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Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Publié le par Michel Monsay

Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Avec une gravité nouvelle dans sa filmographie, Julie Delpy transforme en drame touchant au fantastique la débâcle d’un couple qui se déchire autour de la garde de sa fille. Dans un parcours, aussi affranchi, aussi libre, aussi atypique que celui de Julie Delpy, chaque nouveau projet semble frappé d’une énergie renouvelée et invincible, fascinante et inclassable. Entre Paris et Los Angeles, où elle vit, son cinéma depuis ses débuts en tant que réalisatrice est bilingue, à l'image des autofictions comme Two Days in New York ou Two Days In Paris, qui la mettent en scène, tel un double trompeur d’elle-même. Il y a toujours chez elle un jeu avec le moi, un narcissisme paradoxal, entre impudeur et fragile nécessité de se livrer. Mais c’est en abordant un sujet a priori moins introspectif, avec l'excellent La Comtesse, que Julie Delpy se livrait peut-être le plus. Cette revisite de la légende noire d’Erzebeth Bathory trahissait un portrait en creux de l’actrice, face à ses angoisses, sa peur de vieillir, le regard sur le temps qui passe. Démythifiant le vampire pour y retrouver la femme, elle évoquait également comment se construisent les contes gothiques et les mensonges lorsqu’une femme à forte personnalité prend soudain trop de place dans un monde d’hommes dominants. My Zoé semble fusionner toutes les inspirations de la cinéaste entre l’amour de l’intime, du cinéma-vérité et ses accointances avec l’imaginaire et le fantastique. Très adroitement Julie Delpy divise son film en trois parties distinctes sans jamais cependant mettre en péril son équilibre, son harmonie. Le film respire une forme de douceur insidieuse, inquiète, dès sa mise en place du décor qui alterne entre beauté de la complicité mère/fille et confrontation extrêmement tendue entre les parents séparés. Sans occulter l’enjeu moral, la cinéaste écarte et dépasse les obstacles sacrilèges, moins intéressée par les dangers de la science que par le lyrisme discret qu’elle infuse à My Zoé, bouleversante variation autour de l’amour indéfectible, infini, immortel. Pour Julie Delpy, rien n’est au-dessus d’un cœur qui bat. Il y a quelque chose de résolument romantique dans la démarche même de ce film, dans sa beauté transgressive où le recours au fantastique fait se rejoindre les contraires, où l’impensable et le condamnable peuvent se métamorphoser en acte miraculeux. Atypique et atemporel, My Zoé affirme plus que jamais le pouvoir de l’imaginaire et du cinéma, d’un art au secours du réel, où seule la fiction s’avère capable de venger la mort, de soigner les deuils et l’irréparable sentiment de vide. Quelque chose de magique. Cru et frontal, étonnant de bout en bout, le film remue. Et Julie Delpy, bouleversante, parvient à faire ressentir, viscéralement, le lien fusionnel mère-enfant, ce point de rupture où plus rien d’autre ne compte que l’obsession de sentir à nouveau la peau douce et les cheveux d’une fillette adorée. Ce très beau film confirme la précieuse singularité de la réalisatrice actrice dans le paysage du cinéma international.

My Zoé est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

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Passionnants jeux de pouvoir

