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spectacles

Benjamin Millepied pose sa danse sur la sublime voix de Jeff Buckley

Publié le par Michel Monsay

Benjamin Millepied pose sa danse sur la sublime voix de Jeff Buckley

Avec Grace, son spectacle le plus ambitieux à ce jour, le chorégraphe Benjamin Millepied, ancien directeur de la danse de l'Opéra de Paris, a créé les tableaux de son spectacle au plus près des chansons de Jeff Buckley. De ses années américaines au New York City Ballet, Benjamin Millepied a gardé en mémoire que la danse est une expression de la musique. Danseur choyé alors, il y a interprété des chorégraphies de Jerome Robbins et Twyla Tharp, traits d'union entre le ballet et la comédie musicale. Grace, Jeff Buckley Dances, sa nouvelle création, est riche de ces accords parfaits. S'appropriant le répertoire du prodige rock américain mort à l'âge de 30 ans en 1997, et tellement regretté depuis, le chorégraphe réussit son pari. Un peu plus qu'une biographie dansée ou un simple show rock, Grace met en mouvement les émotions du chanteur à travers ses propres mots dits en scène, et surtout ses magnifiques compositions chantées avec cette voix miraculeuse, mais aussi des reprises, comme la chanson du film Bagdad café ou bien sûr le célèbre Hallelujah de Leonard Cohen. On retrouve toute la palette gestuelle de Benjamin Millepied, des portés efficaces, des corps en extension, des pas de deux sensibles, mais comme augmentée de courses ou de tours en l'air. Avec des parois mobiles et quelques meubles en guise de décor, le spectateur navigue à vue entre une chambre d'ado, un studio d'enregistrement ou un rêve éveillé. La caméra virtuose d'Olivier Simola filme en live les interprètes, détaillant ici un visage, là une envolée. Dans le très beau final, Loup Marcault-Derouard, qui incarne Jeff Buckley, est seul face au monde. Ce soliste venu du Ballet de l'Opéra de Paris fait des étincelles, fort et doux à la fois. D'ailleurs, l'idée n'est pas tant d'incarner Jeff Buckley, ses fêlures et ses démons, mais plutôt de donner à voir l'humain dans toute sa complexité. D'Ulysse Zangs à Eva Galmel, ou David Adrien Freeland et Caroline Osmont, également de l'Opéra de Paris, Benjamin Millepied a réuni une troupe de danseurs à la belle unité. Certains se révèlent même doués au chant, à l'image de Oumrata Konan dans un magnifique gospel électrique. Les danseurs tournent, virevoltent, se frôlent et se confrontent, en duo, solo ou ballet dans un spectacle d’une douceur infinie, d’une poésie absolue, qui berce autant qu’il électrise, qui envoûte autant qu’il transperce, où chaque détail célèbre le talent immense d’un chanteur à la voix inimitable et à la vie bien trop courte. Et une chose est absolument certaine, on ressort de là touché par la grâce.

Grace, Jeff Buckley Dances est à voir aux Nuits de Fourvière à Lyon les 17 et 18 juin prochain. Les représentations du spectacle sont malheureusement terminées à la Seine musicale. Voici un extrait filmé du spectacle avant sa création à Paris :

Publié dans Spectacles

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Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li

