Superbe géométrie des vignes
Deux ans et demi après un premier disque qui avait enthousiasmé la presse, le public et un grand nombre de célèbres musiciens, Anna Calvi était forcément attendu au tournant du deuxième album. Ceux qui s’étaient imprégnés de ses premières compositions et avaient constaté l’immense talent de cette artiste sur scène, n’étaient pas très inquiets. Effectivement à l’écoute de ces 11 nouvelles chansons, la jeune anglaise de 33 ans confirme tout le bien que l’on pensait d’elle et plus encore. Sa grande culture musicale se ressent plus dans ce nouvel album où elle explore de nouveaux horizons avec des chœurs, des cordes, des claviers, des percussions et passe allègrement d’un rock puissant qui pourrait rappeler The Kills ou Patti Smith à des morceaux où se croisent musique classique, contemporaine, voire des rythmes africains. Cette richesse incroyable accompagne merveilleusement la guitare virtuose d’Anna Calvi, qu’elle module magistralement d’une chanson à l’autre, agressive par moments, mélodieuse le plus souvent, inventive toujours. Quant à sa voix, elle nous avait déjà éblouis dans le premier album, sur celui-ci non seulement elle nous montre à nouveau ses qualités uniques, sa puissance, tout en étant plus nuancée, sachant autant être envoûtante que fragile. Certains morceaux sont d’une beauté sidérante à la fois dans la ligne mélodique et dans la force émotionnelle du chant et de l’interprétation, on est transpercé dans certains, transportés dans d’autres, voire bouleversés aux larmes. Cette jeune femme discrète dans la vie qui se révèle complètement dans sa musique, nous livre un cadeau inoubliable avec cet album ambitieux et d’une grande créativité.
Anna Calvi – One breath – Domino records – 1 CD : 15,99 €.
Tout ce que fait cet amoureux de la langue française a toujours été couronné de succès. Depuis Apostrophes et Bouillon de culture à la télévision, jusqu’aux livres qu’il a écrits, en passant par ses fameuses dictées et aujourd’hui ses lectures spectacles sur scène.
Dans la foisonnante collection des dictionnaires amoureux, celui consacré au vin écrit par Bernard Pivot en 2006 est l’ouvrage qui s’est le plus vendu. Il était donc prévisible qu’une version illustrée voit le jour. Sorti ces jours-ci, ce beau livre est richement pourvu de photos, dessins et reproductions de tableaux qui accompagnent parfaitement les textes de l’auteur. S’il l’a conçu initialement pour mettre en avant les rapports du vin et de la culture et non écrire un livre technique de plus, Bernard Pivot a voulu aussi y mêler ses souvenirs liés aux vins. Dès son enfance dans la petite propriété familiale du Beaujolais, il a pratiqué les travaux viticoles avec le vigneron de ses parents durant toutes les vacances scolaires jusqu’à l’âge de vingt ans. Il est resté attaché à ce vin et à cette région où il possède une maison avec un hectare de vignes autour, destiné à la cave coopérative de son village à laquelle il est adhérent. Dans les années 1980, cet amateur de vin a résisté à la tentation d’acheter des vignobles comme beaucoup de personnalités l’avaient fait à l’époque, pour ne pas altérer son image en ayant des bouteilles de vin à son nom tout en faisant la promotion de livres sur le service public.
D’un public à l’autre
De une à trois fois par mois, il monte sur scène un peu partout en France pour une lecture spectacle de ses livres. Une trentaine de représentations ont déjà eu lieu après qu’il ait commencé il y a un an et demi au Théâtre du Rond-point à Paris, sur une idée de Jean-Michel Ribes son directeur. Bernard Pivot, qui a passé une grande partie de sa vie professionnelle à lire les textes des autres devant deux ou trois millions de téléspectateurs invisibles, a été excité par le challenge de lire ses propres textes face à un public réel. Parmi les théâtres où il s’est produit, l’expérience la plus émouvante s’est déroulée en juillet dernier à 5 km de chez lui dans le Beaujolais, devant une salle comble de proches et de voisins, où il a rajouté pour l’occasion des textes sur le vin à son spectacle.
La fidélité du public qu’il mesure sur cette aventure théâtrale, mais aussi à chaque sortie de livre, ou au vu des 180 000 personnes qui le suivent sur Twitter, n’a jamais faibli depuis Apostrophes. Cette émission mythique qui est restée dans l’esprit de tous ceux qui ont eu le bonheur de la connaître, pourra désormais être visible par tous. Douze émissions entières choisies par Bernard Pivot lui-même sur les 724 existantes, seront disponibles début novembre en DVD, et viendront s’ajouter aux tête-à-tête avec de grands écrivains qui sont déjà dans le commerce.
