Une bête de scène charismatique inventeur du rock’n’roll

Publié le par Michel Monsay

Une bête de scène charismatique inventeur du rock’n’roll

Noir, homosexuel, extraverti, Little Richard connut un succès précoce mais une reconnaissance tardive dans l’Amérique de la ségrégation, du refus de la différence, du poids du religieux. Dans une approche chronologique, cet émouvant documentaire privilégie l’étude de la personnalité du chanteur, pianiste et auteur-compositeur aux nombreux succès à la fin des années 1950 (Tutti Frutti, Long Tall Sally, Rip It Up, Lucille, Good Golly Miss Molly, Jenny Jenny…), à travers de courts extraits de concerts, d’émissions de télévision, et de témoignages d’artistes ou de proches, de journalistes et musicologues. Qui se cache derrière ce personnage excessif, flamboyant, précurseur, tout droit sorti d’un cartoon dynamité à la cocaïne ? Né le 5 décembre 1932, à Macon, dans l’état de Géorgie, Richard Wayne Penniman, dit Little Richard, est élevé dans une famille de douze enfants. Son père, maçon et pasteur rigoriste, qui ne voit pas de problèmes à tenir un night-club et à vendre de l’alcool de contrebande, le chasse quand il s’aperçoit que l’adolescent aime se travestir, se maquiller. Son homosexualité, Little Richard va tour à tour la revendiquer puis la rejeter. Enfant noir, il subit le racisme. Artiste noir, il laisse passer, entre des blagues, la peine et la colère de n’avoir été reconnu que trop tardivement comme l’un des grands créateurs du rock’n’roll, mettant cela sur le compte de la couleur de sa peau. Et même si la jeunesse, sans distinction, l’a fêté dans les années 1950, que de nombreux artistes blancs le révèrent et reconnaissent son influence (les Beatles, les Rolling Stones, Tom Jones, David Bowie…), il dira en recevant une récompense honorifique lors de la cérémonie des American Music Awards en 1997 : « Il en aura fallu du temps. » De la rock star, Little Richard a tout inventé. Le premier, il a occupé la scène entière, hurlé comme un animal, grimpé sur son piano et retiré sa chemise. Le premier, il s’est jeté dans la foule, lui a tout offert avec jubilation. Cela dès les années 1950, quand un seul mouvement de bassin du blanc Elvis Presley (qui d'ailleurs s’appropriera les chansons de Little Richard) suffisait à choquer la prude Amérique. Ce documentaire fait habilement dériver l’hagiographie rock vers l’histoire sociale. Par-delà ses tourments intimes, en s’ouvrant sur son homosexualité dans des shows télévisés où le sujet demeurait tabou, Little Richard a incarné un modèle androgyne pour de nombreux Afro-Américains homos ou queers. Il lui fallut pour cela faire preuve d’un immense courage dans une Amérique où puritanisme et domination masculine faisaient bon ménage. Sans faire l’impasse sur les contradictions de Little Richard, la réalisatrice américaine Lisa Cortes rend un bel hommage à ce pionnier du rock si extravagant, si attachant et si magnétique.

Little Richard - I am everything est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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