Très bel hommage à cette femme hors-norme
C'est une pièce menée tambour battant, sans aucun moment de flottement ou de respiration. Tout va vite, tout s'enchaîne avec une grande fluidité. Les comédiens réunis par Géraldine Martineau, qui met en scène son propre texte, sont tous convaincants. Estelle Meyer est exceptionnelle dans L'Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt au théâtre du Palais-Royal. Sa voix, sa manière d’être, sa présence, tout chez elle dégage une fougue généreuse, une puissance baroque mais sans esbroufe. La jeune comédienne et chanteuse installe la complicité avec le public dès la première minute grâce à une savoureuse anecdote. Le ton est donné : la pièce sera festive, libre, généreuse et résolument féministe. Il en fallait du bagout pour interpréter la tragédienne que Jean Cocteau qualifiait de "monstre sacré". Estelle Meyer est Sarah Bernhardt, dans ses fêlures, ses excès, ses excentricités. La tragédienne a fait de sa vie une œuvre d'art, s'arrangeant parfois avec la réalité, s'engageant pour des causes : elle défend Louise Michel, soutient Émile Zola lors de l'affaire Dreyfus, se rend au front en 1916… Et finalement, elle devient la première "influenceuse au monde", en étant une vedette adulée, à l'origine du star-système. Son unique passion reste le théâtre, toute sa vie durant malgré les difficultés. Amputée à plus de 70 ans de la jambe droite, elle continue à jouer, allongée ou assise, d'où son surnom de "Mère la Chaise". Surnom qui rejoint une longue liste composée aussi de la "Divine" ou la "Scandaleuse". Car Sarah Bernhardt est entière, sans concession aucune. Dans un décor ingénieux, dix artistes interprètent 35 personnages, dont une violoncelliste et un pianiste très convaincants. De l'adolescente arrivant chez sa mère demi-mondaine à Paris à la tournée américaine, en passant par ses tumultueux passages à Comédie-Française, Géraldine Martineau revient magistralement sur un parcours atypique d'une femme extraordinaire et extravagante. Sarah Bernhardt ne fait rien comme les autres : elle dort dans un cercueil et immortalise le moment, offre un alligator à son fils, transforme le théâtre de l'Odéon en hôpital... On pourrait aisément reprendre la devise de la tragédienne : « Quand même ! », car il était temps de redonner vie à cette artiste flamboyante, dont les funérailles attirèrent à Paris une foule de quelque 400 000 personnes.
L'Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt est à voir au Théâtre du Palais Royal à Paris.