Publié le par Michel Monsay

Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li

En 2023, Blanca Li mettait en scène Didon et Énée que le chef d’orchestre William Christie dirigeait avec son ensemble des Arts Florissants. Nommée cette année à la présidence de la Villette, la chorégraphe espagnole, qui a aussi bien travaillé avec Pedro Almodovar ou Daft Punk que Jean-Paul Gaultier et Beyoncé, a décidé de créer un an plus tard, une chorégraphie inspirée de cet opéra. Après Dijon, Arcachon, plusieurs villes espagnoles, Didon et Énée poursuit sa route après s'être arrêté quelques jours à l'espace chapiteaux de La Villette à Paris. Un corps à corps magnifique avec la musique et les émotions qu’elle dégage et qui irradie le corps des danseurs sur un plateau noir aquatique. Didon et Énée est une des œuvres les plus poignantes du répertoire baroque, racontant l'amour sincère mais tragique entre Didon, reine de Carthage, et Énée, futur fondateur de Rome. Blanca Li réinvente ce récit en créant un spectacle qui transcende les époques et mêle les styles entre classique, contemporain, hip-hop, ou poses fluides héritées de Pina Bausch. À l’ouverture, les dix danseurs se tiennent côte à côte dans un rectangle de lumière. Ils semblent jouer de la musique, instruments invisibles, mains qui tirent l’archet ou tiennent la flûte et c’est ainsi, musiquant en silence, que la spirale de Purcell prend leurs corps. Elle va les habiter d’un bout à l’autre de la pièce, et la matière de leurs dix corps différemment utilisés, va modeler et donner à voir tout l’univers de ce drame. Blanca Li semble s’être donné pour règle que la danse respire la musique : les corps se vrillent, s’élancent, se spiralent pris par cette rythmique particulière à Purcell, et la chorégraphe les assemble en ligne, en cercles, en diagonales. Quelques lignes de danseurs joliment arrangés en frise grecque donnent, ici et là, la note antique. D’autres, assemblés en étranges et monstrueuses pyramides, donnent corps aux sorcières. Didon, on le sait, est reine de Carthage, aux rivages baignés par les flots. Son amant Énée la quittera par la mer. L’eau est le seul accessoire que Blanca Li se permet. Peu après le premier tableau, la scène est arrosée et les danseurs vont une heure de rang évoluer dans des figures qui mêlent magnifiquement les glissades et les éclaboussures à la danse. Un spectacle très visuel pour illustrer le seul et très bel opéra de Henry Purcell, datant de 1689, où la subtile beauté des lumières en clair-obscur fait merveille, où l’eau miroite sensuellement sur scène, et où la grande qualité des dix interprètes nous emporte.

Didon et Énée est à voir le 13 février à Garges les Gonesse, le 19 mars à Saint-Germain en Laye.

Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li
Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li
Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li
Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li
Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li
Le beau langage viscéral et aquatique de la chorégraphe Blanca Li

Publié dans Spectacles

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Bouillonnant conte musical en clair-obscur

Publié le par Michel Monsay

Bouillonnant conte musical en clair-obscur

Rachel Arditi, la sœur de Pierre, et Justine Heynemann, la fille du réalisateur Laurent Heynemann, qui ont coécrit le texte, la première jouant dans la pièce et la seconde la mettant en scène, sont nées au moment où quatre filles en colère créent le premier groupe de punk féminin britannique, The Slits : entre 1976 et 1977. Les auteures en font des figures attachantes, dont l’épopée, qui durera quatre ans, jusqu’en 1979, s’incarne en un spectacle formidablement vivant, énergique et tendre. La musique, jouée et chantée en direct par de très bons interprètes, fait ici partie intégrante de la dramaturgie : elle se tisse parfaitement avec les dialogues et la narration. L’époque revit à travers les morceaux choisis et réinterprétés avec brio, et qui composent un véritable paysage fait de colères, de désirs, de sensibilité et de lucidité face au Royaume Uni de Margareth Thatcher : De Patti Smith aux Clash, en passant par les Sex Pistols, les Stooges d'Iggy Pop voire même les Rolling Stones, sans oublier les propres chansons des Slits. Justine Heynemann et Rachel Arditi inventent dans cette pièce les dessous du parcours de ce groupe comète dans un mélange d’humour, d’impertinence joyeuse et de mélancolie embrumée, à travers une écriture espiègle et délurée, malicieuse autant que profonde, avec cette façon de faire vivre des détails, de créer des personnages touchants, des situations expressives, dans une succession de scènes qui nous font basculer du rire à l'émotion. De l’histoire de ces quatre filles coiffées avec un pétard, qui se cognent à la vie, au machisme et aux abus, de ces quatre jeunes femmes puissantes et fragiles à la fois, ces aventurières qui n’ont pas eu froid aux yeux et ont réussi à conserver d’arrache-pied le contrôle total de leur image auprès de leur maison de disque, Justine Heynemann et Rachel Arditi en tirent une épopée scénique réjouissante et galvanisante qui reconnecte avec la faculté d’agir coûte que coûte quand le désir est là, d’essayer plutôt que de rester dans son coin, quitte à se planter, suivre ses instincts, ses convictions, ses motivations, ne pas abandonner. Sur un plateau au désordre tout punk, à la sauvagerie endiablée, leur désespérance est pleine de vitalité, de rythme, de musicalité brute et folle. Une comédie musicale comme on n’en a guère l’habitude, frémissante de colère et d’audace, qui nous transporte totalement.

