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Irrésistible romance aux antipodes du genre

Publié le par Michel Monsay

Irrésistible romance aux antipodes du genre

Tout juste couronné aux Césars avec 3 récompenses, meilleure actrice pour Adèle Haenel, meilleur premier film pour Thomas Cailley et meilleur espoir masculin pour Kevin Azaïs, « Les combattants » est bien l’une des plus belles surprises de 2014. Ce film pétri de qualités a permis de mettre en avant trois jeunes artistes dès à présent remarquables, qui laissent augurer une carrière grandiose s’ils font les bons choix. Un vent de fraîcheur est venu souffler sur le cinéma français avec cette comédie romantique, qui ne ressemble à aucune autre et réussit le difficile pari à la fois de nous faire franchement rire, de nous émouvoir et de nous questionner sur le présent et l’avenir des jeunes et plus globalement sur celui de la planète. Le cinéaste passe avec une facilité déconcertante d’un genre à l’autre pour suivre le cheminement de ses deux personnages principaux que tout oppose au début du film, lui sensible, attentionné, généreux, elle renfrognée, athlétique, à la beauté rugueuse. Adèle Haenel, qui joue cette jeune femme singulière, est époustouflante de naturel d’un bout à l’autre du film et interprète merveilleusement la lente métamorphose de son personnage. A 26 ans, elle a déjà 2 Césars et enthousiasme à chaque nouvelle prestation. Le jeune Kevin Azaïs est également parfait dans son rôle, tout comme les autres comédiens. A la mort de leur père, deux frères reprennent l’entreprise familiale de menuiserie dans une station balnéaire au bord d’un immense lac des Landes. Le plus jeune d’entre eux fait la connaissance d’une jeune femme, qui le retourne comme une crêpe lors de combats organisés sur la plage par l’armée de terre venue recruter. Il la revoit un peu plus tard par hasard, lorsqu’avec son frère ils essaient de vendre un abri de jardin aux parents de la jeune femme, alors qu’elle s’entraîne dans la piscine puis en sort pour leur déconseiller de l’acheter. Pour un premier film, chapeau au réalisateur également scénariste, tant la construction, les dialogues, la mise en scène donnent à l’ensemble un moment de cinéma drôle et touchant que l’on n’est pas prêt d’oublier.

                                                                                                                      

Les combattants – Un film de Thomas Cailley avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, Antoine Laurent, Brigitte Roüan, … – France TV distribution – 1 DVD : 14,99 €.

Publié dans DVD

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Derrière la notoriété

Publié le par Michel Monsay

Derrière la notoriété

Réalisateur mexicain surdoué qui s’est rapidement imposé à Hollywood avec des œuvres mêlant les intrigues comme « Babel » et « 21 grammes », ou avec le bouleversant « Biutiful », Alejandro Gonzàlez Iñàrritu continue de nous surprendre avec cette fois une comédie noire assez loin de ses quatre premiers films. Pourtant il continue d’explorer la nature humaine, mais en se permettant ici l’humour, la dérision pour mieux se moquer du caractère éphémère de la notoriété dans le show-business, de la futilité des réseaux sociaux, mais aussi de l’ego surdimensionné des acteurs. Filmée avec une incroyable virtuosité, l’histoire de cette star de cinéma, qui pour le public est restée Birdman le super-héros d’un film tourné 20 ans auparavant, est à la fois pathétique et touchante. Dans une mise en scène inventive, bouillonnante, passant des loges, aux coulisses, au toit ou à la scène d’un théâtre, et rythmée par des fascinants solos de batterie qui contribuent à la tension ambiante, le cinéaste met à nu ses personnages, tous très bien interprétés, pour révéler leur doutes, leurs contradictions, leurs erreurs. Le film démarre justement dans la loge d’un théâtre de Broadway, où un acteur en lévitation se détend avant de reprendre les répétitions d’une pièce qu’il a adaptée et mis en scène d’après une nouvelle de Raymond Carver, pari risqué  et absurde pour relancer sa carrière. Sa voix intérieure sous les traits de Birdman se moque de lui, en lui rappelant qu’il est une star de cinéma et n’a rien à faire dans un théâtre. Le cinéma d’Iñàrritu, à l’image de ce film fascinant, est original, intense, toujours passionnant, il fait partie des rares cinéastes que l’on suit les yeux fermés en étant sûr de vivre un moment rare. Ce moment rare vient de ressortir grand vainqueur de la cérémonie des Oscars, en se voyant décerner 4 statuettes et non des moindres.