Publié le par Michel Monsay

Passionnants jeux de pouvoir

Délocaliser un roman d’Émile Zola dans l’Angleterre victorienne, le mouvement était osé. Mais Bill Gallagher  s’en débrouille si bien que l’on en oublie qu’il nous propose une adaptation d’Au bonheur des dames. De l’œuvre du romancier, il a conservé l’arène puisque The Paradise est le nom du grand magasin central dans sa dramaturgie. Retenu aussi, le thème de la naissance du commerce de masse comme point de bascule de la société. Et enfin celui du dilemme amoureux. Il s’en saisit mais les colore de cette touche si caractéristique des fictions historiques britanniques à la fois classique et pop. La force de cette série réalisée en 2012, mais inédite en France, est sa vitalité. Jamais les jupons, ni les hauts-de-forme ne sont des carcans pour une galerie de personnages immédiatement attachants, interprétés par un formidable ensemble de comédiens. Entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, l’alchimie se révèle parfaite. De même dans la deuxième saison, avec un rare sens de la narration qui donne à la série toute sa puissance, Bill Gallagher poursuit efficacement ce qu’il a entamé dans la première saison. Épisode après épisode, la tension monte. Bien plus qu’une simple ficelle dramaturgique, elle est la caisse de résonance du thème sur lequel il se focalise : l’émancipation des femmes dans le monde du travail. Celles qui travaillent dur pour des salaires peu rémunérateurs, mais le scénario aborde aussi la condition d'autres femmes, ces oisives prisonnières de la cage dorée de leur foyer bourgeois. Les aspirations professionnelles de Denise, un des personnages centraux, son talent pour le commerce et son obstination à briser ce qui ne s’appelle pas encore le plafond de verre figurent les prémices de la lutte féministe en Angleterre. Ascension dans les hautes sphères de la société britannique, changement d'époque avec une aristocratie rentière qui plie face à l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie ayant le sens des affaires, changements sociaux… Tout est décrit avec un superbe sens du détail sous la caméra de Marc Jobst, de quoi faire écho au livre culte d'Émile Zola qui aura réussi à capturer son temps. Cette série en deux saisons déploie tous les atouts d’une séduisante fiction en costumes, sentimentale sans mièvrerie, sociale sans lourdeur démonstrative. La critique de l’immobilisme comme celle de l’arrivisme sont finement distillées au fil d’une intrigue dont la conclusion attendue n’exclut ni les rebondissements, ni les imprévus.

The Paradise est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Un roman drôle et lucide sur la corrosion des sentiments

Publié le par Michel Monsay

Un roman drôle et lucide sur la corrosion des sentiments

Me voici, paru en 2017est le troisième roman de Jonathan Safran Foer, à la fois brillant, tragique et cocasse, il raconte l'histoire d'une famille juive américaine, assez peu pratiquante, se désagrégeant en même temps qu'une catastrophe naturelle menace d'anéantir Israël. C'est une offrande sans limites de la vie d'un homme, autant dans ce qu'il a de plus intime, les misères d'un corps qu'il faut supporter, l'aveu des sentiments les plus secrets, des petites et grandes lâchetés, les joies et les contraintes de la vie domestique, que dans ses vertigineuses interrogations métaphysiques. Il y a aussi ce que cet homme porte en lui : l'histoire de sa famille (père, grand-père, cousins) qui fait partie de la diaspora juive. Me voici s'articule autour d'un moment critique : la désintégration d'un couple et d'une famille pour la sphère intime, la désintégration d'un état pour ce qui concerne le monde. Moment de crise propice à l'observation, que le romancier met en scène de manière virtuose. Virtuose dans sa capacité à embrasser tout cela dans une construction savante en forme d'agglomération de différentes strates, qui jamais ne perd son lecteur. Et aussi et surtout grâce à une langue merveilleuse, rythmée par des dialogues savoureux. D'une écriture foisonnante et fougueuse Jonathan Safran Foer sait chanter la tragédie humaine avec humour, ramenant l'homme à sa juste place. Ce roman, qui évoque l'œuvre d'Albert Cohen, fait l'effet d'un torrent, ses creux sombres, ses vagues, ses zones paisibles, et les éclats de lumière. La dissection par l'écrivain du processus de corruption et d’usure du sentiment amoureux, aux prises avec la vie quotidienne et le temps, est saisissante d’acuité : le ­passage des ans et la sévère opération de nettoyage qu’il inflige aux utopies individuelles que sont l’amour, le désir, mais également la loyauté vis-à-vis des aspirations de jeunesse, la fidélité à une foi, une ­appartenance, un héritage tant ­familial que spirituel. La mélancolie ­inhérente à ces questionnements, ­Jonathan Safran Foer choisit de la contrer par une formidable vivacité et de la revêtir d’une ­intense drôlerie, usant notamment pour cela d'un sens aigu de l'empathie et d’un art virtuose du dialogue, dans lequel il donne libre cours à une forme de trivialité assumée. Me voici est en somme le grand roman, drôle et lucide, de la maturité d'un écrivain rare, qui n'a publié que trois romans en quinze ans.

Publié dans Livres

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C'est pas gagné !

Publié le par Michel Monsay

C'est pas gagné !

Publié dans Chroniques

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Ouvrons les yeux !

Publié le par Michel Monsay

Ouvrons les yeux !

