Le pardon est-il possible ?
Les repentis s’ouvre par une scène choc, l’assassinat du politicien Juan María Jáuregui, par les séparatistes basques, membres de l’ETA en 2000. Cet ancien préfet laisse une fille de 19 ans et une femme Maixabel Lasa, dont le film relate une partie de son histoire. La réalisatrice madrilène Icíar Bollaín a tiré un grand film politique sur le remords et le pardon, où la réconciliation, même si beaucoup persistent à la refuser, n’est pas une utopie. Couronné de trois Goyas, l'équivalant espagnol des Césars, dont celui de la meilleure interprète féminine attribué à Blanca Portillo, que l'on avait déjà aimée dans Volver et Étreintes brisées d'Almodovar, ce film bouleversant décrit la volonté de dialogue de certains terroristes de l’ETA avec les proches des victimes, et comment cette initiative a préparé le chemin d’une paix jusque-là introuvable. Pas de manichéisme ici mais une réflexion pertinente sur le pardon comme réponse à la violence. Pour son huitième long métrage, Icíar Bollaín retrouve Luis Tosar, qu’elle avait précédemment dirigé dans le puissant Même la pluie, douze ans auparavant. En terroriste, marqué par le remord et la honte, il compose un personnage émouvant faisant face à Bianca Portillo, magnifique en veuve prête à pardonner l’impardonnable. Tous les autres acteurs sont remarquablement dirigés, habités par une authenticité criante. Dans la reconstitution de cette histoire vraie, la cinéaste a trouvé matière à des face-à-face d’une authentique force dramatique. À cela vient s’ajouter une forme de neutralité qui, paradoxalement, devient un atout. Aux échanges qui ont lieu, aucune signification n’est donnée, ni politique ni religieuse. Les mots ne réparent rien, n’effacent rien : ils sont précieux simplement parce qu’il est devenu possible de les dire, de les écouter. Le dialogue ne veut rien prouver, mais il prend la place de la violence, qui n’aura pas le dernier mot. Pour mémoire, l’ETA, créé en 1959, en réaction au franquisme, a mené une lutte armée pendant plus de cinquante ans, causant la mort sur le territoire espagnol de 837 personnes (dont 506 policiers et militaires). En Espagne, ce film qui évoque des blessures toujours douloureuses a été accueilli comme un événement majeur et a remporté un important succès. Ce n'est que justice, tant la cinéaste refuse le manichéisme en multipliant les interactions entre les personnages aux positions contradictoires, interrogeant par là le spectateur, sans lui imposer une lecture confortable du prêt à penser si courant dans le cinéma militant.
Les repentis est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.