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Réhabilitation d'un génie oublié

Publié le par Michel Monsay

Réhabilitation d'un génie oublié

Le cinéaste tchèque Petr Vaclav signe un biopic remarquable sur Joseph Myslivecek, un musicien aujourd'hui oublié. Au cœur du XVIIIe siècle, Josef Myslivecek, un jeune homme timide né en Bohême, est devenu l'un des musiciens et compositeurs les plus en vue d'Italie, idolâtré à Venise comme à Naples, sollicité par les plus grandes interprètes de l'époque et même applaudi par un certain Wolfgang Amadeus Mozart, qui admirait ses opéras et sa créativité hors norme. Encore méconnu en France, le cinéaste tchèque Petr Vaclav tourne depuis un quart de siècle des films plébiscités dans son pays natal et qui sont souvent sélectionnés dans les festivals internationaux. Aux antipodes des us et coutumes académiques et hagiographiques du biopic, Petr Vaclav dresse le portrait d'un personnage ambigu, insaisissable, et donne à voir une époque et un environnement culturel sans pitié. Au plus près de son héros, avec une caméra parfois portée à l'épaule, le cinéaste, dans des lumières en clair-obscur admirables, met en scène les aventures de ce compositeur dans les salons où les réputations se font et se défont, auprès de ses maîtresses qui sont parfois ses cantatrices, avec ses prétendus protecteurs qui ne respectent qu'en apparence cet étranger sans attache. Petr Vaclav suit à la trace un protagoniste énigmatique, à la fois ambitieux et naïf, et qui semble toujours chercher sa place en ce bas monde. Après le triomphe d'Amadeus, le grand Milos Forman avait souhaité consacrer un film à Josef Myslivecek, mais il n'y était pas parvenu. Petr Vaclav, l'a fait et son film, d'une grande beauté visuelle et musicale, nous captive de la première à la dernière scène. Il Boemo ne s’intéresse pas au génie mais à la vie besogneuse, amoureuse, précaire et fugace. Ce n'est pas un biopic d’apprentissage du «grand homme», mais une chronique de la condition la plus prosaïque de l’artiste, qui est également identifiée à la condition de la femme à cette époque. Le compositeur se laisse guider dans la carrière par des femmes d’influence, qui pour elles-mêmes ne peuvent prétendre à aucune existence remarquable hors de la sphère d’un père ou d’un mari, à aucune renommée, à l'exception d'une diva qui semble davantage maîtriser sa vie mais sans paraître vraiment heureuse pour autant. Les comédiens, inconnus en France, composent parfaitement une galerie de personnages hauts en couleurs et représentatifs de l'Italie du XVIIIe siècle à la fois libertine et corsetée. Dans le rôle principal, Vojtech Dyk fait penser à Ryan O’Neal dans Barry Lyndon. Il Boemo a du souffle, de l'ambition, évite les effusions de lyrisme et préfère une certaine sobriété pour servir et magnifier la musique de ce musicien, qui grâce à ce très beau film n'est plus un inconnu.

Publié dans Films

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Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes

Publié le par Michel Monsay

Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes

Le Jeu de Paume présente la plus grande exposition consacrée au photographe Frank Horvat depuis son décès en octobre 2020. 170 tirages et 70 documents d’archives personnelles retracent les quinze premières années de la carrière du photoreporter au photographe de mode, entre 1950 et 1965.  Les débuts de Frank Horvat, né Francesco Horvat en 1928 dans une famille juive en Italie, sont placés sous le signe du reportage : le jeune homme rêve d’intégrer l’agence Magnum, sur les pas d’Henri Cartier-Bresson. Un grand périple en Inde et au Pakistan lui vaut des publications dans Epoca, un magazine italien copié sur Life. Déjà, Frank Horvat s’intéresse aux lieux interdits ou secrets, où les corps des femmes se dévoilent, comme le « quartier rouge » de la ville pakistanaise de Lahore. De retour en Europe, il s’installe à Londres où il poursuit sa carrière de photoreporter, en travaillant pour l’agence Black Star de New York. Les Anglais lui inspirent des images humoristiques, voire ironiques, où le guindé côtoie l’excentrique. Fin 1955, le photographe s’installe à Paris pour ne plus jamais en repartir. Le magazine Réalités lui commande en 1956 un sujet sur le proxénétisme. Il explore de nuit ou de jour les rues et cafés de Pigalle, la rue Saint-Denis et les allées du bois de Boulogne. Toute sa vie, Frank Horvat a observé les corps comme une valse de regards et de désirs. Iconoclaste, il passait brillamment d’un registre à l’autre, du reportage au papier glacé, poussait la mode hors des studios pour défendre le naturel, débarrasser les modèles de leurs poses maniérées, d'un maquillage excessif et insuffler un vent de nouveauté. Les superbes photographies de mode réalisées par Frank Horvat entre 1957 et 1962 deviennent rapidement célèbres : on lui doit notamment l’image de Monique Dutto à la sortie du métro, Nico au Bois de Boulogne, Anna Karina lâchée au beau milieu des Halles, comme une fleur et en tenue de créateur, trônant entre un amas d’ordures, une pile de cageots et une foule de maraîchers circonspects, Tan Arnold au comptoir du restaurant Au Chien qui fume,… Il publie dans les plus grands magazines de l’époque et révolutionne cet univers en plaçant ses mannequins dans l’animation de l’espace urbain, comme pour un reportage. Maniant tour à tour le retrait, l’ironie et le détournement, Frank Horvat bouscula la photographie d’après-guerre avec ses clichés d’une étonnante vivacité que cette belle exposition nous permet de découvrir.