 

                                                                                                                      

Birdman – Un film d’Alejandro Gonzàlez Iñàrritu avec Michael Keaton, Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone, …

Publié dans Films

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Le parti d’en rire mais pas seulement

Publié le par Michel Monsay

Le parti d’en rire mais pas seulement

Si pour le grand public, il reste un des auteurs emblématiques des Guignols de Canal +, Bruno Gaccio dirige aujourd’hui une unité de fiction de la chaîne et s’investit dans un engagement citoyen à travers le parti « Nouvelle donne ». En continuant de coécrire les spectacles de Patrick Timsit et en écrivant régulièrement des essais, l’humour est toujours bien présent dans sa vie.

 

En préparation pour les élections départementales avec Nouvelle donne, le parti politique qu’il a cofondé fin 2013 mais dans lequel il n’a aucun rôle officiel afin de garder sa liberté de parole, Bruno Gaccio participe néanmoins à la communication et l’orientation politique du parti : « Il s’agit aujourd’hui de bien choisir les alliances locales pour être efficace et répondre aux attentes de ceux qui se reconnaissent dans nos idées. Nouvelle donne, c’est un parti socialiste mais de gauche, avec un slogan que l’on s’engage à mettre en pratique : notre adversaire, c’est la finance. » Après avoir longtemps été anarchiste, il a pris conscience du rôle indispensable de l’Etat pour veiller aux équilibres nécessaires à la vie en société, et avec l’âge il a décidé de s’impliquer davantage dans un engagement citoyen.

 

La politique, du rire à l’engagement citoyen

Même si son travail consistait à ricaner, à se moquer des uns et des autres lorsqu’il était l’auteur en chef des Guignols de l’info, cela ne l’a pas empêché d’observer, de se renseigner sur les économies alternatives ou sur le climat. En 2012, il ne croit pas en François Hollande, et milite pour le vote blanc, il est d’ailleurs à l’origine de la loi votée en février 2014 qui reconnait le vote blanc. Puis après l’adoption de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires qui ne contient pas de réelle séparation à son sens, sujet sur lequel il attendait François Hollande, il décide de réagir et pousse son ami Pierre Larrouturou, homme politique socialiste spécialisé en économie, à créer Nouvelle donne pour redistribuer les cartes. Après 4 mois d’existence, le nouveau parti obtient 3% des suffrages aux élections européennes, c’est un début. Bruno Gaccio avait franchi une première étape en 2012 en participant à la fondation du Collectif Roosevelt aux côtés de Stéphane Hessel, mouvement citoyen ayant pour but d’apporter des idées et alimenter le débat démocratique. Même s’il ne veut pas consacrer tout son temps à Nouvelle donne, il s’investit davantage avec les élections départementales en allant à Bayeux, Saint-Etienne, Marseille, … pour participer à des réunions.

 

Un homme fidèle

Depuis 2006, Bruno Gaccio dirige La Fabrique, une unité de fictions de Canal +, qui permet à de jeunes auteurs et réalisateurs de créer une première œuvre. Jusqu’ici 23 fictions ont vu le jour : « C’est dans l’ADN de Canal + de travailler avec des artistes qui feront la télé, le cinéma, le théâtre de demain. J’attends d’eux qu’ils soient capables de comprendre leur époque et savoir la décrire avec humour si possible, sans que ce soit une obligation. Même si je préfère toujours un regard léger sur une situation, y compris lorsqu’elle est dramatique. » Il travaille aussi à une renaissance de la chaîne Comédie + qui s’essouffle quelque peu ces derniers temps.

Parallèlement, il continue sa collaboration avec Patrick Timsit démarrée il y a 25 ans, après que celui-ci ait vu le spectacle que Bruno Gaccio avait écrit pour Charlotte de Turckheim. Depuis, tous les spectacles de Patrick Timsit sont écrits à trois mains avec Jean-François Halin, autre auteur des Guignols : « L’écriture d’un one-man-show consiste à aider un artiste à accoucher de ce qu’il est déjà. Nous définissons en commun les thèmes sur lesquels Patrick a quelque chose de spécial à dire. Puis avec Jean-François Halin, nous travaillons pour lui donner la matière. Nous lui faisons les courses en quelque sorte, mais le repas c’est Patrick Timsit qui le fait ! » C’est le cas dans son dernier spectacle, « On ne peut pas rire de tout », en tournée durant toute l’année, dont les textes écrits avant les attentats de janvier prennent depuis une ampleur incroyable.

