Des instantanés à la fois drôles et tragiques qui défendent la liberté

Publié le par Michel Monsay

Des instantanés à la fois drôles et tragiques qui défendent la liberté

État des lieux de l’Iran d’aujourd’hui, Chroniques de Téhéran met en scène neuf personnages aux prises avec des petits chefs insupportables. Ce sont neuf scènes, neuf tranches de vie à la fois drôles et tragiques, où quatre femmes, quatre hommes et une enfant se retrouvent confrontés à l’abus de pouvoir en vigueur dans le régime totalitaire en place. Ça frise la caricature, et pourtant, on sent bien que la vérité est là. Ces histoires, ces chroniques, sentent le vécu.  Ce sont des situations banales de la vie quotidienne, qui démontrent le contrôle permanent, jusqu’à l’absurde, du gouvernement iranien sur la vie privée voire intime des citoyens. Grâce au dispositif, à la fois très simple et très cinématographique, maintenir les inquisiteurs et autres tortionnaires, fussent-ils verbaux, hors champ et nous laisser face à ces gens affrontant l’inimaginable, le film est d’une force implacable. Ali Asgari, l'auteur d'un premier long-métrage puissant il y a un an et demi, Juste une nuit, et Alireza Khatami ont financé ce film avec leurs propres deniers et l'ont fabriqué entre amis, en toute clandestinité. De façon à protéger ce projet, chaque comédien pensait tourner un court-métrage. Ce format n’étant pas soumis à autorisation préalable. Aucun ne disposait d'informations sur le film complet,  composé de neuf histoires, neuf plans-séquences, neufs dialogues entre deux acteurs ou actrices, l’un cadré en plan moyen, l’autre hors champ, avec, à chaque fois, des interprètes différents mais tous persuadés de tourner un court métrage autonome. Leur cacher la vérité était le seul moyen de leur éviter des ennuis avec la police une fois que le ministère de la Culture et de l’Orientation islamique aurait découvert le pot aux roses. Ces Chroniques de Téhéran décrivent ainsi une société de geôliers et de prisonniers… un monde d'où, parfois, une œuvre insolente et courageuse parvient à s'évader, pour rejoindre nos cinémas. L'une des forces de ce film est son tact pour traiter un sujet ô combien sensible, de la relation des habitants aux autorités et à l’ordre établi. Entre compromissions et oppositions, neuf nuances de civisme et d’obéissance civile en disent long sur l’étendue du malaise. Le cinéma iranien nous avait habitué à des drames et autres mélodrames. Ici, l’originalité de son écriture et le ton de son réquisitoire anti-régime le distinguent des autres productions de ce grand pays de cinéma. Finalement, à force de jouer à contourner la censure et à tricher avec elle, les cinéastes iraniens ont su s’adapter à ce carcan et ont appris à ruser et à s’exprimer librement dans la contrainte.

Publié dans Films

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