 Frank Horvat. Paris, le monde, la mode est à voir au Jeu de Paume jusqu'au 17 septembre.

Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
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Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes
Frank Horvat, le photographe amoureux des femmes

Publié dans Expos

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Un grand spectacle à la française

Publié le par Michel Monsay

Un grand spectacle à la française

Avec une quarantaine de films depuis 1903, est-il justifié de nous offrir une énième version des Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas ? Étonnamment oui, Martin Bourboulon, dont on avait aimé Papa ou maman et beaucoup moins Eiffel, apporte du sang neuf au chef-d’œuvre de Dumas dans une version épique, âpre, romanesque, ponctuée de très beaux duels, et entièrement tournée en décors naturels. Ce grand film de divertissement populaire et exigeant adopte une narration fluide, et alterne les scènes de combat filmés de manière réaliste en se passant de tous les artifices numériques, avec des plans-séquences caméra à l'épaule impressionnants, et les intrigues de palais. Sur le patron intemporel du texte original, les scénaristes Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, à qui l'on doit Le prénom, ont su coudre un film d'aujourd'hui avec humour en s'autorisant quelques libertés. Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan réinvente le film d’action dans un monde de capes et d’épées, où il est bon de revenir comme dans le jardin perdu de son enfance. Le réalisateur s'est entouré d'une troupe de comédiens talentueux pour interpréter ces célèbres personnages. Outre les quatre principaux, Louis Garrel est irrésistible en Louis XIII, Lyna Khoudri parfaite en Constance Bonnacieux, Vicky Krieps touchante en Anne d'Autriche et Éric Ruf, redoutable en Richelieu. Si on connaît l’histoire par cœur, on est surpris de se prendre au jeu d’une intrigue toujours efficace dans cette nouvelle version, qui s’en tire avec les honneurs en évitant les écueils du genre, et relève le niveau si mauvais des grosses productions françaises.

Publié dans Films

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Peut-on vivre sans amour ?

Publié le par Michel Monsay

Peut-on vivre sans amour ?

Créateur, réalisateur et interprète de cette fantaisie tragicomique, Fred Hazan s’aventure dans les abysses de la solitude contemporaine. Auteur pour Les Guignols de Canal +, les séries Dix pour cent ou Drôle, Fred Hazan s'est écrit un personnage plutôt loser, à côté de la plaque, innocent, et surtout qui n'a pas les codes de notre époque. Dans cette minisérie en six épisodes, Frédéric Hazan se glisse dans la peau de Marco Delgado, un acteur porno sur le déclin, qui travaille comme videur dans une boîte de nuit pour arrondir ses fins de mois. Mais depuis quelque temps, Marco est pris d’étranges malaises, il s’effondre pour un oui ou pour un non et tombe inanimé, comme foudroyé. Après avoir étudié son cerveau, on lui diagnostique un bien étrange mal : Marco souffre d’un manque d’amour. Cette série drôle et sentimentale, séduit par les imperfections des personnages, les pas de côté narratifs, son ton décalé, qui laissent entrevoir un émouvant appel à la tendresse. Besoin d’amour aurait pu se noyer dans une succession de gags lourdauds. C’est tout l’inverse. La quête sentimentale de Marco, plutôt clown triste que sex-symbol, se révèle sensible et dessine en creux le portrait de Fred Hazan, homme-orchestre d’une comédie douce amère exécutée dans les règles de l’art, comme la télévision française en propose peu. Minisérie originale pour peu qu’on prenne le temps de s’y attacher, Besoin d’amour ausculte le malaise sous toutes ses formes : les coulisses déprimantes du milieu du porno, la solitude de ses acteurs, le mépris dans lequel ils vivent, mais aussi l’identité trouble des enfants adoptés, ou la découverte de la judéité, tous ces thèmes sont dépeints avec un humour décalé à l’anglaise. L’exercice est osé, difficile, mais cette minisérie touchante a le mérite d’offrir une alternative aux comédies à l’humour forcé et aux drames tire-larmes.

