Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Depuis 20 ans, Emmanuel Mouret explore le sentiment amoureux, le désir, l'inconstance, les imbroglios qui peuvent en résulter, avec un raffinement et un humour qui en ont fait un cinéaste dont on attend avec gourmandise le nouveau film. Son dixième en date, peut-être son plus beau, remarquablement écrit dans ses dialogues et sa construction, est teintée cette fois d'une touche de mélancolie qui apporte une dimension nouvelle dans l'univers du réalisateur, à laquelle on adhère totalement. Les films d'Emmanuel Mouret font penser par moments à un subtil mélange de Woody Allen et d'Eric Rohmer. Grâce à une mécanique virtuose, le cinéaste enchaîne dans sa nouvelle réalisation les péripéties sentimentales de ses personnages, entre tromperie, générosité, sincérité, mensonge, amour véritable, frustration. On est littéralement happé par ce tourbillon amoureux, d'autant que le réalisateur n'utilise quasiment pas le systématique champ contre-champ que l'on voit partout, et privilégie des plans englobant les deux comédiens, donnant ainsi plus de force et d'ampleur à son propos. Les comédiens, très bien filmés et dirigés, offrent une belle partition d'où ressortent le doute et l'ambivalence de leurs personnages. Camélia Jordana, bouleversante dans ce qui est sans doute son plus beau rôle, et Niels Schneider, qui nous montre ici une autre facette de son talent, interprètent avec une touchante retenue les deux principaux protagonistes de cette histoire de déceptions amoureuses. Le cinéaste nous entraîne dans une ronde entre présent et passé avec une remarquable fluidité qui contrebalance la complexité des sentiments de tous les personnages, et signe un film gigogne à la fois jubilatoire et émouvant avec un art du récit qui nous épate.
Fuji, pays de neige
Il ne reste plus que quelques jours, jusqu'au 12 octobre exactement, pour aller admirer les 70 magnifiques estampes de cette exposition autour du mont Fuji au musée Guimet, qui n'aura duré que trois mois. Ces œuvres du XVIIIe et XIXe siècle, particulièrement sensibles à la lumière, ne pouvant être exposées que pendant une durée limitée. Classé au patrimoine mondial de l'Unesco, le mont Fuji a été une grande source d'inspiration artistique pour les plus célèbres peintres et dessinateurs japonais, notamment de la période d'Edo. Au-delà de la représentation du mont Fuji, qu'il soit au premier plan ou en arrière-plan, la deuxième partie de cette superbe exposition propose des estampes de paysages enneigés avec ou sans personnages, quelques anciennes photographies et un vase somptueux. Cet art de l'estampe qui mobilise un dessinateur, un graveur et un imprimeur atteint ici des sommets, notamment dans la représentation de la neige avec 55 nuances de blanc et dans les dégradés. Tous les grands maîtres sont là : Hiroshige, Hokusai, Hasui, ... Un pur régal empreint de poésie !
Laëtitia
Qui d'autre que Jean-Xavier de Lestrade pouvait adapter le remarquable livre d'Ivan Jablonka, "Laëtitia ou la fin des hommes" ? Il est l'un des rares artistes français à avoir remporté un Oscar, en l’occurrence pour "Un coupable idéal", fascinant documentaire qui dresse un portrait peu flatteur de la police et la justice américaine. Il est également l'un des rares à exceller autant dans le documentaire que dans la fiction, dont la dernière en date, "Jeux d'influence" sur un scandale aux pesticides et le pouvoir des lobbys, nous avait captivés. Dans la minisérie "Laëtitia", on retrouve sa marque de fabrique, une justesse et une rigueur impressionnantes, tant dans la mise en scène, que dans la narration ou dans le jeu de tous les acteurs, dont l'authenticité de leur interprétation est admirable. Que ce soit la jeune comédienne lumineuse qui joue le rôle titre, ceux qui incarnent les hommes qui lui ont fait tant de mal tout au long de sa vie jusqu'à sa mort, les enquêteurs et le magistrat, et même les personnages secondaires, tous contribuent à rendre cette série bouleversante et indispensable. Si la violence des hommes est au cœur de cette terrible histoire, le réalisateur a voulu par cette fiction faire le récit de la vie de Laëtitia, qui est pour beaucoup résumée uniquement par sa mort atroce, pour lui rendre sa dignité. Ce récit met en lumière la vulnérabilité des enfants, qui dans ce genre de circonstances ne sont pas assez protégés, et les violences subies par les femmes. Reconnaissons à France 2, qui est suffisamment critiquable par ailleurs, le mérite d'avoir produit une série de cette force à une heure de grande écoute. Cette fiction magistrale et très éprouvante renvoie aussi aux responsabilités des politiques et des médias sur l'instrumentalisation des faits divers et sur les carences à protéger les plus faibles, mais également sur la violence sociale à l'origine d'une telle tragédie.