 

Jouer ou écrire

Après 3 ans de café-théâtre dès 1979 puis de nouveau 3 ans au Théâtre de Bouvard sur Antenne 2 et en tournée, Bruno Gaccio se rend compte qu’il aura plus de chances de gagner sa vie en écrivant qu’en jouant, d’autant qu’on commence à le solliciter davantage pour ses talents d’auteur. Pas évident de réussir dans l’humour lorsque l’on est plutôt beau gosse : « Pour être comique, il faut se faire plaindre. Lorsque j’ai présenté pendant deux ans et demi l’édito de Nulle part ailleurs sur Canal +, certains des auteurs m’écrivaient des blagues où j’avais des problèmes pour entrer en boite ou pour draguer les filles, ça ne fonctionnait pas. Je me suis davantage orienté vers la critique sociale, la politique, ou l’attaque un peu frontale de l’invité de l’émission. Pour Michael Jordan par exemple, j’ai cité toutes les marques pour lesquelles il faisait de la publicité, il y en avait une quarantaine, en les remerciant de nous prêter leur produit le plus cher : Michael Jordan ! »

Cet exercice, qui lui manque aujourd’hui, il l’a continué avec Philippe Gildas le midi sur la même chaîne dans « Un autre journal ». Il a souvent joué dans ses éditos un personnage lourdingue, macho, sûr de lui et le public l’a un peu associé à cette image. Pourtant même s’il aime regarder du foot et raconter des blagues cochonnes, il a dans sa vie sociale un respect total de ce qu’est l’autre quel que soit son sexe ou son appartenance religieuse. Il a longtemps mené un combat pour l’égalité homme-femme notamment dans les médias.

 

La grande période des Guignols

L’écriture humoristique, mis à part ses livres, que ce soit pour les Guignols, ses éditos ou des sketches, a toujours été un travail collectif pour Bruno Gaccio et il est persuadé de l’efficacité de ce mode de fonctionnement. Pour lui, le phénomène d’écriture s’explique par un passage dans le corps : « Cela commence dans le ventre avec l’envie d’aborder un sujet, puis cela passe dans la tête où ça tourne, ça mouline, et cela finit par le cœur car il faut de la tendresse, quelque chose qui attrape les gens. » Les auteurs des Guignols ont bien compris le principe, et la longévité de cette émission satirique atteste de l’adhésion du public. On peut même parler d’influence, que certains ont prêtée aux marionnettes, notamment dans l’élection de Jacques Chirac en 1995. Durant ses 15 années dans l’équipe des Guignols, dont une dizaine en étant le patron, même s’il n’aime pas le terme, Bruno Gaccio politise davantage l’émission et amène l’idée de faire intervenir dans le JT des invités qui jouent la comédie. Ses meilleurs souvenirs restent les soirées électorales de 1995 et 2002 avec l’exaltation de l’écriture improvisée au fur et à mesure que les nouvelles tombent. Chaque fois, ils sont les premiers à annoncer le résultat, une minute avant en 1995, et 20 minutes avant en 2002 où il fait dire à la marionnette de PPD : « Jean-Marie Le Pen est au 2ème tour, il reste 20 minutes, allez voter ! »

 

Indéboulonnable

C’est en 2007 avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir que Bruno Gaccio arrête les Guignols : « Il faut avoir un peu de respect pour la personne que l’on caricature, sinon on est méchant et ce n’est pas drôle. » Figure incontournable de Canal +, avec aujourd’hui 23 ans de maison, il se retrouve propulsé à la tête de la révolte en 2002 à l’antenne, lorsque le PDG Pierre Lescure est limogé comme un malpropre, de même que le DG Denis Olivennes, par Jean-Marie Messier patron de Vivendi, actionnaire principal de la chaîne. Les relations de Bruno Gaccio avec la direction sont tendues pendant un moment, il est même espionné dans le but de le discréditer. Lorsqu’il est question de le licencier, toute l’équipe des Guignols, auteurs, manipulateurs de marionnettes et voix, menace de partir.