Ils les ont tués un par un, entre mars 2022 et juin 2023. Par centaines, sinon plus. À bout portant ou à l’arme explosive. Parfois même des enfants. Ces meurtres perpétrés par les gardes-frontières saoudiens à l’encontre de migrants éthiopiens venus chercher l’eldorado au royaume wahhabite, qui se gargarise d’être devenu le paradis sur terre à coups de soft power et de campagnes publicitaires internationales, Human Rights Watch les a documentés. L’ONG, qui défend les droits de l’homme, a recueilli des témoignages de rescapés appuyés par des images satellites. Et son rapport, glaçant, livré lundi 21 août, fait état d’un possible crime contre l’humanité. Alors, jusqu’à quand ? Jusqu’à quand l’Occident va-t-il prêter allégeance au prince héritier Mohammed ben Salman, comme l’a encore fait Macron cet été en soutenant ouvertement la candidature de Riyad pour accueillir l’Exposition universelle de 2030 ? Jusqu’à quand les artistes et les institutions culturelles, par leur simple présence, vont-ils continuer à donner un visage de respectabilité à ce régime qui considère les femmes comme inférieures aux hommes, les couples adultères, les homosexuels, les athées et les toxicomanes passibles de la peine de mort ? Comédiens, musiciens ou grands musées sont désormais chaque jour nombreux à s’y précipiter, d’autant qu’ils y sont grassement payés. À l’instar de l’architecte Jean Nouvel, sollicité pour le futur site touristique Al-ula. Ou le Centre Pompidou, qui y « apportera son expertise scientifique et technique » pour la construction d’un musée. Ou encore les stars qui se pavanent sur le tapis rouge du Red Sea International Film Festival de Djeddah comme Isabelle Adjani en décembre dernier. Sans parler de Maïwenn, qui a reçu une aide de ce même festival pour son dernier film, Jeanne du Barry. Oui, jusqu’à quand le monde de la culture va-t-il continuer à couvrir de telles atrocités ? Sans parler des footballeurs, qui ont tous été appâtés par les sommes colossales qui leur ont été proposées ! Ce pays dépense des milliards pour améliorer son image, déplorable à raison, mais l'argent ne peut pas faire oublier et accepter de tels agissements, en tout cas espérons le !

Publié dans Chroniques

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L'insubmersible

Publié le par Michel Monsay

L'insubmersible

En finale du Masters 1000 de Cincinnati, un des tournois les plus importants après ceux du Grand Chelem, Novak Djokovic a battu Carlos Alcaraz au terme d'un match d'exception. C'était la revanche de Wimbledon, qui avait vu triomphé l'espagnol, après là aussi un match incroyable. C'est à croire qu'ils ne savent faire que dans l'épique. Carlos Alcaraz et Novak Djokovic ont livré un combat d'une intensité quasi inhumaine sous une chaleur étouffante dimanche soir, le second finissant par l'emporter à sa 5e balle de match. Dans une partie aux multiples rebondissements et au niveau de jeu atteignant des sommets, Novak Djokovic a fini par avoir raison du prodige espagnol en trois sets (5-7, 7-6, 7-6) et quasiment quatre heures de jeu. Entre-temps, le Serbe avait lui-même écarté une balle de match en fin de deuxième acte. C'est son 4e titre cette saison, le 95e de sa carrière et le 39e en Masters 1000 (record amélioré). Un record de plus pour le plus grand joueur de l'histoire, que rien ne semble arrêter. Revenu d'entre les morts après un gros coup de fatigue dans le deuxième set, Djokovic a réussi à le gagner au jeu décisif après avoir sauvé une balle de match. Puis peu à peu, il a repris l'ascendant mental et physique dans le troisième set. Et à force de mettre la pression à la relance, il a fait le break à 3-3 pour prendre à son tour une option sur le titre. La qualité des débats était remarquable, mais on n'avait encore rien vu. A 5-3, visiblement émoussé, Alcaraz a toutefois sauvé deux balles de match sur son service dont la seconde d'un passing de coup droit en bout de course ahurissant. Puis à 5-4, après un immense jeu de plus de dix minutes, il est allé reprendre le service de Djokovic, sauvant deux nouvelles balles de match, dont la dernière sur un coup droit long de ligne supersonique. De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace pour ce joueur qui possède tous les coups du tennis à la perfection et peut-être le jeu le plus imprévisible jamais vu sur un court. En mode survie mais toujours lucide pour aller chercher son destin au filet, il sauvait encore quatre balles de break dans le jeu suivant pour reprendre le score. Encore de retour d'un mini-break initial dans le tie-break décisif grâce à un retour-volée bluffant, le génie aux multiples vies a pourtant fini par céder. Car en face il y avait Djokovic, un monstre de sang-froid d'une précision diabolique à la relance, un mur face aux assauts répétés d'Alcaraz, qui a fini par l'épuiser. Pour ceux qui aiment le tennis, ce match est un pur régal entre deux extraterrestres. Cincinnati ne pouvait pas mieux annoncer l'US Open, qui démarre dans quelques jours. On en salive d'avance.