La miraculeuse alchimie d’Apostrophes
L’engouement autour d’Apostrophes qui dépassait largement le cercle des intellectuels au moment de sa diffusion, et même 23 ans après la dernière, s’explique par une conjonction de facteurs favorables selon son animateur : « Au-delà du fait que j’étais probablement la bonne personne au bon moment et que j’ai eu la chance d’être adopté par les écrivains et par les téléspectateurs, il y avait une attention aux livres qui est moins présente aujourd’hui. On prenait le temps de regarder une émission culturelle vu le nombre de chaînes plus limité, enfin le téléspectateur était attiré par ce genre de programme alors qu’aujourd’hui il a plus envie de se distraire. J’estimais une émission réussie lorsque l’on apprenait des choses, découvrait un écrivain, et qu’on avait envie de la poursuivre dans la lecture des livres. » Beaucoup de personnes d’horizons très divers, comme en témoignaient les libraires, se sont mises à lire après avoir vu Apostrophes, cette émission les valorisait.
Comme il y a toujours un décalage entre la parole et l’écrit, parfois certains auteurs étaient meilleurs sur le plateau que dans leur livre, ou inversement comme Patrick Modiano et ses hésitations. Des rencontres marquantes, il y en a eu énormément pour Bernard Pivot mais parmi elles, une s’est faite sur le terrain de la séduction : « Je suis tombé amoureux fou de Jane Fonda pendant qu’elle parlait en direct, et du coup j’ai un peu négligé les autres invités, j’étais au bord de la faute professionnelle. »
Profil atypique
Sa passion du football qui l’a amené à suivre pour France 2 quatre coupes du monde en tant que consultant, ainsi que ses origines beaujolaises, ont suscité les critiques de certains intellectuels. Ce côté populaire a certainement dû contribuer au succès de l’animateur auprès d’un large public. On lui a aussi reproché de ne pas avoir fait des études supérieures de lettres, à part celles de journalisme, qui auraient justifié la place importante qu’il avait à la télévision et dans le monde littéraire. Paradoxalement, ce manque a peut-être était une de ses forces, selon l’écrivain et ami Jorge Semprun, qui pensait que la curiosité d’étudiant dont faisait preuve Bernard Pivot lorsqu’il interviewait les écrivains avec gourmandise et malice pour savoir et comprendre, venait de ce manque. Son université à lui a été la télévision chaque vendredi soir. Cela dit, l’influence qu’avait l’animateur était considérable, tous les auteurs voulaient venir sur le plateau d’Apostrophes et le lendemain de l’émission, les ventes des livres présentés grimpaient en flèche.
Une carrière télé exemplaire
On peut remarquer une constante dans sa vie, ce n’est pas lui qui initiait les projets. Chaque fois on venait le chercher, comme pour ses débuts à la télévision alors qu’il travaillait au Figaro littéraire et avait une chronique humoristique sur Europe 1. Pour commencer, il crée l’émission Ouvrez les guillemets en 1973 sur la première chaîne, et à l’éclatement de l’ORTF il passe sur Antenne 2 pour lancer Apostrophes en janvier 1975, qu’il arrête 15 ans plus tard : « Je menais une vie monacale au milieu des livres, lisais entre 10 et 14 heures par jour, ne sortais jamais si ce n’est pour un match de football de temps en temps, et j’avais envie de retourner au cinéma, au théâtre et à l’opéra. »
D’où la création de Bouillon de culture en 1991. Cette émission qui a duré dix ans, traitait de différentes formes d’art dans ses premières années avant que le tropisme littéraire reprenne le dessus. Moins à l’aise pour interviewer des comédiens que des créateurs comme les metteurs en scène, Bernard Pivot se rappelle avec la disparation récente de Patrice Chéreau, de la formidable émission en 1994 où il l’avait invité en compagnie de l’équipe du film La Reine Margot et de l’historien Jean Tulard. Cinéma, littérature et histoire avaient été mêlés dans un vrai bouillon de culture ce soir-là. Pour clôturer sa carrière à la télévision, il a fait pendant quatre ans dans Double je, le portrait de personnalités d’origine étrangère ayant fait le choix de s’exprimer dans notre langue ou de vivre en France.