Pour voir Laëtitia, vous pouvez voir les trois premiers épisodes en replay sur France 2 jusqu'à lundi, et les les trois derniers lundi soir sur France 2 ou en replay jusqu'au lundi suivant, ou voir l'intégralité sur l'application France.tv de votre téléviseur ou ici.
Juliette Gréco, une femme libre
Retrouvons avec bonheur cette grande dame de la chanson française, qui vient de disparaître à l'âge de 93 ans, dans deux de ses plus belles chansons qui la caractérisent si bien. D'abord dans "Déshabillez-moi", qui choqua en 1967 par son audace, son insolence et sa sensualité et récolta le carré blanc de la morale. Puis dans la merveilleuse chanson de Léo Ferré, "Jolie môme" qu'elle reprend divinement en y apportant une part de provocation et d'érotisme sous-jacent qui lui allait si bien.
Michael Lonsdale
Quelques lignes pour rendre hommage au grand comédien disparu dont la voix, la présence et le jeu tout en subtiles nuances vont nous manquer.
A lire ce petit article des Inrocks : https://www.lesinrocks.com/2020/09/21/cinema/actualite-cinema/mort-de-michael-lonsdale-legende-du-cinema-dauteur-de-ces-50-dernieres-annees/
A voir cet extrait d'un de ses plus beaux rôles qui lui a valu le seul César de sa carrière : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19138552&cfilm=56826.html
Liv Maria
Avec ce cinquième roman, Julia Kerninon, écrivaine nantaise de 33 ans déjà très remarquée par ses précédents écrits, docteure en littérature américaine, nous offre ici un très beau portrait de femme au caractère bien trempé. Le livre s'ouvre alors que cette femme n'est pas encore née et que ses parents font l'amour. Nous allons la suivre ensuite jusqu'à ses quarante ans, à travers un parcours atypique et parfois douloureux qui va contribuer à faire d'elle une femme libre, puissante, mystérieuse, complexe, autonome et incontrôlable. La romancière explore merveilleusement à travers une très belle écriture toutes les identités de cette femme, sa vie intime, ses émotions, sa faculté d'adaptation à toutes sortes d'aventures jusqu'à une vie plus stable, elle dissèque aussi le rapport troublant entre les apparences et la vérité profonde d'un être. Cette héroïne va cacher toute sa vie un secret, qui selon les périodes va être autant une force qu'un fardeau, le récit s'articulant à la manière d'une tragédie grecque. Julia Kerninon aime les mots et la littérature à la folie, on le ressent d'ailleurs tout au long de "Liv Maria", elle a toujours baigné depuis son plus jeune âge dans cet amour des livres transmis par ses parents, et en devenant écrivain, elle a su trouver un style d'une rare élégance avec un sens de l'image et de la précision remarquables.
Eternelle légende du rock
Hier, cela faisait juste 50 ans que disparaissait Jimi Hendrix à l'âge de 27 ans. Sa musique n'a pas pris une ride et le voir jouer de la guitare avec une telle dextérité et dans toutes les positions est toujours un bonheur. Cet âge de 27 ans a été fatidique à quelques uns des plus grands artistes de l'histoire du rock. Jimi Hendrix est le deuxième à disparaître après Brian Jones des Rolling Stones, et avant Janis Joplin et Jim Morrison en l'espace de quelques mois, puis plus tard Kurt Cobain et Amy Winehouse. Incroyables coïncidences avec à chaque fois les regrets douloureux d'un immense gâchis.
Pour le plaisir, Jimi Hendrix au festival de Monterey en 1967 :