Punk.e.s est à voir à la Scala à Paris jusqu'au 6 avril.

Publié dans Spectacles, Théâtre

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Un spectacle virtuose d'une rare poésie

Publié le par Michel Monsay

Un spectacle virtuose d'une rare poésie

La chute des anges navigue entre cirque, danse, acrobaties et théâtre en multipliant les superbes images dans des atmosphères claires obscures. Suspendues à un fil, trois silhouettes engoncées dans des pardessus sombres gesticulent, vont et viennent accrochés à leur portemanteau. Cette scène, avec laquelle Raphaëlle Boitel ouvre le spectacle, en dit le burlesque autant que la poésie. L’artiste de cirque, metteuse en scène et chorégraphe a choisi… de ne pas choisir. Son art, comme en liberté, traverse les disciplines faisant de cette créatrice une indisciplinée notoire. Il faut dire qu'elle a été à bonne école, celle d'Annie Fratellini tout d'abord, puis une autre, en scène avec James Thierrée. Depuis elle a fondé sa compagnie et enchaîne les spectacles avec succès. Construite à la manière d’une fresque kaléidoscopique, alternant les séquences, tantôt véloces, tantôt ralenties, La chute des anges questionne l’humanité de demain, sa capacité à survivre, à poétiser un univers où tout est organisé, formaté, conformiste. S’appuyant sur le très beau travail de lumières de son comparse Tristan Baudoin, la musique impressionnante d'Arthur Bison et l'incroyable machinerie de Nicolas Lourdelle, Raphaëlle Boitel imagine une œuvre en clair-obscur entre comédie et tragédie. Loin de toute narration, elle invente des récits, des instants de vie où se croisent entre ciel et terre, hommes, femmes, êtres célestes. Jouant les équilibristes, convoquant poutres aériennes et mât chinois avec la fantastique Alba Faivre, Raphaëlle Boitel signe un spectacle de haute voltige, où virtuosité, grâce et beauté rivalisent d’intensité. Elle nous ouvre, avec ses beaux artistes acrobates, la boite de ses pensées, de ses rêves et de ses cauchemars. Dans le ballet des projecteurs dont les faisceaux semblent danser comme la musique, les acrobates sautent, s’élancent des les airs, se ruent pour combattre un monde de machines qui veut les faire taire. Un monde sans avenir qui formate les hommes. Ce spectacle de toute beauté nous entraîne dans un univers crépusculaire où l’humanité se disloque, mais le message final est plutôt optimiste sur la capacité de l'humain à s'émanciper et à renaître de ses cendres. On en sort éblouit.

La chute des anges est à voir les 3 et 4 mars à Grenoble (38) ; le 7 mars à Bron (69) ; les 10 et 11 mars à Maubeuge (59) ; les 14 et 15 mars à l'Opéra de Massy (91).