Un littéraire qui s’ignorait
L’idée du journalisme, encore une fois n’est pas de lui mais d’un parent éloigné. Après une scolarité plutôt moyenne jusqu’au Bac, il était assez peu sûr de lui et assez peu ambitieux mais il a tout de même intégré le centre de formation des journalistes : « Le médiocre lycéen est devenu un brillant étudiant, j’avais trouvé ma voie et je suis sorti vice-major de ma promotion. » Pourtant l’amour des mots et de la langue française a démarré très tôt, puisque son premier livre de chevet a été le Petit Larousse alors qu’il n’avait pas dix ans. Cette passion s’est concrétisée évidemment dans la lecture, mais aussi avec ses fameuses dictées des Dicos d’or qu’il a animés durant vingt ans. S’il a écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire de la télévision, Bernard Pivot a aussi exercé son métier dans la presse écrite, avec quinze années au Figaro littéraire, puis il a crée le magazine Lire, et aujourd’hui encore il a une chronique dans le Journal du Dimanche. Il faut ajouter à cela l’écriture d’une dizaine de livres, dont le dernier consacré à son nouveau dada, les tweets : « C’est un bon exercice où il faut savoir exprimer une idée, un sentiment, un souvenir en 140 signes et en y mettant un peu d’humour ou de gravité. »
Taillé pour l’Académie Goncourt
Lorsque Bernard Pivot a arrêté Bouillon de culture, Jérôme Garcin lui a dit : « Et maintenant l’Académie Française ? » Ce à quoi Bernard Pivot a répondu : « L’habit vert et les discours ne conviennent pas à ma nature modeste, en revanche l’Académie Goncourt me plairait beaucoup, on y fait trois choses que je sais à peu près bien faire : Lire, boire et manger. » Trois ans plus tard, il est élu à l’Académie Goncourt en octobre 2004 pour services rendus aux livres et à la littérature. Il devient ainsi le premier journaliste à avoir cet honneur. Aujourd’hui à 78 ans, il souhaite garder une santé assez bonne pour continuer à lire, boire et manger sans oublier écrire, dont il a longtemps refoulé l’envie avant de s’y consacrer depuis la fin de sa carrière à la télévision.
Professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris, Claudia Senik a publié une étude dont on a beaucoup parlé sur la mesure du bien-être dans l’économie, qui constate et tente d’expliquer le « malheur » français.
En quoi consiste l’étude que vous menez depuis plusieurs années ?
Claudia Senik - En analysant les données de l’enquête sociale européenne auprès des populations pour mesurer leur bien-être subjectif, on s’aperçoit que le fait d’habiter dans un pays plutôt qu’un autre a un impact énorme sur le bien-être déclaré par les gens. Il en ressort que les Français, à niveau de vie égal, sont moins heureux que la plupart des Européens voire des habitants des pays de l’OCDE. Ce phénomène s’appuie sur un large faisceau d’observations concordantes, mais il est aussi confirmé par d’autres enquêtes sur le bien-être émotionnel, par des indices plus élevés de détresse mentale et par une forte consommation de psychotropes. A force de se dire que ça va mal, ça va vraiment mal. Mais ce n’est pas un effet de langage : dans mon étude, j’ai observé que la langue française n’était pas responsable de ce pessimisme. Au Canada par exemple, les francophones sont plus heureux que les anglophones.
Quel constat en tirez-vous ?
C.S. - Je me suis demandée si les causes de ce mal-être français étaient objectives ou si elles relevaient davantage de la culture, des mentalités. Il est indéniable que le chômage et la croissance agissent sur le moral des Français, mais il n’y a pas que cela. Si l’on suit deux immigrés venant de la même région du monde, on se rend compte que celui qui vit en France n’est pas moins heureux que celui qui s’est installé dans un autre pays européen. Le malheur français ne peut donc pas être uniquement attribué aux circonstances objectives du pays ; il y a bien une attitude culturelle qui entre en jeu. Ce malheur français est totalement incompréhensible vu de l’étranger tant notre pays possède un très grand nombre d’atouts. Cela dit, l’intérêt que l’on porte aujourd’hui à mon étude me laisse penser que peut-être le moment est venu de se dire que ce pessimisme est exagéré, et de prendre les mesures pour en sortir.
Comment s’explique ce pessimisme français ?
