Au nom du père
Le père d'Amélie Nothomb, Patrick, meurt en mars 2020, en plein confinement, et elle ne peut lui dire au revoir. Elle décide alors de lui dédier un ouvrage, Premier Sang, où elle lui rend la vie, en le faisant parler à la première personne. Ce roman a obtenu le prix Renaudot 2021. La construction du roman est savamment pensée et ne ressemble en rien à un hommage traditionnel. En donnant la parole à son père, Amélie Nothomb s’efface totalement, si bien que sans la correspondance des noms de famille, le lien filial n’aurait pas été perceptible. Le personnage vit de manière autonome, mis en mouvement par les mots malicieux de la romancière. Alors qu’on l’imaginait mélancolique, le livre est solaire, comme lorsque l’auteure s’amuse à raconter l’énergie sauvageonne des petits Nothomb, ou se moque de la poésie d’un grand-père un peu loufoque. L’écriture glisse d’une période à l’autre de la vie du narrateur avec une grande fluidité. Un récit touchant, fidèle au style plein de fantaisie de la romancière belge, racontant notamment l’enfance de Patrick Nothomb, dont sa fille fait un de ces récits elliptiques et fantasques, scintillants comme des contes, dont elle a le secret. La façon d’écrire est familière, légère, chaleureuse, parfois drôle et émouvante, le tout au service d’un récit qui rend un bel hommage à cet homme courageux que fut Patrick Nothomb. Il était pour sa fille Amélie non seulement un père aimé, mais sans doute aussi une source d’inspiration. Un être auquel elle était liée par une de ces affinités électives que le sang n’explique ni ne justifie. Ce 30e roman en 30 ans est l’un des plus personnels et des plus émouvants d'Amélie Nothomb, au meilleur d’elle-même : cruelle, tendre, avec la sensibilité magique et l’humour plein de tact qui la distinguent, dans une quête de simplicité et surtout de clarté qui est tout sauf une facilité, puisqu’elle est indissociable d’une certaine éthique de l’écriture, selon la romancière.