas séduit sur des territoires politiques, au centre, et sur des territoires géographiques, à l’Ouest. Pour autant, Nicolas Sarkozy a fait une campagne extraordinaire et très mobilisatrice, avec des innovations politiques formidables comme ces grands rassemblements de la place de la Concorde ou du Trocadéro, dont nous n’avions pas la culture.

Concernant François Hollande et Jean-Marc Ayrault, je respecte les personnes, et le 1er Ministre a besoin de temps pour mettre en place ses équipes et ses projets. Attendons le discours de politique générale, un certain nombre de textes et la première session parlementaire, pour voir si les socialistes sont dans la réalité ou dans le rêve. Je pense cependant que ceux qui ont cru au changement dès maintenant vont vite devenir impatients. Les équations économiques notamment européennes que le Président et le 1er Ministre devront résoudre, leur imposeront une distance vis-à-vis de leurs promesses, qui pourrait augurer des temps difficiles pour le nouvel exécutif.

 

Pour les législatives, une cohabitation est-elle souhaitable pour le pays et l’UMP va-t’il se rapprocher du FN sur certaines circonscriptions ?

J.-P.R. - L’un des devoirs de l’opposition est d’empêcher la majorité socialiste de blesser durablement notre pays. Les 35 heures coûtent encore en 2012, 14 milliards d’euros au budget de l’Etat et 6 milliards d’euros au budget de la Sécurité Sociale. Même 10 ans après, ce genre d’erreur coûte très cher, d’autant qu’il est quasiment impossible de la corriger. Il nous faut donc empêcher que de nouvelles décisions irréversibles soient prises, telles que le droit de vote des étrangers, le recrutement des fonctionnaires ou l’arrêt de réacteurs nucléaires, en ayant le plus de députés possible à l’Assemblée Nationale. Dans les circonstances actuelles, l’idée d’une cohabitation n’est pas incohérente puisqu’il s’agit de faire face au cœur des institutions au Président Hollande, pour empêcher des décisions que nous pensons mauvaises pour la France.

Notre ligne politique à l’UMP est claire : il ne faut ni accord ni alliance avec le FN. Ceux qui choisiront une autre logique se mettront en marge du parti.

 

Au cas où l’UMP perdrait les législatives, quel sera son rôle et son positionnement entre le FN et le centre ?

J.-P.R. - Si nous ne gagnons pas, l’UMP doit préparer l’alternance en renouvelant sa pensée politique. Il faut ajouter à notre patrimoine les acquis de la pensée de Nicolas Sarkozy, sur des sujets comme le travail et la régulation mondiale, mais aussi ajouter des idées nouvelles en inventant des solutions à notre problème de cohésion sociale. Pour cela, il faudra faire émerger une nouvelle génération. La question du FN peut fracturer l’UMP, celle des egos et du combat des chefs peut aussi avoir un impact, mais je ne pense pas qu’il y ait un risque majeur de division. Mon rôle est d’essayer de convaincre que l’UMP doit vivre avec ses deux cultures pour être forte, une droite d’autorité, républicaine et populaire, et une droite humaniste. Quand l’UMP est déséquilibrée, elle ne gagne pas. Si nous avons rassemblé le RPR et l’UDF en créant l’UMP en 2002, c’est pour qualifier nos candidats devant le FN. L’éclatement de l’UMP aboutirait à une prédominance du FN pour le 2ème tour quelle que soit l’élection. Affaiblir l’UMP, c’est renforcer le FN.

Nous avons choisi de faire un grand parti qui vit de sa diversité, et non une alliance de partis pour obtenir une majorité, comme M. Hollande avec un rassemblement de contraires et de paradoxes entre M. Bayrou et M. Mélenchon. Pour avoir une majorité en France, il faut que 50% des gens soient d’accord avec vous mais pas nécessairement entre eux.

 

La situation de la Grèce vous inquiète-t’elle pour l’avenir de l’Europe ?

J.-P.R. – Un processus de désintégration de la zone euro serait mortel pour l’Europe toute entière. La Grèce doit impérativement rester dans la zone euro, même si cela nous coûtera énergie et argent. Les pays les plus fragiles ne peuvent pas avoir comme seule issue de quitter la zone euro, d’où une indispensable solidarité entre tous les membres et une solide relation franco-allemande. Si la Grèce par malheur quittait la zone euro, non seulement il y aurait de sérieux risques de guerre civile dans ce pays, mais en plus tous ceux qui ont spéculé contre la Grèce se retourneraient vers le nouveau pays le plus faible. Le jour où l’on coupera l’attache du dernier wagon, c’est l’avant-dernier qui deviendra la cible des marchés pour un jour atteindre même la France.