 

Les hasards de la vie

De son enfance pauvre mais joyeuse à Saint-Etienne, il garde un souvenir mitigé : « Lorsque l’on vit dans une cité à la périphérie d’une ville de province, on est loin de tout, mais on savait à l’époque que l’on pouvait s’en sortir. » A 16 ans, il est dealer et aurait pu mal tourner mais s’en sort grâce à son père, qui décide de déménager dans le centre de Saint-Etienne pour que son fils arrête de fréquenter les gars de la cité. Il commence à travailler dans une imprimerie, entend parler de figuration à la Comédie de Saint-Etienne, découvre le théâtre, la considération d’autrui pour ce qu’il fait, prend des cours d’art dramatique, se met à lire pour apprendre et comprendre le monde. De fil en aiguille, il monte à Paris où il poursuit sa carrière d’apprenti comédien et se lance dans l’écriture pour épater sa copine.

Bien lui en a pris au regard de sa carrière, qui arrive aujourd’hui à un croisement avec Nouvelle donne et les élections à venir. Si ce nouveau parti trouve un électorat, Bruno Gaccio s’y investira davantage, sinon il y a l’option : « Plage, short et je fous rien », son passe-temps favori. Dans tous les cas, il n’envisage pas une seconde de quitter Canal + ni d’arrêter d’écrire des bouquins voire des pièces de théâtre.

 

                                                                                                                      

A lire : Petit manuel de survie à l’attention d’un socialiste lors d’un dîner avec des gens de gauche – Editions Les liens qui libèrent.

Publié dans Portraits

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Une voix et un artiste au sommet de leur art

Publié le par Michel Monsay

Une voix et un artiste au sommet de leur art

Nous avions quitté Asaf Avidan il y a deux ans en ayant un coup de foudre pour son premier album solo, le second nous bouleverse tout autant. L’auteur compositeur interprète israélien de près de 35 ans, qui vit aujourd’hui en Toscane, confirme ici tout le talent que critiques et public avaient découverts stupéfaits en 2013. Evidemment la voix est toujours aussi impressionnante, à la fois déchirante, vibrante et tellement unique, mais peut-être moins en force et plus dans la nuance, ne monopolisant plus toute l’attention, permettant ainsi aux chansons d’exhaler tous leurs parfums. Moins pop que le précédent, ce disque est un patchwork de musiques totalement enthousiasmant aux confins des modes, allant du jazz, au cabaret, à la comédie musicale, au blues, à la soul, avec quelques pointes rock par moments et des ballades folks pour finir. Chantés entièrement en anglais, les 12 morceaux de ce magnifique album sont empreints d’une mélancolie qui donne le frisson quel que soit le tempo et le style musical. Malgré l’éclectisme, il y a non seulement une formidable cohérence qui unit les chansons mais une vraie élégance qui les parcourt. La grande sensibilité de cet artiste s’exprime autant dans les textes poétiques évoquant l’amour, la rupture et la mort, que dans les compositions très réussies, en forme d’hommage à toutes les musiques qu’il aime, jusque dans l’interprétation qui nous touche au plus profond. Cet album indispensable, il faut l’écouter, le réécouter indéfiniment et profiter encore et encore du bonheur qu’il nous procure, sans oublier de le faire partager à ceux que l’on aime et même aux autres.

                                                                                                                   

Asaf Avidan – Gold shadow – Polydor – 1 CD : 15,99 €.

Publié dans Disques

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Clope au bec

Publié le par Michel Monsay

Clope au bec

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« La France mène une diplomatie globale »

Publié le par Michel Monsay

« La France mène une diplomatie globale »

Avec l’élargissement de son portefeuille ministériel, Laurent Fabius est aujourd’hui sur tous les fronts, des conflits internationaux à la préparation du sommet mondial pour le climat à Paris, en passant par la promotion de la gastronomie française et plus largement du « made in France ».

 

Comment se porte la gastronomie française et quelle place a-t-elle dans la diplomatie que vous menez ?

Laurent Fabius – La gastronomie française est la première au monde par sa réputation. Elle participe à notre identité. Le très haut de gamme se porte bien avec des chefs étoilés présents au plan international. Mais la concurrence est de plus en plus vive et il y a une tendance – infondée mais qui existe – chez certains à penser que la gastronomie française serait un peu passéiste – une variante culinaire du « french bashing »... Nous devons réagir, encourager l’ensemble de la filière, des producteurs aux restaurateurs : ils doivent sentir que le pays est derrière eux. La promotion de notre gastronomie passe notamment par la création d’événements marquants, comme la présentation cette année du Guide Michelin au Quai d’Orsay ou le dîner à la française qui sera servi le 19 mars dans près de 1 500 restaurants sur les cinq continents, dans les ambassades de France des 150 pays participant à cette soirée, et au château de Versailles où tous les ambassadeurs étrangers seront invités.