Besoin d'amour est à voir ici pour 10,99 € sur OCS, un mois d'abonnement pour profiter de tous les programmes et résilier à tout moment.

Publié dans replay

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Vertigineux polar sur la vengeance et la notion de justice

Publié le par Michel Monsay

Vertigineux polar sur la vengeance et la notion de justice

Javier Cercas, sans doute le plus grand écrivain espagnol du moment, se remet à la fiction, et pas n’importe laquelle : le polar. Prodigieux roman policier métaphysique, spirituel et poétique, Terra Alta offre à Javier Cercas de transformer la boue en or, tel un alchimiste si sûr de son art qu’il n’en laisse rien paraître. Simenon esquissait ambiances, paysages, états d’une société, profils psychologiques. Cercas creuse, de façon complète mais complexe, dans le double fond du réel, usant d’une écriture à la fois nerveuse et au long cours. D’où le lent éclaircissement de la psyché ténébreuse du personnage central, qui n’a d’égale que l’opacité des énigmes à résoudre, tandis que le passé remonte à la surface du présent, et nous retrouvons là le thème de toute l’œuvre de Cercas, sourcier des émanations du franquisme dans une Espagne embrouillée, où tout s’enchevêtre vénéneusement : des Soldats de Salamine (2002) au Monarque des ombres (2017), en passant par L’Imposteur (2014). Javier Cercas fait ici une entrée réussie dans le genre du polar grâce au portrait sensible et contrasté qu’il dresse de ce jeune homme blessé, un ancien détenu trouvant sa raison d’être dans le fait de rendre justice aux opprimés. Très habile à décrire les jalousies et les rivalités à l’œuvre dans une contrée reculée où tout le monde se connaît, le romancier renoue surtout ici, au moment où on l’attend le moins, avec les thèmes qui l’obsèdent : les stigmates de la guerre civile espagnole (1936-1939) et la façon dont le passé du pays nourrit toujours le présent, à l’insu même des jeunes générations. Le dénouement, surprenant, dans une ultime pirouette, confirme le talent de Cercas à faire resurgir les fantômes des tragédies trop vite étouffées. Maestro incontesté de l’enquête autobiographique, élevée au rang d’art littéraire, quelque part entre Truman Capote et Emmanuel Carrère, Javier Cercas a magistralement su, dans ses livres précédents, sonder les contours les plus obscurs de l’âme humaine, ausculter les faits les plus insignifiants, en apparence du moins, imaginer l’impensable, qu’il s’agisse de ses aïeux ou de personnages historiques. Si bien qu’il ne pouvait au fond que s’émanciper avec bonheur des contraintes du réel, pour se lancer dans une intrigue imaginaire qu’il maîtrise de bout en bout en n’abandonnant rien de sa méthodologie, jeu narratif permanent entre le passé et le présent, la réalité, la fiction. D'une écriture aussi puissante que lumineuse, Javier Cercas se montre une nouvelle fois un remarquable conteur et un metteur en scène qui enchaîne les morceaux de bravoure avec virtuosité dans ce passionnant roman, qui interroge avec une finesse psychologique impressionnante les questions de justice, de vengeance et de construction de soi, tout en étant aussi une ode à la rédemption par la lecture.

Publié dans Livres

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Quelle honte !

Publié le par Michel Monsay

Quelle honte !
Quelle honte !

Le gouvernement est tellement occupé à faire taire les écologistes que l’extrême-droite agit désormais en toute impunité partout en France, comme à Lyon mercredi où une manifestation de soutien aux Soulèvements de la terre a été attaquée par l’extrême droite. Quelque 400 personnes s’étaient donné rendez-vous, en marge de la Fête de la musique, pour défiler en réaction à la dissolution du mouvement écologiste prononcée par le gouvernement et contre la répression et les violences policières. Mais au niveau de la place Ampère, dans le IIe arrondissement, une cinquantaine de militants d’extrême droite ont chargé la manifestation. Quatre personnes ont été blessées. Aucune interpellation n’a été réalisée.