On ne parviendra pas à être solidaire de la zone euro et augmenter les dépenses publiques en France. Le Président devra renoncer à certaines de ses promesses pour participer à cet effort de solidarité, cela déclenchera des mécontentements, des déceptions et de possibles tensions dans le pays.

 

Il aura fallu attendre qu’il y ait plus de 13 000 morts pour commencer à parler d’une intervention en Syrie, y êtes-vous favorable ?

J.-P.R. - C’est un sujet d’une extrême difficulté à conséquence grave avec des risques d’extension du conflit, notamment au Liban. La position française est la bonne, elle exige le départ du dirigeant sanguinaire, dont le comportement contre son peuple est inacceptable pour les valeurs de la France. Il faut absolument convaincre la Russie et la Chine pour faire bouger les responsables syriens. Les pressions diplomatiques et les sanctions politiques ne suffisent pas, il faudra peut-être rétablir la paix par la force. Mais une intervention militaire est risquée. Une telle décision ne peut se prendre que dans le cadre du droit international avec une résolution de l’ONU. 

 

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« Toucher ceux qui se croient intouchables pour les rendre plus humains »

Publié le par michelmonsay

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Petite interview de Gérald Dahan et portrait réalisé en décembre 2010

 

 

L’incroyable talent d’imitateur de Gérald Dahan lui a permis de s’illustrer par ses fameux canulars téléphoniques et des chroniques cinglantes sur France Inter et aujourd’hui sur Sud Radio. Alors qu’il s’apprête à jouer son nouveau spectacle, ce trublion de 39 ans qui a obtenu son premier cachet à 14 ans, nous dit son amour de la scène et du contact avec le public.

 

Pouvez-vous nous parler du métier d’humoriste ?

Gérald Dahan - On ne devient pas humoriste ou comique, on l’est sans le savoir. Il y a des ficelles que l’on apprend à maîtriser au fil du temps, mais il s’agit plus d’une vocation, qui pour moi est née dès l’âge de 8 ans, que d’une profession. Le regard d’un humoriste sur la société consiste à essayer de provoquer le rire en faisant réfléchir, pour se moquer des angoisses du quotidien et dédramatiser un peu les choses. Pour ma part, j’ai choisi de désacraliser l’univers politique en essayant de toucher ceux qui se croient intouchables pour les rendre plus humains. Les moments que je préfère dans mon métier se passent sur scène, quand je suis derrière le rideau juste avant le début du spectacle et à la fin lorsque le public est debout. Ce contact avec le public est vraiment excitant, irremplaçable, et induit souvent des improvisations. Le rire est le propre de l’homme et fait partie des choses essentielles dont on a besoin pour être équilibré.

 

Quel regard portez-vous sur le monde agricole ?

G.D. - J’avais dans ma famille beaucoup de viticulteurs puisque je suis né à Cognac, et j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de faire les vendanges. J’ai un profond respect pour les gens qui travaillent la terre et contribuent de ce fait à nous nourrir. Je regarde toujours la provenance des produits que j’achète et privilégie systématiquement ceux qui viennent de France. Je le fais à la fois par goût et pour avoir une garantie de qualité. Le bio ne m’est pas indispensable, à part pour les œufs … je ne sais pas pourquoi, ce n’est pas rationnel !

 

De quoi est faite votre actualité ?

G.D. - Je fais une chronique du lundi au vendredi à 8h30 sur Sud Radio autour de l’actualité politique, qui est très fournie depuis plusieurs mois. En juillet, je serai à Montréal pour le festival « Juste pour rire » qui fête ses 30 ans. Ensuite j’enchaîne avec le festival d’Avignon où je présenterai dans la programmation du Off, mon nouveau spectacle « Gérald Dahan cent voix en l’air », durant une semaine au théâtre le Capitole, puis fin octobre à la Nouvelle Eve à Paris. A la même époque sortira un livre de mes chroniques intitulé « Crapule », illustré par Cabu, aux éditions du Cherche midi.

 

Avez-vous une blague sur le monde agricole ?

G.D. - Un paysan : Est-ce que vais vivre longtemps docteur ?

Le médecin : Ca fait longtemps que vous travaillez ?

P : Je travaille la terre depuis que j’ai 8 ans.

