« Il faut sortir de l’incantation et des propos d’estrade »
Elu du XVIIIe arrondissement de Paris, Pierre-Yves Bournazel est à la fois conseiller de Paris et de la région Ile-de-France Les Républicains. Il est en charge de la candidature de Paris pour les Jeux 2024 et de la politique du cinéma de la région. Parallèlement, il s’est engagé auprès d’Alain Juppé pour l’élection présidentielle, dont il est un de ses porte-paroles.
Vous qui êtes originaire de Corrèze, quelles sont les pistes à explorer pour que la ruralité et le monde agricole se portent mieux ?
Pierre-Yves Bournazel - La ruralité a subi de plein fouet un certain nombre de mutations, et pour faire revenir la population, en finir avec le désenclavement, il faut une vraie stratégie d’emploi. Les nouvelles technologies, comme le numérique avec l’économie et les métiers qui en découlent, sont une chance pour le monde rural. Elles mettent tous les territoires à égalité en permettant de travailler facilement à l’endroit de son choix. Il faut donc investir dans cette logique du numérique afin de pouvoir agir sur le tourisme et l’attractivité d’une région pour les entreprises.
Pour le monde agricole, il faut réorienter la PAC par un soutien concret aux agriculteurs, sécuriser les relations entre les différents acteurs des filières, alléger les charges sociales, fiscales et règlementaires, soutenir l’investissement et l’innovation pour renforcer la compétitivité du secteur, refondre le statut des exploitations agricoles qui doivent être considérées comme des entreprises. Il faut aussi réformer notre système de retraites pour mettre fin à des inégalités qui ne sont plus acceptables, avec des pensions indécentes notamment pour des agriculteurs.
La nouvelle génération que vous incarnez contribue-t-elle à faire bouger les lignes en matière politique ?
P-Y.B. - Cette nouvelle génération doit amener un renouvellement des pratiques politiques pour mettre fin au cumul des mandats parlementaires et exécutifs, avec des élus à temps plein dans leur mission sur le terrain. Elle ne doit pas être dans l’idéologie mais la réalité en expérimentant, en recherchant des solutions efficaces avec les acteurs de la société civile. C’est ce que je m’efforce de faire dans le 18ème à Paris, arrondissement de la diversité dans lequel je vis. Tous les jours, en étant à l’écoute des habitants, j’apprends et je comprends des situations complexes, ce qui permet de favoriser le dialogue et la construction de projets. Mais il faut pour cela donner plus de liberté et de responsabilité aux collectivités territoriales qui sont au plus près du terrain. En étant dans le concret, comme je le fais, on sort des logiques partisanes qui sclérosent, cloisonnent et empêchent de faire les réformes nécessaires. Il m’arrive de voter des projets de la ville de Paris alors que je suis dans l’opposition, ce qui me donne d’ailleurs plus de légitimité pour dire ce qui ne fonctionne pas. Notre génération doit être créative, audacieuse et courageuse mais elle doit aussi accepter la transmission de personnes plus expérimentées qui ont également cet état d’esprit. Je n’aime pas que l’on me reproche mon âge en me disant que je suis trop jeune pour assumer des responsabilités, mais je n’aime pas plus que l’on reproche à d’autres leur âge parce qu’ils seraient trop expérimentés.
Quels sont les enjeux de la primaire de la droite et du centre, et sur quoi va-t-elle se jouer ?
P-Y.B. - Pense-t-on que c’est dans la radicalité, la division, le clivage permanent, que l’on peut obtenir des résultats ? Pour ma part, j’ai la conviction que pour réformer le pays et pouvoir agir dans un contexte de tension internationale, de risque terroriste, de difficultés économiques et sociales, le prochain Président de la République devra avoir une capacité de rassemblement des français autour d’un projet. Aujourd’hui, ne pas dire ce qui est doucereux à l’oreille des français, mais plutôt ce qui est bon pour l’avenir de la France, est une force face à la montée des populismes et de la démagogie, qui d’ailleurs ne résoudraient en rien les problèmes mais les aggraveraient. Avec Alain Juppé nous sommes des patriotes et non des nationalistes, Romain Gary disait : « Le patriotisme est l’amour des siens quand le nationalisme est la haine des autres ».
Je note que certains candidats ont peut-être trop regardé les shows de M. Trump, et dans cette primaire il ne faut pas que l’on « Trump » les français. Cela va se jouer sur l’efficacité des projets, mais aussi sur les tempéraments et les caractères. Il faut sortir de l’incantation et des propos d’estrade. Ce n’est pas en ressemblant à Marine Le Pen qu’on la battra. Tous les français peuvent aller voter à cette primaire, il n’y a pas besoin de carte de parti, il faut simplement vouloir l’alternance, notamment pour tous ceux qui ont été déçu par M. Hollande. En ne faisant qu’un mandat, Alain Juppé ne sera pas obnubilé par sa réélection. Si l’on ne veut pas de Mme Le Pen ni subir son candidat, il faut le choisir les 20 et 27 novembre.
Pourquoi la droite a voté contre la piétonisation des voies sur berge à Paris, et de manière globale quelles sont les relations entre Paris et la région ?