Par ailleurs, constatons qu'il y a deux poids deux mesures. Comparées aux actions des Soulèvements de la terre, celles de la FNSEA sont bien pires et pourtant on ne parle pas de dissoudre ce syndicat qui ment, manipule, violente et insulte. Depuis les années 1960, la FNSEA multiplie les destructions de biens publics, le saccage de préfectures et les agressions d’élus.  La FNSEA s’estime propriétaire de l’agriculture. Il a toujours existé un pacte de cogestion entre elle et le ministère de l’Agriculture. Pour devenir ministre, il faut être adoubé par la FNSEA. Le gouvernement aurait une nouvelle fois plié devant ses exigences. Campagnes de presse, manœuvres au sommet de l’État, pressions, chantages… Le lobby agro-industriel a mené une offensive tous azimuts pour que le gouvernement dissolve Les Soulèvements de la Terre. C'est une nouvelle fois un choix assumé de Macron de privilégier le déni climatique au profit de l'agro-business, après être revenu sur l'interdiction de pesticides dangereux, alors que l'urgence climatique se fait ressentir chaque jour un peu plus. Il est clair que nous allons droit dans le mur !

Quelle honte !

Publié dans Chroniques

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Fascinant Bertrand Belin

Publié le par Michel Monsay

Fascinant Bertrand Belin
Fascinant Bertrand Belin

Dans cette reprise de la fameuse chanson de Capdevielle, Bertrand Belin éclabousse de son talent et de son charisme ce duo où Axel Bauer fait ce qu'il peut.

Publié dans Chroniques

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La confusion des sentiments

Publié le par Michel Monsay

La confusion des sentiments

Le réalisateur Kôji Fukada, qui avait marqué les esprits en 2017 avec Harmonium, ausculte dans Love life un noyau familial typiquement japonais et retourne son auditoire avec un changement de cap assez sidérant. En effet, il nous embarque d'abord sur une fausse piste, celle d'une chronique amoureuse troublée par quelques aléas de la vie, et par le poids de traditions toujours vivaces au Japon. Mais très vite, le réalisateur crée la surprise avec un coup de théâtre tragique et s’intéresse à ce qui se passe quand le vernis craque sous l’effet d’un évènement imprévu. Cet événement fait basculer le film dans un autre registre, qui emmène les protagonistes dans leurs plus intimes retranchements, et éclaire d'une tout autre manière cette chronique légère de la vie conjugale et familiale. La survenue du drame décuple l'intensité narrative, exacerbe les sentiments, donnant au metteur en scène le loisir de pousser plus loin les questions posées au début du film. Des questions qui tournent comme souvent dans le cinéma de Kôji Fukada autour de la famille, des relations amoureuses, de l'incommunicabilité, de la solitude, de la trahison, du deuil. En filigrane de la trame dramaturgique, Kôji Fukada pose un regard aiguisé sur une société japonaise ultra-codifiée, qui laisse peu de place à l'expression des sentiments, sur les rigidités d'un système patriarcal persistant, sur son rapport encore compliqué aux étrangers, au handicap, ou encore sur la misère sociale, habituellement peu montrée. Ce film déconcertant et subtil confirme le talent d’un cinéaste discret qui incarne, aux côtés de Ryusuke Hamaguchi, le renouveau du cinéma japonais.

Publié dans Films

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Magnifique texte d'Aragon et très émouvante interprétation d'Arthur Teboul

Publié le par Michel Monsay

Magnifique texte d'Aragon et très émouvante interprétation d'Arthur Teboul
Magnifique texte d'Aragon et très émouvante interprétation d'Arthur Teboul
Magnifique texte d'Aragon et très émouvante interprétation d'Arthur Teboul

Difficile de ne pas être bouleversé par cette chanson du grand Léo Ferré sur des paroles de Louis Aragon, qui rendent un vibrant hommage dans L'affiche rouge aux 23 résistants fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944, dont leur chef Missak Manouchian, au moment où celui-ci va faire son entrée au Panthéon avec sa femme Mélinée, elle aussi résistante. L'émotion est décuplée par la sublime voix d'Arthur Teboul, le chanteur de Feu! Chatertton, et sa puissance d'incarnation.

