Admirable minisérie à la précision documentaire et à la grande inventivité narrative
L'excellent réalisateur Jean-Xavier de Lestrade, oscarisé pour le documentaire Un coupable idéal et à qui l'on doit plus récemment les remarquables séries de fiction Lætitia et Jeux d'influence, frappe une nouvelle fois un grand coup avec cette minisérie autour de l'affaire du "Violeur de la Sambre". Six épisodes, six points de vue sur 30 années pour raconter un fiasco policier à une époque où les agressions sexuelles n'étaient pas prises au sérieux. L'une des forces de Sambre est de raconter chaque épisode à une époque différente, du point de vue d’un personnage différent ayant un statut distinct des cinq autres. Grâce à la rigueur, à la conscience sociale, à l’empathie dont témoigne Jean-Xavier de Lestrade et Alice Géraud la coscénariste auteure du livre-enquête Sambre, le fait divers glauque devient fait de société, terrifiant mais éclairant. Sambre est aussi réparatrice : en filmant les victimes longuement, sans artifice, Jean-Xavier de Lestrade rend impossible de les ignorer. Cette fiction unique, en son genre, propose pour la première fois un regard glaçant sur la "culture" du viol en France sur trois décennies. Servie par une réalisation à la fois sobre et percutante, elle rend la parole et restitue leur dignité à ces femmes brisées qui en ont été tragiquement privées, tout en évitant l'écueil d'un discours manichéen. On découvre avec effarement la trompeuse banalité du plus grand violeur en série de France, gentil père de famille, entraîneur au club de foot, ouvrier apprécié de ses collègues. Sambre aiguise un sentiment de colère face aux négligences qui ont conduit à son impunité. Portée par la justesse et le talent de toute une distribution haut de gamme d'Alix Poisson à Olivier Gourmet, y compris les rôles secondaires, la mise en scène, pudique et sensible, rend justice aux victimes et aux lanceuses d’alerte qui ont tenté de dessiller le regard d’une société trop longtemps aveugle. Sambre choisit dès ses premières images de ne pas s’inscrire dans les codes de la série policière. Ici, aucun mystère, pas de crime à élucider, car le coupable est connu dès le début. Cette admirable minisérie tient soigneusement à distance le pathos et le voyeurisme trop souvent associés aux violences exercées contre les femmes. Plutôt que les actes, elle montre les conséquences. Les corps meurtris des victimes, leur visage sidéré, les traces que le viol imprime sur le quotidien, le couple, la famille. L’effroi, la honte, le silence. Jean-Xavier de Lestrade est définitivement l'un des tous meilleurs réalisateurs de série et de documentaire.
Sambre est à voir ici ou sur le replay de France Tv.