C.S. - Il y a plusieurs pistes à explorer pour la recherche future. La principale est le rapport au temps. Concernant le passé, il y a une nostalgie, un sentiment de perte de puissance, de grandeur. La France n’est plus ce qu’elle était sur le plan international au niveau économique, diplomatique, culturel. Concernant l’avenir, les Français restent attachés à leur modèle égalitariste, jacobin, mais dans la mondialisation ce modèle est mis à mal. La vie économique est une série de chocs et la France n’a plus autant les moyens de les compenser, ayant plus de mal à taxer certaines personnes ou certains facteurs plus mobiles. On ne peut plus demander autant à l’Etat qu’avant, l’économie est moins étatiste, plus concurrentielle et de nombreux secteurs ont été privatisés et dérèglementés. Comme les Français sont habitués à attendre beaucoup de l’Etat, c’est très frustrant. Par ailleurs, cette attitude culturelle négative est certainement nourrie par la persistance du chômage, que l’on n’a jamais réussi à résorber depuis 1973, ce qui donne l’impression qu’il y a des problèmes que l’on ne résout pas.
Le bonheur et l’argent sont-ils finalement indissociables ?
C.S. – Oui, mais la recherche a montré que ce qui compte ce n’est pas seulement le niveau absolu de ce qu’on possède mais la comparaison par rapport aux autres. Or la France n’est plus dans le peloton de tête de l’Europe du point du revenu moyen par habitant, et ce recul a forcément un impact négatif. Les perspectives futures sont aussi très importantes dans le sentiment de bien-être, et sans projet les Français ne peuvent pas non plus se réjouir en envisageant leur avenir. De plus, être malheureux ou pessimiste a un coût. Des expériences montrent que des gens de bonne humeur, qui se sentent bien, sont plus productifs, plus portés à prendre des risques. Au contraire, les pessimistes entreprennent moins de projets et de ce fait engrangent moins les bénéfices de l’innovation, ce qui, en retour, renforce leur pessimisme.
Dans votre étude, vous parlez d’un élitisme trop étroit à l’école qui crée des situations d’échec ?
C.S. - Nous avons ce modèle d’école qui nous est envié, produisant une élite extraordinaire, et il y a d’ailleurs énormément de scientifiques français dans les universités étrangères. Cela est très bien, mais ce modèle a été conçu avant que la massification scolaire ne se produise, et de fait une grande partie des élèves est laissée de côté par ce type d’excellence qu’on leur demande. Les mauvaises notes et appréciations génèrent de la frustration et un manque de confiance chez ces enfants, qui, au fur et à mesure des années, deviennent pessimistes sur leurs capacités. Jusqu’à présent, la porte de l’élite (en gros celle des Grandes Ecoles) était beaucoup trop étroite. Mais la situation est en train de changer progressivement et à bas bruit, avec la création de bi-licences sélectives et exigeantes dans les universités, qui offrent des débouchés aux étudiants.
En quoi l’école, du primaire au secondaire, fait-elle fausse route ?
C.S. – Tout simplement parce qu’il n’y a que les maths et le français qui comptent, le reste n’ayant aucune valeur. Le problème est que tout le monde n’est pas sur le même format, et que les élèves qui ont du talent dans d’autres matières ne sont absolument pas reconnus. Il y a aujourd’hui une certaine disjonction entre ce que l’on demande à l’école et la réussite professionnelle. Le jour où l’on fera sérieusement à l’école de la musique, des projets collectifs, du sport, du dessin ou d’autres matières dites « d’éveil », cela permettra à des élèves de recevoir pour une fois un regard d’admiration de leur professeur et de leurs camarades. Je trouve que la réforme des rythmes scolaires va dans le bon sens. En échange des heures supplémentaires faites le mercredi, les journées ont été raccourcies le mardi et le vendredi pour mettre en place des activités périscolaires. C’est une bonne chose que d’autres matières entrent dans l’école, à condition que cela soit fait sérieusement, pas comme une récréation.
Etes-vous favorable à l’enseignement en anglais à l’université?
C.S. - Cela dépend bien entendu des disciplines. Mais certaines matières comme l’économie ou les sciences devraient être enseignées en anglais à l’université, pour préparer les étudiants à la réalité de la vie active dans ces disciplines où tout se lit et s’écrit en anglais. Il y a un gros problème avec les langues pour les jeunes Français, notamment l’anglais qui est le principal outil de communication international, et dont le niveau est insuffisant.
Comment expliquez-vous le manque de popularité de François Hollande?
C.S. - Je ne comprends pas la dictature de la popularité imposée par les sondages. Un Président ne doit pas gouverner pour être populaire, il le devient éventuellement au vu des résultats de son action.
