Captivant et implacable huis clos dans un collège allemand

Publié le par Michel Monsay

Captivant et implacable huis clos dans un collège allemand

Ce thriller haletant du réalisateur allemand Ilker Catak brosse le magnifique portrait d’une enseignante, sans rien dévoiler de son intimité et de son quotidien hors du collège. Tourné en huis clos à Hambourg, ce film interroge les dérives de la bien-pensance dans un collège dit progressiste où le personnel a surtout tendance à manquer de discernement. L’intrigue pourrait se réduire au cas de conscience d’une enseignante idéaliste, qui croit aux valeurs du dialogue et à la cohésion du groupe à la faveur de l’apprentissage des choses de la vie. Le film vise plus loin, en se servant du collège pour dépeindre les tourments de nos sociétés. La mise en scène procède d’un face-à-face entre la professeure, dont les propos nuancés restent inaudibles par les tenants du politiquement correct, et le reste du collège, pris dans une transe inarrêtable qui le pousse à œuvrer sans réfléchir. Cette fable philosophique sur la pensée unique dit aussi beaucoup du racisme ordinaire envers les Polonais (l'héroïne vient d’une famille polonaise de Westphalie) en cours en Allemagne. Alors qu’à chaque moment on sent poindre l’explosion, la force du film consiste à conférer suffisamment d’impondérables à son récit pour maintenir l’attention. Dans une mise en scène au cordeau, La Salle des profs, rivé au visage de l’actrice principale, parfaite Leonie Benesch, de plus en plus isolée, se maintient à la frontière de la réalité et du mensonge. Caméra sans cesse en mouvement, plans-séquences, image au format 4/3 : le réalisateur enferme les personnages dans le huis clos du collège et maintient une tension permanente : Faux coupable, apparences trompeuses, multiplication des points de vue, solitude du héros dans un microcosme hostile. Beau succès public en Allemagne, récompensé dans plusieurs festivals, La salle des profs a remporté cinq Lola, l’équivalent germanique de nos César. Ce film glaçant et très efficace s'intéresse moins à l'enseignement qu'à la façon dont un lycée forme une petite société. A l'échelle d'un bâtiment labyrinthique, Ilker Çatak nous raconte les réseaux sociaux, la poudre des fausses nouvelles et cette foule constamment à la recherche de héros à célébrer et de proies à dévorer. La classe est à la fois l'endroit où s'invente le monde de demain et un reflet impitoyable de celui d'aujourd'hui. 

Publié dans Films

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