Aspirer à une vie normale
Il est incontestablement un des tous meilleurs cinéastes français, ses films ont tous été primés, certains comme « Un prophète » ont reçu d’innombrables récompenses, et chaque nouvelle œuvre de Jacques Audiard est attendue avec passion et fébrilité. C’est évidemment le cas de son dernier, qui a reçu la Palme d’or du Festival de Cannes, où le réalisateur se réinvente une fois de plus et nous éblouit par sa capacité à s’approprier une histoire, même très loin de lui, et à la mettre en images si justement avec des idées de mise en scène et de cadrages dont il a le secret. Que ce soit dans le mouvement ou dans la sobriété, sa réalisation est magistrale. Qu’ils soient célèbres, en passe de le devenir ou totalement inconnus, Jacques Audiard obtient toujours de ses comédiens une partition remarquable, même quand la barrière de la langue pourrait être un obstacle, comme ici où le film est tourné principalement en langue tamoule. S’il évoque le douloureux problème des migrants, des guerres civiles des pays du Sud ou urbaines des cités ghettos de nos banlieues, il ne s’agit là que d’un arrière plan, le film accompagnant au plus près un homme, une femme et une enfant dans leur tentative de se reconstruire ailleurs. Cet homme au début du film allume le bucher où sont disposés les cadavres d’autres soldats tamouls. La guerre étant perdue, il se retrouve dans un camp de réfugiés où avec une jeune femme qu’il ne connaît pas et une fille de 9 ans orpheline, ils réussissent à convaincre le Haut commissariat aux réfugiés de récupérer les passeports d’une famille disparue en prenant leur identité. Ils quittent le Sri Lanka en bateau et sont parachutés quelques jours plus tard dans une cité très sensible de la grande banlieue parisienne, où l’homme obtient le poste de gardien. Jacques Audiard aime la difficulté, chacun de ses films en atteste, d’ailleurs qui d’autre que lui pouvait se lancer dans une telle aventure. Les sentiments qui dominent son cinéma sont bien présents, la peur, la violence mais aussi une douceur, une sensibilité qui créent un contraste vertigineux, même s’il les aborde ici différemment. En plus du formidable coup de projecteur sur ces réfugiés, que certains nomment avec mépris immigrés sans ne rien connaître de leur vie, ou au mieux que l’on croise chaque jour avec indifférence, cette œuvre majeure restera longtemps dans nos esprits.
Dheepan – Un film de Jacques Audiard avec Jesuthasan Antonythasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers, ...