M : Ce n’est pas de très bon augure, est-ce que vous buvez ?

P : J’ai des vignes et je fais moi-même mon vin, je bois bien 1 litre par jour.

M : Il faut arrêter de boire, est-ce que vous fumez ?

P : Je fume 1 à 2 paquets par jour.

M : Il faut arrêter de fumer, est-ce que vous aimez la bonne chair ?

P : Je bouffe comme 4.

M : Il faut vous calmer, et sinon au niveau sexuel ?

P : Je ne suis pas le dernier, j’ai quelques souris dans le coin qui ne sont pas mécontentes de moi.

M : Il faut vous calmer aussi.

P : Si j’arrête tout ça, je vais vivre longtemps ?

M : Pas forcément mais par contre le temps risque de vous paraître long !

 

 

 

Portrait réalisé en décembre 2010

 

 

Appuyer là où ça fait mal

  

Habitué à l’antenne de France Inter, où il a travaillé 6 ans dans les années 1990 sur l’émission « Rien à cirer » de Laurent Ruquier, puis tous les jours au mois d’août de cette année où il était seul à l’antenne durant 50 min pour « Parlez-moi d’humour », Gérald Dahan ressent une grande frustration après l’arrêt brutal de sa chronique matinale de 8h55. Malgré les bonnes audiences et les félicitations de la direction, il ne sera intervenu qu’à 12 reprises avant d’être remercié du jour au lendemain suite à une charge assez féroce contre Michèle Alliot-Marie (MAM). En imitant la voix d’une personnalité, il distillait son billet subversif face à un invité politique avec un indéniable talent, une liberté et un courage trop rares aujourd’hui.

La décision du patron de France Inter a pour le moins surpris l’humoriste : « Je pense que Philippe Val a vendu son âme au diable. Il est très éprouvé psychologiquement par cette ambivalence dans sa conduite, en essayant de minimiser ce qu’il dénonçait avant à Charlie Hebdo, notamment la liberté d’expression sous pression. Il ne fait aucun doute que cette décision intervenant 24h après ma chronique sur MAM, soit politique.» Il s’en est suivi une polémique dans la presse où chacune des parties est resté sur ses positions, mais que penser de ce débarquement inopiné qui intervient après ceux de Stéphane Guillon, Didier Porte et Raphaël Mezrahi ?

 

Rebondir pour encore mieux railler

Cet exercice à la radio qu’il a adoré faire, a permis à cet artiste un peu dans la lune et fâché avec la ponctualité, d’être plus rigoureux. Au-delà de cet apport fonctionnel, il a eu la satisfaction personnelle de pouvoir s’adresser d’un coup à 2 millions d’auditeurs. Nul doute que l’on va très vite le retrouver sur une autre antenne. Depuis la fin octobre, Gérald Dahan a reçu un très large soutien des auditeurs et de la profession, en même temps que des propositions à la télévision et la radio. Il va prendre le temps d’y réfléchir, mais pour le moment avec ce changement de planning il a envie de retrouver l’espace de liberté que représente la scène, et prépare un spectacle intitulé « Interdit » qu’il lancera en janvier au Casino de Paris.

En s’inspirant comme toujours de l’actualité, il endossera de nouveau son rôle d’humoriste pour à la fois faire rire mais aussi réfléchir, avec des textes plus saignants que ses collègues : « L’humour par définition est une forme d’esprit railleuse qui peut prendre plusieurs aspects : pédagogique, militant, ironique, cynique, loufoque, burlesque ou absurde. » La référence en matière d’imitation reste Thierry Le Luron, selon Gérald Dahan : « Il a donné ses lettres de noblesse au métier d’imitateur, lui permettant de passer en vedette alors qu’il était cantonné aux premières parties. Le Luron était un persifleur avec une classe et un talent très complet. »

 

L’incroyable impact des canulars

Incontournables dans la carrière de Gérald Dahan, sont les canulars téléphoniques. Après en avoir fait quelques uns dans l’émission « Rien à cirer », il en enregistre 150 pour la radio Rire et Chanson en s’attaquant à des personnalités à priori intouchables. L’un des plus fameux est celui où se faisant passé pour le président Chirac convalescent, il demande à Zidane à propos du match décisif contre l’Irlande pour la qualification au mondial 2006, que les joueurs de l’équipe de France mettent la main sur le cœur au moment de la Marseillaise. Non seulement la France entière a pu voir la mise en pratique de ses consignes le soir du match, mais le canular a été téléchargé 2 millions de fois sur Internet et a fait 79 journaux télévisés dans le monde entier.