Publié dans Spectacles

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La magie de Feu! Chatterton sur scène

Publié le par Michel Monsay

La magie de Feu! Chatterton sur scène

Jeudi dernier, ils étaient en concert au Zénith de Paris à l'occasion de la tournée "Palais d'argile", et ils ont ébloui le public de leur talent et leur générosité. Des paroles poétiques, de la musique qui secoue ou qui transporte, une forte présence sur scène, Feu! Chatterton est aujourd'hui le groupe phare du rock français. Palais d’Argile, leur magnifique troisième album produit avec le compositeur électro Arnaud Rebotini, chante notre époque avec vitalité et romantisme. Entre poésie romanesque et rock progressif, le groupe déchaîne les foules grâce à leurs sonorités uniques et surtout avec cette fougue qui les a toujours habités. De sa voix singulière et profonde qui fascine instantanément, Arthur Teboul chanteur charismatique et auteur des textes de Feu! Chatterton a dès les débuts du groupe marqué les esprits avec son allure de dandy décalé, entre zazou ironique et conteur possédé avec une étonnante capacité d’incarnation. Les quatre musiciens du groupe ne sont pas en reste et participent pleinement à l'euphorie que leur musique procure sur scène, très dansante par moments et lyrique par d'autres, accompagnant magnifiquement les paroles à la puissance littéraire et politique dont Arthur Teboul a le secret. Indéniablement, il faut les avoir vu au moins une fois en concert pour mesurer la magie Feu! Chatterton.

Pour les voir en concert en France, voici les dates ici

Publié dans Spectacles

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Le merveilleux folk-rock romantique et littéraire d'Elliott Murphy

Publié le par Michel Monsay

Le merveilleux folk-rock romantique et littéraire d'Elliott Murphy
Le merveilleux folk-rock romantique et littéraire d'Elliott Murphy

Comme chaque mois de mars depuis son arrivée à Paris en 1989, l'artiste américain Elliott Murphy a investi le New Morning vendredi et samedi dernier pour fêter son anniversaire. Cet auteur-compositeur-interprète et guitariste, qui habite tout près de la mythique salle parisienne, est ce qu'on appelle un artiste culte. En d'autres termes, il n'a jamais vendu des millions de disques ni rempli des stades mais il a des fans fidèles dans le monde entier qu'il parcourt inlassablement depuis 50 ans, date de parution de son premier album, « Aquashow ». Fils d'un producteur de comédies musicales et d'une actrice, Elliott Murphy a grandi à Long Island, près de New York. Il est de la génération de Bruce Springsteen, avec lequel il est ami depuis 1973 et a chanté et joué maintes fois, y compris lors des derniers passages du « Boss » au Stade de France et à l'AccorHotels Arena. Il a aussi côtoyé Lou Reed, Patti Smith et David Bowie entre autres. Promu nouveau Dylan à ses débuts parce qu'il essayait d'écrire des paroles un peu moins stupides que les chansons rock habituelles, il propose toujours à 73 ans de sa voix chaude, caverneuse et profonde un rock and folk poétique et élancé du meilleur goût. Fort bien entouré d'une violoniste, d'un batteur et d'un excellent guitariste, Olivier Durand, Elliott Murphy a délivré deux heures durant une musique enthousiasmante, généreuse, qui a mis en valeur le don mélodique de ses premiers disques, que l'on a retrouvé en 2017 sur le très bel album "Prodigal son".

Voici trois exemples de ses prestations, la première en acoustique et les deux suivantes sur scène, et un extrait de l'album "Prodigal son" :

Publié dans Spectacles

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Un big band au swing euphorisant