Claudia Senik en quelques mots
Ancienne élève de l’Ecole normale supérieure, agrégée de sciences sociales et des universités, docteur en économie, à 49 ans Claudia Senik est devenue une invitée très courue des médias, suite à la publication de son étude sur le malheur français et de son retentissement auprès de la presse anglo-saxonne. Après avoir travaillé durant 10 ans sur la transition vers le marché des pays anciennement socialistes, elle s’est intéressée à une approche plus subjective de l’économie, permettant d’introduire un peu de philosophie et de sociologie. Elle travaille notamment sur la question du rapport entre le revenu, les inégalités et le bonheur.
Cinéaste d’origine libanaise vivant entre son pays, la France et les Etats-Unis, Ziad Doueiri, dont c’est le troisième long-métrage, nous plonge dans la complexité de la situation israélo-palestinienne en signant l’un des tous meilleurs films sur le sujet. Sans prendre parti pour qui que ce soit, sans stigmatiser les comportements les plus extrêmes, mais au contraire en essayant de comprendre sans ménager personne les contradictions des uns et des autres, le réalisateur avec cette distance donne encore plus de force à son propos. Si le fond est très subtilement traité, la forme l’est tout autant en oscillant entre le thriller politique et le drame intimiste avec la même aisance, mais aussi en proposant une qualité de mise en scène et de réalisation qui rappellent que le cinéaste s’est formé à Hollywood. Adapté du roman de Yasmina Khadra traduit dans une quarantaine de langues, le film admirablement interprété, notamment par Ali Suliman, met une nouvelle fois en lumière par son intrigue, par le déroulement du tournage en Israël et en Cisjordanie, par les réactions de la Ligue arabe à sa sortie, les difficultés insurmontables pour que les deux camps arrivent à se parler sans haine et à envisager un avenir plus serein. A Tel-Aviv, un homme et une femme se disent au revoir très amoureusement, elle, doit rendre visite à sa famille à Naplouse et revenir le lendemain. Lui, chirurgien israélien d’origine palestinienne est honoré par ses pairs en recevant le prix de la réussite médicale, où il apparaît outre ses compétences comme un modèle d’intégration. Le lendemain, il reprend son quotidien à l’hôpital quand survient durant la pause-déjeuner une détonation provenant d’un quartier voisin. Très vite, les ambulances arrivent avec des blessés dans un état très grave. Le film, par son histoire très bien sentie, ses personnages jamais caricaturaux, le contexte si sensible et si douloureux remarquablement restitué, provoque une déflagration qui nous touche profondément.
L’attentat – Un film de Ziad Doueiri avec Ali Suliman, Reymonde Amsellem, …- Wild Side vidéo – 1 DVD : 12,99 €.
Originaire du Pays Basque auquel elle reste très attachée et qui est souvent présent dans ses romans, Marie Darrieussecq a depuis plus d’une quinzaine d’années pris une place importante dans la littérature française. A 44 ans, l’écrivain délaisse quelque peu son style plutôt provocant pour nous offrir ce qui est peut-être son plus beau roman, dans une veine plus romantique tout en interrogeant et en faisant voler en éclats les stéréotypes racistes. Avec une très belle langue faite de phrases courtes et percutantes, elle nous plonge dans le vertige de la passion et de l’attente de l’autre. Ses descriptions sont à la fois délicieuses, troublantes voire poignantes. En arrière-plan nous découvrons Hollywood, ses soirées privées et ses villas grandioses. Les protagonistes côtoient entre autres George Clooney ou le réalisateur Steven Soderbergh, le premier ayant un rôle à part entière tout au long de cette histoire. Autre élément important, qui est à l’opposé de la capitale du cinéma et de ses paillettes, l’Afrique, où l’auteur nous emmène au cœur de la forêt équatoriale, sur un fleuve et dans un village perdu. Solange est française, Kouhouesso est canadien d’origine camerounaise, et ils sont tous deux acteurs de rôles secondaires à Hollywood. Ils se rencontrent dans une soirée chez George. Elle est tout de suite subjuguée par le magnétisme et la beauté de cet inconnu. Cet homme porte en lui un grand projet au Congo, ce qui le rend encore plus attirant mais partiellement disponible. Ce très beau roman teinté d’une certaine nostalgie explore merveilleusement le problème de l’altérité et le miracle de l’hétérosexualité, où un homme et une femme qui sont à la base si différents sur nombre de sujets, arrivent à construire tant bien que mal une relation.
Il faut beaucoup aimer les hommes – Un roman de Marie Darrieussecq – P.O.L. – 312 pages – 18 €.