Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant
Avec une gravité nouvelle dans sa filmographie, Julie Delpy transforme en drame touchant au fantastique la débâcle d’un couple qui se déchire autour de la garde de sa fille. Dans un parcours, aussi affranchi, aussi libre, aussi atypique que celui de Julie Delpy, chaque nouveau projet semble frappé d’une énergie renouvelée et invincible, fascinante et inclassable. Entre Paris et Los Angeles, où elle vit, son cinéma depuis ses débuts en tant que réalisatrice est bilingue, à l'image des autofictions comme Two Days in New York ou Two Days In Paris, qui la mettent en scène, tel un double trompeur d’elle-même. Il y a toujours chez elle un jeu avec le moi, un narcissisme paradoxal, entre impudeur et fragile nécessité de se livrer. Mais c’est en abordant un sujet a priori moins introspectif, avec l'excellent La Comtesse, que Julie Delpy se livrait peut-être le plus. Cette revisite de la légende noire d’Erzebeth Bathory trahissait un portrait en creux de l’actrice, face à ses angoisses, sa peur de vieillir, le regard sur le temps qui passe. Démythifiant le vampire pour y retrouver la femme, elle évoquait également comment se construisent les contes gothiques et les mensonges lorsqu’une femme à forte personnalité prend soudain trop de place dans un monde d’hommes dominants. My Zoé semble fusionner toutes les inspirations de la cinéaste entre l’amour de l’intime, du cinéma-vérité et ses accointances avec l’imaginaire et le fantastique. Très adroitement Julie Delpy divise son film en trois parties distinctes sans jamais cependant mettre en péril son équilibre, son harmonie. Le film respire une forme de douceur insidieuse, inquiète, dès sa mise en place du décor qui alterne entre beauté de la complicité mère/fille et confrontation extrêmement tendue entre les parents séparés. Sans occulter l’enjeu moral, la cinéaste écarte et dépasse les obstacles sacrilèges, moins intéressée par les dangers de la science que par le lyrisme discret qu’elle infuse à My Zoé, bouleversante variation autour de l’amour indéfectible, infini, immortel. Pour Julie Delpy, rien n’est au-dessus d’un cœur qui bat. Il y a quelque chose de résolument romantique dans la démarche même de ce film, dans sa beauté transgressive où le recours au fantastique fait se rejoindre les contraires, où l’impensable et le condamnable peuvent se métamorphoser en acte miraculeux. Atypique et atemporel, My Zoé affirme plus que jamais le pouvoir de l’imaginaire et du cinéma, d’un art au secours du réel, où seule la fiction s’avère capable de venger la mort, de soigner les deuils et l’irréparable sentiment de vide. Quelque chose de magique. Cru et frontal, étonnant de bout en bout, le film remue. Et Julie Delpy, bouleversante, parvient à faire ressentir, viscéralement, le lien fusionnel mère-enfant, ce point de rupture où plus rien d’autre ne compte que l’obsession de sentir à nouveau la peau douce et les cheveux d’une fillette adorée. Ce très beau film confirme la précieuse singularité de la réalisatrice actrice dans le paysage du cinéma international.
My Zoé est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.