Conseil de lecture
Couronné par le Prix Goncourt en novembre dernier, ce petit livre d'Eric Vuillard a déjoué tous les pronostics. Paru en mai et non durant la rentrée littéraire comme c'est presque toujours le cas pour le lauréat, il s'agit en plus d'un récit et non d'un roman, le Goncourt récompensant pourtant chaque année la meilleure fiction. La force de ce court texte (150 pages) a sidéré les membres du jury, qui sont passés outre les recommandations de sélection pour attribuer le prix, tout comme le simple lecteur en découvrant les scènes saisissantes décrites par l'auteur, entre grotesque et tragique. La plume d'Eric Vuillard est celle d'un orfèvre qui s'emploie implacablement à rappeler l'inertie coupable des états, mais aussi des entreprises qui ont financé le parti nazi et ensuite exploité la main-d'oeuvre des camps de concentration dans des conditions abominables. Ces entreprises, qui ont continué de prospérer après la guerre comme si de rien n'était, sont toujours là parmi nous et équipent notre quotidien. A travers des faits avérés, l'écrivain regarde l'Histoire autrement et nous offre un récit tout autant terrifiant que passionnant contre la veulerie et la résignation.
Conseil de lecture
Paru il y a deux ans, ce passionnant récit de Pascale Robert-Diard, excellente chroniqueuse judiciaire au Monde, dixit une avocate au goût sûr de ma connaissance, nous plonge au coeur d'une des affaires les plus médiatisées de ces quarante dernières années, dans laquelle une jeune riche héritière de 29 ans, Agnès Le Roux, disparaît mystérieusement fin octobre 1977 sans que son corps n'ait jamais été retrouvée depuis. L'accusé, son amant de l'époque, Maurice Agnelet, un homme cynique et manipulateur comparait en 2014 pour son troisième procès, au cours duquel un incroyable revirement va intervenir. Sans voyeurisme ni esbroufe, l'auteure, en s'appuyant sur ce qu'a vécu l'un des fils Agnelet durant 30 ans, explore magistralement les tréfonds de la nature humaine en livrant un thriller psychologique irrespirable.
Conseil cinéma
Depuis les sublimes "Mademoiselle Chambon" et "Quelques heures de printemps", Stéphane Brizé a pris une place importante dans le cinéma français. A 51 ans, il est revenu au festival de Cannes avec un nouveau film social, trois ans après "La loi du marché" qui avait valu à Vincent Lindon le Prix d'interprétation. "En guerre" est reparti bredouille du festival alors que le film est nettement plus fort et réussi que le précédent, et Vincent Lindon méritait largement plus le Prix qu'il y a trois ans. Cette oeuvre percutante de cinéma vérité proche du documentaire, à tel point que parfois on se demande s'il s'agit d'une fiction, est admirablement bien filmée au cœur d'une lutte syndicale contre la fermeture inadmissible d'une usine, laissant plus de mille salariés sur le carreau. En mettant en évidence la violence d'un système libéral qui n'obéit qu'au profit des actionnaires en écrasant les petites gens, le cinéaste retrouve pour la quatrième fois son génial comédien fétiche, entouré cette fois de non-professionnels jouant parfaitement des rôles proches de leur vraie vie, et nous offre un film d'une incroyable justesse qui nous touche profondément.