Passionnants jeux de pouvoir

Publié le par Michel Monsay

Passionnants jeux de pouvoir

Délocaliser un roman d’Émile Zola dans l’Angleterre victorienne, le mouvement était osé. Mais Bill Gallagher  s’en débrouille si bien que l’on en oublie qu’il nous propose une adaptation d’Au bonheur des dames. De l’œuvre du romancier, il a conservé l’arène puisque The Paradise est le nom du grand magasin central dans sa dramaturgie. Retenu aussi, le thème de la naissance du commerce de masse comme point de bascule de la société. Et enfin celui du dilemme amoureux. Il s’en saisit mais les colore de cette touche si caractéristique des fictions historiques britanniques à la fois classique et pop. La force de cette série réalisée en 2012, mais inédite en France, est sa vitalité. Jamais les jupons, ni les hauts-de-forme ne sont des carcans pour une galerie de personnages immédiatement attachants, interprétés par un formidable ensemble de comédiens. Entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, l’alchimie se révèle parfaite. De même dans la deuxième saison, avec un rare sens de la narration qui donne à la série toute sa puissance, Bill Gallagher poursuit efficacement ce qu’il a entamé dans la première saison. Épisode après épisode, la tension monte. Bien plus qu’une simple ficelle dramaturgique, elle est la caisse de résonance du thème sur lequel il se focalise : l’émancipation des femmes dans le monde du travail. Celles qui travaillent dur pour des salaires peu rémunérateurs, mais le scénario aborde aussi la condition d'autres femmes, ces oisives prisonnières de la cage dorée de leur foyer bourgeois. Les aspirations professionnelles de Denise, un des personnages centraux, son talent pour le commerce et son obstination à briser ce qui ne s’appelle pas encore le plafond de verre figurent les prémices de la lutte féministe en Angleterre. Ascension dans les hautes sphères de la société britannique, changement d'époque avec une aristocratie rentière qui plie face à l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie ayant le sens des affaires, changements sociaux… Tout est décrit avec un superbe sens du détail sous la caméra de Marc Jobst, de quoi faire écho au livre culte d'Émile Zola qui aura réussi à capturer son temps. Cette série en deux saisons déploie tous les atouts d’une séduisante fiction en costumes, sentimentale sans mièvrerie, sociale sans lourdeur démonstrative. La critique de l’immobilisme comme celle de l’arrivisme sont finement distillées au fil d’une intrigue dont la conclusion attendue n’exclut ni les rebondissements, ni les imprévus.

The Paradise est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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