Alacaraz - Djokovic est à voir ici pour 9,99 €, un mois d'abonnement sans engagement à Eurosport.

Sinon ci-dessous, un résumé de la rencontre :

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Mort de l'un des plus grands intellectuels français

Publié le par Michel Monsay

Mort de l'un des plus grands intellectuels français

Un esprit incandescent. Une curiosité sans limite, une soif de connaissance, une profonde culture. Une envie de transmettre, de former, de lancer des projets, d’embellir le débat démocratique. Une pédagogie hors du commun. Daniel Cohen, grand économiste et humaniste, est mort dimanche à l'âge de 70 ans d'une maladie du sang. Il était entre autres professeur à l'École normale supérieure et membre fondateur de l'École d'économie de Paris, institution qu’il présidait depuis 2021. Observateur des transformations du capitalisme contemporain, Daniel Cohen était une figure reconnue au niveau international et son œuvre était traduite dans une dizaine de langues. Connu du grand public pour ses interventions dans les médias, Le Monde, LibérationL'Obs, C Politique, C ce soir,... Daniel Cohen est né à Tunis en 1953, ancien élève de l'ENS de la rue d’Ulm, il s’est fait connaître par son ouvrage Richesse du monde, pauvreté des nations, publié en 1997, dans lequel il y décrit la montée des inégalités. Par la suite, tout au long des années 2000, il s’est intéressé aux mutations de la société postindustrielle, que ce soit dans le domaine du travail (Nos temps modernes, 2000) ou des échanges internationaux (La Mondialisation et ses ennemis, 2004). Ses ouvrages suivants - Trois leçons sur la société postindustrielle (2006) et La Prospérité du vice, Une introduction (inquiète) à l'économie (2009) - s’apparentent à des fresques historiques décrivant la transformation du capitalisme, de sa naissance à nos jours. Dans son dernier essai publié, Homo Economicus (2012), il proposait une réflexion sur le paradoxe d'Easterlin, selon lequel l’augmentation du produit intérieur brut par habitant ne se traduit pas nécessairement par une hausse du niveau de bonheur individuel. Il a obtenu deux fois le Prix du livre d'économie. Homme de gauche, Daniel Cohen n’était pas seulement un économiste remarquablement intelligent, connecté aux enjeux de notre temps. Son génie, lui qui était normalien en mathématiques, était de maîtriser les outils de l’économie avec une vision d’ensemble du monde et de la justice, de maîtriser tout le spectre économique, de l’analyse mathématique jusqu’à la philosophie politique. Il était profondément humaniste, engagé, disponible, drôle, et chacune de ses interventions était remarquablement pertinente. Quelle tristesse !

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Une comédie policière élégante et ironique

Publié le par Michel Monsay

Une comédie policière élégante et ironique

A peine échappé de l’Allemagne nazie, Douglas Sirk signe un polar soigné, spirituel, porté par une direction artistique au cordeau. Ce film appartient à la période la moins connue de l’œuvre de Douglas Sirk, entre ses mélodrames allemands des années 1930 et ceux, flamboyants, tournés à la fin de sa carrière américaine (1954-1958). De 1942 , il venait d’arriver à Hollywood, à 1954, il toucha à tous les genres : le polar psy, le film de guerre, le péplum, la satire sociale… Il réalisa surtout ce Scandale à Paris, drôlissime fantaisie en costumes sous influence de Billy Wilder, dont il disait que c’était l'un de ses films préférés. Cette variation très libre sur la vie de Vidocq où il s’affranchit de tout réalisme lui permet, en effet, d’exercer sa divine ironie en abordant son thème de prédilection : le poids du passé et comment s’en libérer. George Sanders, interprète idéalement élégant, est moqueur et ambivalent à souhait. Avec ce film rocambolesque, caustique mais délicat, Douglas Sirk se ­replonge avec délice dans la vieille Europe, celle des jeux de masques, et y oppose le bien et le mal de manière pleinement symboliste. Ce Scandale à Paris, tout en arabesques et en ruptures de ton, évoque à la fois Max Ophuls et le Sacha Guitry des Mémoires d’un tricheurL’Empereur de Paris, remake de Jean-François Richet, en 2018, avec Vincent Cassel dans le rôle de Vidocq, n’a pas le charme de cette version légère et mordante de 1946.