Qui mieux que cet Arménien, apatride, communiste, antinazi, amoureux de la France jusqu’au sacrifice de sa vie, peut personnifier les « grands hommes » auxquels « la patrie », selon la formule inscrite au fronton du Panthéon, est « reconnaissante » ? Lui qui, au moment de mourir, proclamait n’avoir « aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit ». Lui qui, au même instant, osait souhaiter « bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain ». La panthéonisation du résistant communiste, symbole des étrangers anonymes qui se sont battus pour la France, est un gage donné par Emmanuel Macron à tous les humanistes du pays, même s'il n’est pas exempt d’arrière-pensées personnelles et politiques, d'autant que le projet de loi Immigration qui se prépare va dans le sens inverse. Sans oublier aussi que Cette panthéonisation intervient au lendemain d’un nouveau naufrage meurtrier en mer Égée, qui devrait ébranler toutes les consciences. Cette mer Méditerranée que Manouchian traversa en réfugié, est devenue, dans la plus grande indifférence, le cimetière de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants aux vies fauchées en fuyant la persécution, la guerre, la misère. La stigmatisation des étrangers, l’ostracisme à leur endroit s’est érigé en politique assumée, revendiquée, dans une mortifère surenchère avec l’extrême droite. N'oublions jamais que nous sommes collectivement les héritiers de la Résistance et devons sans cesse rappeler aux obsédés de l’identité, que la République affirme qu’être Français n’a rien à voir avec le sang (sinon versé) ni avec la religion ou les origines. La panthéonisation des Manouchian rappellera on l'espère cette évidence.

A voir ici, n'oubliez pas d'activer le son et de préparer vos mouchoirs.

Publié dans Chroniques

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Une histoire d'amour qui vire au cauchemar

Publié le par Michel Monsay

Une histoire d'amour qui vire au cauchemar

Plus habituée aux comédies, Valérie Donzelli, qui a fait du couple l’une des matrices de son cinéma, signe ici une œuvre sombre adaptée librement du formidable roman d’Éric Reinhardt, chroniqué en 2014 dans ces colonnes. Par sa mise en scène, L’amour et les forêts est tout à la fois un conte, une tragédie, une comédie romantique, un film hitchcockien, un thriller, et les images qui nous traversent, questionnent la permanence dans la fiction de ces femmes victimes, sacrifiées. L'Amour et les forêts, c'est aussi Audrey Diwan. Auréolée du succès de L’Événement en 2021 (Lion d'or à la Mostra de Venise), la réalisatrice a prêté main-forte à Valérie Donzelli pour adapter le roman d'Éric Reinhardt. En coscénariste, elle a certainement apporté sa rigueur et une forme d'épure narrative, pour que la mécanique de cette romance cauchemardesque soit implacable. Comme L'Événement, cette histoire purement intime prend ainsi des airs de thriller, et de course contre la montre. Raconté sous forme d'un long flashback par l'héroïne, le récit utilise intelligemment les ellipses pour recomposer le puzzle infernal. La compression cinématographique du temps rend visible le spectacle effarant du piège conjugal poussé à son paroxysme : l’effondrement constant de la liberté et l’inéluctabilité en son sein de l’anéantissement de l’épouse. Rarement on avait vu une cinéaste dont on pensait connaître par cœur les recoins de son monde (fantasque, artisanal, enjoué et plein d’élans ludiques), se réinventer à ce point et lorgner vers un territoire aussi strict que celui du thriller psychologique. Si Virginie Efira est omniprésente dans le cinéma français, on le comprend à la vision de chacun de ses films, qu'elle interprète toujours avec une justesse impressionnante, comme ici en étant tour à tour pétillante, déboussolée ou en reconstruction. Melvil Poupaud incarne parfaitement ce joli cœur qui se transforme en monstre, doucereux au début, il devient de plus en plus manipulateur, machiavélique puis menaçant. Au milieu de ce cauchemar, une parenthèse enchantée au cœur d'une forêt en compagnie du magnétique chanteur Bertrand Belin, qui occasionnellement est acteur, comme ici ou dans Tralala, et le résultat est totalement convaincant, au point que l'on aimerait le voir plus souvent devant une caméra. Pour son sixième film en tant que réalisatrice, Valérie Donzelli parvient à suggérer sans trop montrer, à choquer par les mots plus que par les coups, avec des dialogues saisissants et des silences glaçants.

Publié dans Films

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