P-Y.B. - Ce n’est pas un problème parisien mais régional, les personnes qui circulent en voiture à Paris viennent essentiellement de la banlieue. On ne décide pas seul contre les maires des communes environnantes et contre la région sans concerter ni dialoguer, d’ailleurs l’enquête publique le dit. Je ne suis pas opposé et même favorable à terme et dans d’autres conditions à l’aménagement des voies sur berge. Il faudrait pour cela que la décision soit partagée avec les partenaires et qu’il y ait des solutions alternatives. La région Ile de France a beaucoup de retard sur les transports en commun, faute d’investissement suffisant de la gauche pendant 20 ans. Il y a le projet du Grand Paris express porté par Valérie Pécresse qui va nous aider à désengorger Paris de la voiture, mais il faudra quelques années. Quant aux propositions de la présidente de la région, elles ne sont pas suivies d’effet par Mme Hidalgo et je le regrette. Notamment construire des parkings aux portes de Paris, permettant ainsi aux personnes venant de banlieue de pouvoir garer leur voiture et prendre les transports en commun. Cela délesterait la capitale et aurait un réel impact sur la pollution. Anne Hidalgo et Valérie Pécresse sont capables de travailler ensemble en bonne intelligence dans l’intérêt général, notamment sur la candidature de Paris pour les Jeux de 2024 et sur le tourisme, mais sur certains sujets il y a des différences de méthode.
Approuvez-vous l’aménagement de camps de réfugiés à Paris et quelle est votre position sur le problème dans sa globalité ?
P-Y.B. - Les campements sauvages sont la honte de Paris. C’est à la fois indigne pour les réfugiés qui vivent dans des conditions déplorables d’hygiène et de sécurité, et pour les riverains qui subissent toutes les nuisances. Un centre d’accueil peut être un moindre mal à conditions qu’il y ait concertation sur le lieu d’implantation, que ce ne soit pas toujours dans les quartiers qui connaissent déjà des problèmes de précarité. Mais aussi que ce soit un lieu qui cherche l’efficacité des politiques publiques, qu’il y ait une accélération des procédures de droit d’asile et pour ceux qui n’en bénéficieront pas, il faut une politique extrêmement ferme de reconduite à la frontière. Si l’on veut accueillir dignement les personnes, on doit mener une politique équilibrée et cohérente.
En même temps, je demande qu’il y ait une action forte au niveau de l’Etat pour démanteler les réseaux de passeurs qui profitent de la misère humaine pour gagner de l’argent, il faut durcir les sanctions. Il doit y avoir aussi une politique européenne avec un cap, pour agir sur Frontex, réformer Schengen et harmoniser le droit d’asile européen. Quand aurons-nous une stratégie internationale pour éradiquer l’Etat islamique en Syrie et en Irak, d’où fuient de nombreux réfugiés ? La France et l’Europe doivent également mettre au point une stratégie de développement et de coopération dans les pays d’où viennent les migrants économiques, pour leur permettre de vivre dignement sur leur terre.
Quel est votre sentiment sur la montée de l’islamophobie et la difficulté à parler sereinement des musulmans en France ?
P-Y.B. - Je suis un républicain et ne distingue pas les citoyens en fonction de leur origine, leur confession, leur condition sociale ou leur génération. Je demande seulement de manière transversale que chacun ait l’amour de la France et la volonté de la servir. La haine du juif, du musulman ou de l’autre est inacceptable, elle doit être condamnée et combattue avec la même force. La laïcité n’est pas la négation des religions, elle signifie qu’au-dessus des convictions religieuses, tout à fait respectables, il y a la communauté nationale avec le respect des valeurs républicaines. Pour contrer l’islamophobie, il faut montrer que l’immense majorité des musulmans de France se sent partie prenante du destin du pays, et n’a pas à être distinguée des autres citoyens à cause de son appartenance religieuse. Par contre, lorsqu’il y a un problème de fondamentalisme, il faut le traiter et lutter fermement contre la radicalisation sans accepter les dérives. Personne, quel que soit sa confession, ne doit imposer des lois religieuses dans un pays républicain et laïc. Il ne faut pas chercher à opposer les citoyens les uns aux autres, surtout en matière de distinction religieuse.
En quoi la candidature de Paris aux Jeux 2024 est-elle si importante pour notre pays ?
P-Y.B. - Comme il s’agit du plus grand événement au monde, c’est un formidable coup de projecteur sur Paris et la France pour donner envie d’investir dans notre pays. Nous travaillons dans l’unité, avec l’Etat, la ville de Paris, la région Ile de France et le monde sportif, afin d’assurer l’attractivité économique et culturelle du pays, mais aussi pour améliorer la vie quotidienne. L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques peut s’avérer très positive dès lors que sont prises les bonnes décisions. Nous voulons faire en sorte que ce soit un accélérateur des politiques publiques en faveur d’un développement des réseaux de transport, du décloisonnement des quartiers et de la création de nouveaux éco-quartiers, d’une amélioration de la formation professionnelle dans l’innovation, le numériques et les métiers du sport. En plus, 95% des équipements existent déjà ou seront temporaires, il y a donc une sobriété financière contrairement à d’autres villes candidates.
Quelques repères
Natif du Cantal, il a vécu toute son enfance en Corrèze où sa famille vit toujours, département auquel il est très attaché même si aujourd’hui il est pleinement investi dans le 18ème arrondissement de Paris. Après avoir fait Sciences-Po, il a travaillé au Parlement européen, au ministère de la justice, et à son compte dans le conseil. A 39 ans, ce passionné d’histoire est engagé à fond dans la vie publique et politique, dans laquelle il a des objectifs pour 2017 avec Alain Juppé et en 2020 où il aimerait incarner la relève pour Paris.