Passionnant récit de la vie d'un antihéros au charme touchant et aux rêves perdus

Publié le par Michel Monsay

Passionnant récit de la vie d'un antihéros au charme touchant et aux rêves perdus

En brossant le portrait d’un homme désarmé par la dureté du monde, Ian McEwan met son existence en miroir. Le grand écrivain britannique signe un roman ample et sensible, traversé par l’histoire, hanté par la perte. Les sommets étaient déjà nombreux dans l’œuvre éclectique de Ian McEwan, avec Leçons il en ajoute un nouveau qui témoigne d’une faculté peu commune à s’illustrer dans un genre, puis dans un autre, avec une facilité et une réussite déconcertantes. Dans la veine d'un réalisme social et psychologique qui a fait sa réputation, et dans laquelle il excelle, on retrouve dans ce nouveau roman son incroyable sens du détail, ses phrases claires, sa manière d’ancrer ses personnages dans une époque et un décor. Le personnage central ­partage avec Ian McEwan nombre de caractéristiques biographiques : son année et son lieu de naissance 1948 à Aldershot dans le Hampshire, un père militaire qu’un poste emmena en Libye, un frère caché découvert à l’âge adulte… Ce qui impressionne notamment dans Leçons est la manière dont Ian McEwan organise la collision du passé, du présent et du futur, les glissements de l’un à l’autre, observant la manière dont fonctionne la mémoire et dont le protagoniste ne cesse de réévaluer ses souvenirs et d’évoluer. Le livre captive aussi par sa complexité, son ampleur et sa facture classique, par sa façon d’embrasser sans ellipses, sur près de huit décennies, le destin d’un individu et l’état du monde dans lequel il évolue. L’architecture romanesque brillante que bâtit Ian McEwan s’empare, à travers son personnage principal, et les personnages secondaires tout aussi bien brossés qui l’entourent, de la destinée collective d’une génération : celle des baby-boomers, épargnés par les convulsions de la première moitié du XXe siècle qui bouleversèrent voire fracassèrent les vies de leurs parents, alors qu'eux sont spectateurs et non plus acteurs des crises mondiales et n’en subissent que des retombées de poussière, comme celles de Tchernobyl. De sa belle prose limpide, intelligente et souple, le regard que porte le romancier sur ses personnages semble à la fois d’une impitoyable exactitude et plein de compassion. Il nous fait voyager dans les épaisseurs du temps, de l’après Seconde Guerre mondiale à la pandémie de COVID,  dans ce roman ambitieux au souffle impressionnant, qui raconte la grande épopée d’une vie faite de rêves abîmés, où l’intime se mêle magistralement à la grande Histoire.

Publié dans Livres

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