Passionnante minisérie policière, existentielle et poétique
Brit Marling et Zal Batmanglij, scénaristes, réalisateurs et même actrice pour la première, se saisissent de leur anxiété face au monde avec une énergie poétique. Des étendues glacées où délire un mégalo des algorithmes à la poussière chaude de l’Ouest américain où sévit un tueur de femmes, capitalisme et patriarcat sont dans le viseur. Pourtant aucun reste de didactisme ne survit à l’imaginaire grand ouvert des deux scénaristes, qui laisse leurs visions offertes à l’interprétation et les questions sans réponse univoque. Comment protéger nos enfants ? Faut-il se déconnecter ? L’IA est-elle un danger ou une solution ? Si la série s’empare de ces sujets brûlants avec acuité, c’est sans se départir d’une grâce rêveuse, reliant chaque idée à sa pelote d’émotions versatiles, qui l’empêche de se figer dans le marbre. Cette fluidité circule aussi entre les deux principaux protagonistes, touchant binôme égalitaire, où chacun porte sa part mouvante de masculin et de féminin. Cette passionnante minisérie s'interroge également sur l'emprise, les violences faites aux femmes, l'écoanxiété, l'innocence perdue des premiers combats militants, notre dépendance à la technologie qui isole autant qu'elle ouvre des milliers d'horizons. Sur le papier, Un meurtre au bout du monde ressemble à une histoire telle qu’Agatha Christie l’a théorisée au fil de ses romans, mais les scénaristes en ont fait une œuvre bien plus complexe qui s'intéresse autant à l'enquête que mène l'héroïne qu'à tous les sujets abordés. D'autant que tout au long des sept épisodes, deux récits s’enchevêtrent, l'un s'étant déroulé quelques années avant l'autre, soulignant l’opposition entre deux types d'approche de la technologie : celle des hackers, collaborative, qui permet de réparer le passé, et celle des milliardaires égocentriques à la Elon Musk, dont la mégalomanie n’a d’égale que l’absence de vision. Ce sont deux perceptions du monde qui s’affrontent et entre les deux, la série choisit sans sourciller le camp de l’humanisme.
Un meurtre au bout du monde est à voir ici sur Disney + pour 5,99 € avec pub un mois sans engagement ou 8,99 € sans pub.