La France mène une diplomatie globale, en s’occupant aussi bien des problèmes stratégiques, du développement, de la culture, de notre présence économique, de la recherche scientifique, des exportations agro-alimentaires, mais aussi de la gastronomie et de l’œnologie : le rayonnement de la France constitue un tout. De la même manière, je vais mettre en place prochainement une mission sur les croisières fluviales et maritimes, secteur en pleine expansion. N’oublions pas que le tourisme représente plus de deux millions d’emplois non-délocalisables, avec une perspective considérable de développement. Aujourd’hui, un milliard de personnes voyagent dans le monde, en 2030 il y en aura le double : si nous captons une partie de ce nouveau public, notre situation économique se présentera bien mieux.

 

Vous serez président de la conférence mondiale sur le climat en décembre prochain à Paris, comment parvenir à un accord ?

L.F. - La lutte contre le dérèglement climatique est un sujet essentiel et complexe. Il faut parvenir à mettre d’accord 195 pays, c’est donc un défi extrêmement difficile. Il existe cependant des raisons d’être confiants. Ce phénomène scientifique était contesté il y a quelques années, aujourd’hui il ne l’est plus : les « climato-sceptiques » sont devenus une petite minorité. Par ailleurs, de nombreuses entreprises commencent à prendre en compte ce problème majeur car elles y trouvent une occasion de croissance : la croissance verte est l’un des piliers de l’économie de demain. Enfin, beaucoup de responsables politiques ont pris conscience que la survie de la planète est menacée. Comme le dit Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations Unies : « Il n’y a pas de plan B, puisqu’il n’y a pas de planète B. » Il y a quelques mois, un accord a été signé sur ce sujet entre les Chinois et les Américains, ce qui était impensable il n’y a pas si longtemps. De son côté, l’Europe a pris en octobre une série d’engagements ambitieux. Je reviens d’Inde, où le problème du dérèglement climatique est également de mieux en mieux compris.

L’accord, qui doit être juridiquement contraignant tout en impliquant des obligations différentes selon la richesse des pays, doit conduire à ne pas dépasser 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle. Les gros émetteurs de gaz à effet de serre que sont les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, souhaiteront, je l’espère, un accord. Ce sera difficile pour les pays producteurs de pétrole, puisqu’il s’agit de moins utiliser les énergies fossiles. Cela pourrait l’être également pour certains pays pauvres, malgré leur bonne volonté. La France, quant à elle, a fourni une contribution financière importante au Fonds vert pour le climat, et la loi sur la transition énergétique qui a été votée est très novatrice. Nous avons encore des progrès à faire mais aux yeux de beaucoup de pays, nous faisons figure d’exemple.

 

Pourquoi la situation en Ukraine a-t-elle dégénéré à ce point et quel est le rôle de la France ?

L.F. - Il y a d’abord eu l’annexion de la Crimée par la Russie, puis l’apparition des mouvements séparatistes dans l’Est de l’Ukraine, et les réactions du reste du pays avec des affrontements très violents. Pour mettre fin à cette escalade, qui est passée d’un désaccord à une guerre, la France et l’Allemagne ont fait le maximum pour parvenir à un accord. Pour cela, il était nécessaire que les séparatistes et les Russes renoncent à certaines positions qu’ils avaient prises, et que, de l’autre côté, les Ukrainiens acceptent un statut particulier pour les provinces de l’Est. C’est l’accord récent de Minsk, dont on ne sait pas, au moment où vous m’interrogez, s’il sera respecté. Notre objectif est que l’Ukraine soit en bons termes à la fois avec l’Union européenne et avec la Russie. Les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie pèsent sur la situation de ce pays. Il s’agit d’un travail de dialogue et de fermeté. Les conflits aujourd’hui sont de moins en moins localisés, il suffit de voir ce qui se passe en Syrie avec plus de 200 000 morts, des millions de personnes déplacées et la contagion à toute la région avec le phénomène terroriste de Daech. Le rôle de la France, puissance de paix, est de travailler à limiter les conflits et d’y proposer des solutions.