Publié le par Michel Monsay

Un big band au swing euphorisant

Fondé en 2011, Umlaut Big Band est un orchestre de 14 musiciens virtuoses français presque tous issus de l’exigeant Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et dirigés par le saxophoniste Pierre-Antoine Badaroux. Avec aujourd’hui plus de 200 morceaux à son répertoire, l’ensemble retrace l’histoire des Big Band des années 1920-40. À chaque concert, le Umlaut Big Band concocte un programme sur mesure, où des œuvres rares et oubliées côtoient les grands noms de ces années-là, pour rendre cette musique dans toute sa dimension festive, dansante et euphorique. Le choix privilégié de jouer le plus souvent entièrement en acoustique, sans aucune amplification, favorise une proximité avec le public et propose une expérience directe et chaleureuse que peu d’orchestres savent impulser. Le concert qu'ils ont donné samedi soir au New Morning s'intitulait une brève histoire de swing, où ils ont pu régaler le public avec ce fabuleux jazz de Duke Ellington, Count Basie, Benny Carter ou Mary Lou Williams, qui donne une envie irrépressible de battre la mesure ou de danser. C'est une musique très exigeante à jouer, avec beaucoup de difficultés techniques, et si l'on tend l'oreille, le swing déborde d'inventivité et de dynamisme, ses arrangements sont parfois très complexes, avec une grande richesse de timbres. Le Umlaut Big Band restitue le modernisme de ce jazz hors d'âge sans le trahir et nous enchante.

Publié dans Spectacles

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La nouvelle perle du jazz vocal

Publié le par Michel Monsay

La nouvelle perle du jazz vocal
La nouvelle perle du jazz vocal

Cette jeune chanteuse franco-taïwanaise de 32 ans, qui vient de sortir un très beau deuxième album en septembre dernier, était sur la scène du Sunside le 4 février et a enchanté le public par le timbre chatoyant, suave et les modulations de sa voix, qui rappelle l’esprit et le souffle des grandes dames du jazz. Outre ses qualités vocales, Estelle Perrault s'affirme également comme auteure et compositrice en signant six des huit morceaux de son dernier disque dans un bel équilibre entre classicisme et modernité mélodique. Entourée de quatre excellents musiciens, piano, contrebasse, batterie et saxophone lors du concert au Sunside (trompette sur l'album), elle nous offre un jazz plein de swing, de groove et de sensibilité. Estelle Perrault a grandi entre Taïwan, le Canada anglophone et la France. Forte de ces trois cultures, c’est à travers un parcours atypique, elle a notamment fait des études de droit, qu’elle a forgé cette identité singulière que l’on retrouve dans son interprétation musicale, dont le style est influencé par Ella Fitzgerald et Billie Holiday. Dans sa musique et son chant, Estelle Perrault fait preuve d’une sincérité et d'un naturel aussi touchant qu’évident, comme si elle se trouvait toujours exactement où il faut, comme il faut. Impossible de ne pas succomber.

En attendant son prochain concert, il y a son album "Dare that dream" qui comporte deux reprises qu'elle interprète divinement ci-dessous.

Publié dans Disques, Spectacles

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Saisissant ballet entre tradition et modernité

Publié le par Michel Monsay

Saisissant ballet entre tradition et modernité
Saisissant ballet entre tradition et modernité
Saisissant ballet entre tradition et modernité
Saisissant ballet entre tradition et modernité
Saisissant ballet entre tradition et modernité
Saisissant ballet entre tradition et modernité

