Ce beau documentaire très complet dessine, à travers des images inédites et d’autres que l’on avait oubliées, un portrait touchant d’une icône française. Grand documentariste, orfèvre dans l’art des archives, Yves Jeuland s’est révélé un portraitiste incisif et inspiré de la société française, du monde politique et artistique, à qui l'on doit de très beaux films sur Chaplin, Gabin, Piccoli, Georges Frêche, sur les cabarets rive-gauche de l'après-guerre, mais aussi une semaine en immersion à l'Elysée sous François Hollande. Son travail est un sillon creusé inlassablement, depuis des années, autour des thèmes qui lui sont chers : la chanson, le cinéma et la politique. Et dans ce triptyque, Montand tient une place à part, celle d'une sorte de "premier amour artistique", né d'un disque offert par ses parents pour son quinzième anniversaire, le "Montand à l'Olympia" de 1981. Les chansons ne quitteront jamais le réalisateur, qui va mettre un point d'honneur, dans chacun de ses films, à faire une référence à Montand. Le chanteur, l'acteur, l'ancien "compagnon de route" du Parti communiste, le Montand de la tournée en URSS après les chars à Budapest comme celui qui dénonçait violemment les crimes communistes aux "Dossiers de l'écran", le Montand à la fois pathétique et magnifique de "César et Rosalie" comme celui de "L'aveu", le Montand qui aima Piaf et Marylin mais surtout Simone Signoret, le petit immigré italien des rues de Marseille comme le châtelain d'Autheuil qui pose devant sa maison avec l'air de ne pas réaliser ce qu'il est devenu. Tout y est dit, son souci de l’extrême perfection, son angoisse de n’être pas à la hauteur, on découvre aussi une lettre de Simone Signoret où elle dit de Montand qu'il est égocentrique, cruel, blessant les gens qui l’aiment. S’il est irritant, Montand est aussi touchant parce que beaucoup d’intellectuels et d’artistes vont se moquer de lui, de ses fautes de français. C'est un film fin, intelligent, sensible mais sans sensiblerie, critique et bienveillant, émouvant, qui nous restitue Yves Montand en homme entier, forcément imparfait et terriblement attachant. Yves Jeuland peut être heureux, il a réussi à saisir l'essence de son idole.
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