Scandale à Paris est à voir ici pour 9,99 €, un mois sans engagement à Molotov tv.

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Hommage poignant à la Résistance

Publié le par Michel Monsay

Hommage poignant à la Résistance

La Bataille du rail, qui fut tourné en mars et avril 1945, alors que la guerre n’était pas encore terminée, mêle employés de la SNCF et acteurs professionnels. Il reconstitue quelques faits d’armes de la résistance ferroviaire : les sabotages quotidiens ou le déraillement spectaculaire, sans trucage numérique, d’un convoi de troupes allemandes. La très belle image d'Henri Alekan, le grand directeur de la photo des Enfants du paradis entre autres, apporte au film un atout majeur. Tourné sans vedettes ni grands moyens financiers, La Bataille du rail a cependant connu un véritable succès populaire indéniable, en France comme à l’étranger et a consacré René Clément comme l’un des meilleurs réalisateurs de l’après-guerre. En 1946, il obtient ainsi le Prix de la mise en scène et le Prix du jury au Festival de Cannes. Tourné essentiellement à Saint-Brieuc et dans les Côtes d’Armor, La bataille du rail frappe par son côté à la fois artisanal et élaboré, technique et lyrique, avec un souci de la reconstitution impressionnant dans plusieurs scènes mémorables, dont celles des déraillements de trains allemands. L’œuvre a des points communs avec le néoréalisme italien de Rossellini, qui avait livré un brûlot esthétique et politique avec Rome ville ouverte. René Clément a bénéficié du concours de ceux-là mêmes qui furent les acteurs du drame. Il a su saisir leur véritable caractère et ils ont su, de leur coté, vivre simplement devant la caméra, et refaire les gestes qui furent les leurs. Rien n'est plus poignant que cette lutte sourde, implacable, que ces risques accumulés, que ces vies offertes avec une calme résolution. À voir ou à revoir, ce film indispensable et captivant reste l'un des plus puissants jamais réalisé sur cette époque de notre histoire.

La bataille du rail est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Thriller crépusculaire d'une impressionnante noirceur

Publié le par Michel Monsay

Thriller crépusculaire d'une impressionnante noirceur

Dans un noir et blanc stylisé et sculpté par la pluie, la nuit, la ville, où l’hyper réalisme se mue en visions quasi futuristes, la périphérie d’Hong Kong est présentée telle une décharge à ciel ouvert. Le théâtre de crimes sordides à l’intérieur duquel errent des âmes désespérées, déjà mises au ban de la société. Loin du centre actif de la ville, la bourgeoisie et les classes aisées ne sont pas concernées, le cinéaste s’intéresse à un monde caché, face auquel il serait facile de détourner le regard. De l’exercice de style virtuose et flamboyant, Limbo se transforme peu à peu en polar nihiliste et existentiel au cœur d’une cité violente et dangereuse. Le cinéaste hongkongais Soi Cheang qui, à cinquante et un ans et une vingtaine de films visibles pour certains en VOD, s’apprête à connaitre sa première sortie sur grand écran français et sonde ici la complexité d’êtres abimés, en quête de rédemption, au sein d’un univers vicié où tous les idéaux sont depuis longtemps abandonnés. Dans un Hongkong des bas-fonds entre terre et ciel sous un déluge constant, on entre dans ce film comme dans un enfer saturé de débris au côté de flics mutiques et de filles assassinées, d’un tueur fétichiste qui sectionne les mains gauches de ses victimes, dans un territoire dont semble d’abord s’absenter toute morale, un no man’s land juste agité de pulsions, d’endurance et de rage. Le choix du noir et blanc, la lumière, les cadrages, la manière dont les plans sont surchargés, la création de décors sordides et monumentaux témoignent d’une virtuosité assez rare dans le genre. Plus que les deux flics centraux, c'est la petite voleuse en quête de pardon qui s’impose progressivement, par sa formidable pulsion de survie, comme l’héroïne incassable de ce polar sans pitié. Dans des décors labyrinthiques époustouflants, un film d'une rare noirceur qui, avec sa réalisation constamment inventive, plonge les policiers comme les spectateurs dans un véritable enfer visuel, dont on ressort pour le moins secoué.

Publié dans Films

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