Un travail d’investigation pour bien maîtriser le sujet est nécessaire à la réussite et à l’impact du canular, explique t’il : « L’organisateur de ma tournée dans les Antilles m’avait demandé de piéger le président de la région Guadeloupe, par un canular dont j’avais le secret, pour créer le « buzz » et mieux me faire connaître. En me faisant passer pour le président Sarkozy, j’ai proposé à Victorin Lurel un portefeuille ministériel alors qu’il était soutien de Ségolène Royal. Je me suis retrouvé à la une de France Antilles et ma tournée était pleine. » Il a arrêté ses canulars en 2007, mais songe à y revenir sans préciser la date pour bien surprendre son monde.

 

Genèse d’un drôle de phénomène

Ce don d’imitateur, Gérald Dahan l’a manifesté très tôt, à tel point qu’à 8 ans il écrit sa future biographie, et va réussir à atteindre les objectifs qu’il s’est fixé en n’ayant jamais gagné sa vie autrement qu’en faisant rire. Soutenu par ses parents, il remporte des concours d’imitation et obtient son premier cachet à 14 ans, 200 francs et 2 bouteilles de Pineau pour cet originaire de Cognac en Charente. Sa région, à laquelle il a toujours un attachement familial, et professionnel depuis cette année en ayant créé un festival Rire et Rock sur une idée de Ségolène Royal.

En plus de ses qualités vocales qui font aussi de lui un très bon chanteur, Gérald Dahan est doté d’une audition au-delà de la moyenne et d’une grande capacité d’observation. Celle-ci lui permet de déceler chez quelqu’un le décalage entre l’image voulue et l’image perçue. Ayant commencé très tôt l’imitation avec la difficulté pour une voix d’enfant de reproduire une voix d’adulte, il a tout de suite compris l’importance de la gestuelle et de l’expression du visage. Aujourd’hui encore, la partie mime est très présente dans ses imitations et donne un relief saisissant aux personnages. Il ajoute : « Je n’utilise aucun accessoire et m’attache vraiment à créer une illusion, en n’interprétant pas la personne, mais en étant cette personne. A la fois dans la syntaxe, la psychologie du personnage et en ne recherchant jamais la caricature mais plutôt l’hyperréalisme, c’est pour cela que je n’imite pas de femmes. »

 

Une vraie conscience politique

Etant complètement immergé dans l’actualité, il en suit toutes les infos en permanence, et de ce fait observe des personnalités parfois durant des années avant d’avoir le déclic qui lui donnera envie de les croquer. Pour Nicolas Sarkozy, il s’y est intéressé dès le début mais sans l’imiter, jusqu’au jour où le maire de Neuilly est ressorti de la maternelle prise en otage, avec un enfant sous le bras : « Je me suis dit, c’est Bruce Willis made in France, j’ai trouvé drôle ce petit bonhomme qui joue les gros bras. »

Après une tentative de récupération de l’UMP il y a 5 ans, dont il a souffert et qu’il a eu du mal à faire oublier, il revendique un équilibre en tapant autant à gauche qu’à droite : « Je pratique le tir au pigeon, ce n’est jamais mon fusil qui change d’épaule mais le pigeon qui arrive de tous les côtés. Mes spectacles, canulars ou chroniques en témoignent. J’ai une conscience politique et des convictions plutôt engagées, que j’essaie de ne pas faire transparaître. »

 

De la suite dans les idées

Solitaire dans la conception et la préparation de son travail, il aime néanmoins co-écrire ses textes avec entre autres Vincent Martigny chercheur en sciences politiques. Chacun de ses spectacles suit un fil conducteur. Pour Sarkoland, il avait imaginé ce que pouvait devenir la France après 5 ans de politique show-biz, la même mais en pire. Ensuite, il y a eu « De droite à gauche » où il analysait qui était toujours de droite, et encore de gauche. Enfin dans « Interdit », il va relever tout ce que l’on n’a plus le droit de faire.

A 37 ans, Gérald Dahan se voit à la fois continuer sa carrière d’imitateur mais aussi développer en parallèle son envie de devenir comédien de cinéma. Dans le privé, ce passionné d’équitation western et de voile, ne manquera pas de continuer à faire le pitre auprès de son entourage, premier public parfois sévère de son humour dévastateur.

Publié dans Portraits

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