Cet insupportable patriarcat

Publié le par Michel Monsay

Cet insupportable patriarcat

Le réalisateur jordanien Amjad Al Rasheed signe avec Inchallah un fils un premier film de rage et d’espoir, de combat d’une femme dans un monde d’hommes et d’indignation d’un système injuste. C'est la descente aux enfers abyssale d’une mère, d’une femme, dans une société patriarcale, où les lois sont faites par les hommes pour les hommes. Amjad Al Rasheed s’est inspiré de l’histoire d’une parente proche pour porter à l’écran le combat de toute une génération. Il montre très intelligemment l’instrumentalisation de la religion à des fins personnelles pour renforcer le pouvoir machiste. L'actrice Mouna Hawa incarne superbement cette femme combative, à la fois fragile et déterminée. Ce premier film surprend par sa mise en scène et son écriture, toutes deux témoignant d’un point de vue ouvertement progressiste et d’un sens aigu de la narration et du découpage. Il transporte par sa capacité à dépeindre les ravages du patriarcat tout en brossant le portrait saisissant d’un personnage fort, pris dans les affres de son environnement. C'est aussi un thriller féministe admirablement mené avec un vrai sens du suspense. Mis en image par le biais d’une photographie sobre et élégante, jouant sur l’aspect étouffant de ses décors intérieurs, ce film puissant de survie, d’émancipation et d’espoir, baigne dans une approche réaliste. Quelque part entre Asghar Farhadi et les frères Dardenne, le jeune cinéaste talentueux dépeint avec une rigueur de chaque plan le parcours infernal de son héroïne, obligée de batailler pour simplement conserver sa maison et la garde de sa fille, coincée par le poids de la morale religieuse et de la réputation, face à des personnages masculins avides ou lâches. Coécrit avec deux femmes, Rula Nasser et Delphine Agut, Inchallah un fils livre une critique implacable de l’oppression structurelle des femmes en Jordanie, et nous touche profondément.

Publié dans Films

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article