Chaillot a tissé des liens serrés depuis plusieurs années avec Marcos Morau et son art protéiforme. Sa danse se gorge d’images et de mots, inventant un langage corporel à nul autre pareil. Les récompenses tombent, les commandes affluent, faisant du chorégraphe de La Veronal, sa compagnie, un des plus en vue de la scène européenne. Preuve en est, "Sonoma", son dernier spectacle a clôturer la 75e édition du Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur du Palais des papes, le plateau le plus monumental du spectacle vivant. Cette œuvre impressionnante, visuellement et musicalement remarquable, notamment avec ses percussions puissantes, a fait se lever une majeure partie des 1947 spectateurs de la Cour d’honneur pour acclamer les neuf danseuses sidérantes d'intensité, de même qu'à Chaillot samedi 22 janvier. Vague de corps virtuose, ensembles très graphiques chorégraphiés au cordeau, travail sur le rythme : tout est empreint d’une folle énergie. Le chorégraphe revisite les processions de son Espagne natale comme le sacré des corps. De son inventivité, doublée d’un goût pour les tableaux vivants, résulte une transe à la beauté léchée où le chorégraphe orchestre une cérémonie de possession qui revisite intensément le passé pour faire trembler le présent. Marcos Morau explique : "Aujourd’hui, nous vivons l’histoire à toute vitesse, si rapidement et à un rythme si effréné que nous parvenons à peine à la suivre. Plus personne ne sait vraiment ce qui se passe. J'ai conçu ce spectacle pour traduire la volatilité du monde actuel, le côté zapping permanent, le manque d’ancrage des gens avec ce flot d’infos en continu. Nous tombons en avant et, au cours de cette chute accélérée, comme sur des montagnes russes, nous crions. Sonoma serait alors ce son du corps en train de chuter, notre rage pour continuer à croire que nous sommes vivants, que nous sommes éveillés." Le poids du catholicisme, de la culture et du passé, le folklore, l’irrationnel se lovent dans les plis de cette fresque polyphonique, qui fait souvent référence à Luis Buñuel et a été écrite après le confinement lié au Covid, d'où ressort un besoin viscéral d'exister. Un spectacle puissant.

Sonoma est à voir jusqu'au 28 janvier à Chaillot, Théâtre national de la danse.

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Un antidote à la déprime ambiante

Publié le par Michel Monsay

Un antidote à la déprime ambiante

Après un premier one-man-show très réussi, Molière de l'humour 2017, Vincent Dedienne, que l'on a vu entre-temps au théâtre et au cinéma sans oublier ses chroniques très mordantes à la radio et la télé qu'il a arrêtées aujourd'hui, revient avec un second spectacle, qu'il présente ainsi : «Après avoir fait le tour de mon nombril, j’ai décidé de tourner un peu autour des vôtres... Si ça chatouille, tant mieux». Vincent Dedienne ne se contente pas de tourner autour, il y enfonce une plume acérée et vénéneuse, assis ou virevoltant autour d'un piano qui sert à tout sauf à la musique. Il nous présente une imparable galerie de portraits qui font mouche, y compris, preuve du talent de l'humoriste, quand il s’agit d’archétypes, tel celui du chorégraphe qui tyrannise ses élèves. Parmi ces personnages, il y a celui qui savoure les enterrements de célébrités, celle qui voue sa belle-mère aux gémonies, une riche bourgeoise qui écrase sa femme de ménage de tout son mépris social, une voyagiste fascinée par Xavier Dupont de Ligonnès, un comédien plus préoccupé par ses placements de produits que par son film, un CRS facho « redresseur » de chansons françaises, un présentateur de flash d'infos cocaïné qui tyrannise ses collègues, ou un chanteur fou amoureux de lui-même qui se contorsionne perché sur le piano. Telle une bande de pieds-nickelés, tous ont la fâcheuse manie de se prendre les pieds dans le tapis, poussés par un Vincent Dedienne qui se plait à les tourner gentiment en ridicule au fil de ce qui prend progressivement l’allure d’un jeu de massacre. Son écriture incisive et virtuose coule comme un jaillissement ininterrompu. Les formules font mouche, les mots sont cruels, les tableaux sont désopilants d'absurde, et parfois glaçants. Les obsédés du politiquement correct en seront pour leurs frais. Si l'on rit quasiment de bout en bout, la nostalgie n'est jamais très loin chez Vincent Dedienne, dont l'humour à la fois tendre, poétique et loufoque, qui n’est pas fait de punchlines mais de situations, de réflexions et de dérision sur notre époque, est une fois encore, autant dans l'écriture que dans l'interprétation, de haute volée.

Le spectacle est à voir au Théâtre des Bouffes du Nord jusqu'au 29 janvier, puis en tournée.

Publié dans Spectacles

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