 

Que va faire la France pour éviter que des terroristes tuent à nouveau sur son sol ?

L.F. – D’abord, renforcer nos actions sécuritaires pour repérer, en coopération avec les autres pays européens, les terroristes actuels ou en puissance, les identifier, les bloquer et les sanctionner. Ensuite, un travail en amont pour éviter sur notre sol la contagion dans les prisons, sur Internet, et parallèlement un travail de sensibilisation aux valeurs de la République à travers l’éducation, les associations, les parents. Ces jeunes qui deviennent djihadistes ont le sentiment d’être en dehors de la société. Ils entretiennent une espèce d’héroïsme malsain dans l’affrontement supposé entre l’Occident et l’Islam. Les autorités religieuses doivent dénoncer fermement cette perversion qui consiste à tuer au nom de Dieu. Personne n’est à l’abri de cette menace terroriste, regardez les Japonais qui viennent d’avoir deux otages assassinés, alors qu’a priori ils sont très éloignés de ce qui se passe au Moyen-Orient, de même tout récemment les Danois. Le phénomène est désormais international, la réponse doit être internationale. Ces terroristes sont des criminels, ils accomplissent leurs actes théoriquement au nom de la religion, mais c’est une escroquerie et ce sont les musulmans qui sont les premières victimes, notamment en Syrie, en Irak, au Sahel et en Afrique centrale avec Boko Haram.

 

Comment la France choisit-elle ses interventions sur les conflits qui embrasent le monde ?

L.F. -  Certains disent que ce serait la présence de la France au Mali ou en Irak qui provoque des attentats. C’est l’inverse ! Si nous sommes intervenus au Mali, c’est que ce pays était sur le point de tomber sous le joug des terroristes. L’idée que pour être protégé il faudrait vivre calfeutré est totalement fausse, c’est un contresens.

De même en Irak, nous ne pouvons pas laisser sans réagir le développement criminel de Daech qui a comme objectif de tuer tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Pour les vaincre, il faut s’attaquer à leur financement, à leur armement, organiser une très bonne connexion de tous les services de renseignement. C’est un travail de longue haleine. La France est très sollicitée pour intervenir sur de multiples conflits, mais elle ne peut évidemment pas le faire seule ni partout. Les pays européens, les Etats-Unis, les grands pays émergents doivent s’engager et prendre leurs responsabilités.

 

Est-ce que l’élection de M. Tsipras et la baisse de l’euro vont nous apporter de la croissance ?

L.F. - Les Grecs ont voté pour M. Tsipras parce qu’ils n’en pouvaient plus de l’austérité : beaucoup d’entre eux ont perdu de 25 à 50 % de leur revenu ! L’austérité généralisée pour des années n’est pas acceptable. Mais, d’un autre côté, la Grèce a pris des engagements et ils ne peuvent pas être rayés d’un trait de plume. Il faut donc trouver un équilibre entre une réorientation de la politique européenne vers la croissance et le respect indispensable du sérieux budgétaire. Concernant l’euro, nous répétons depuis près de trois ans qu’il est trop cher et pénalise nos entreprises à l’exportation. Le fait qu’il soit revenu à un niveau plus raisonnable est une bonne chose, de même pour les taux d’intérêts faibles et pour la baisse du prix du pétrole. Les données macroéconomiques sont donc positives, il reste maintenant à redonner davantage de confiance.

 

                                                                                   

Quelques repères

Originaire de Paris, après de brillantes études à l’Ecole normale supérieure, Sciences-Po et l’ENA, Laurent Fabius devient directeur de cabinet de François Mitterrand. Il sera dès 1981 son Ministre du budget, puis de l’industrie avant de devenir à 37 ans le plus jeune Premier Ministre. A deux reprises, il sera Président de l’Assemblée Nationale avant d’être nommé Ministre de l’économie du gouvernement Jospin. Depuis l’élection de François Hollande en mai 2012, il est Ministre des affaires étrangères, ainsi que du développement international depuis avril 2014.

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Montjuic dans sa partie moderne

Publié le par Michel Monsay

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Académicien entouré de sa petite famille

Publié le par Michel Monsay

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C'est sérieux !

Publié le par Michel Monsay

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Paysage de saison

Publié le par Michel Monsay

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