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theatre

Une Phèdre charnelle et incandescente

Publié le par Michel Monsay

Une Phèdre charnelle et incandescente

Le décor, sobre et élégant, les beaux costumes moirés et les subtiles lumières en clair-obscur ne laissent pas présager l'incendie qui a embrasé le plateau de l'Espace Cardin du Théâtre de la Ville. Grande spécialiste de Corneille, Brigitte Jaques-Wajeman a voulu visiblement marquer les esprits avec sa deuxième mise en scène d'une tragédie de Racine. Sa « Phèdre » est d'une intensité presque sauvage, replongeant la pièce classique dans la rugosité du théâtre antique. Pas de demi-mesure : la reine, tombée dingue amoureuse de son beau-fils Hippolyte, alors que son mari le roi Thésée est parti en campagne, se montre d'emblée littéralement malade de désir. Par ricochet, tous les protagonistes sont gagnés par une forme d'hystérie. Le pari est audacieux. Sur scène, on parle haut et fort, on se tord, on se torture jusqu'à l'épuisement. Pour Raphaèle Bouchard, qui incarne superbement la tragique héroïne, c'est un défi constant : ses alexandrins sont des flammes, ses gestes désordonnés un ballet dément qui frise la transe. La pudeur n'a plus cours, sa passion déborde deux heures durant, elle est au bord de l'explosion. Rien ne résiste à la passion de cette Phèdre sans filtre : le pouvoir des rois, des héros et des dieux est consumé par le feu dévorant qu'elle répand autour d'elle. Outre l'interprétation charnelle de Raphaèle Bouchard, Bertrand Pazos en Thésée est remarquable et impressionnant de solidité brutale. Brigitte Jaques-Wajeman rend toute leur sensualité aux vers dangereux de Racine. Poussant l'auteur dans ses retranchements, elle met un point d'honneur à éclairer plein feu cet obscur objet du désir qui rend la tragédie si déchirante et sulfureuse. Phèdre gagne en vérité et en humanité ce qu'elle perd en dignité et en mystère. Sa passion incestueuse est un pied de nez au monde, qui trouve son apogée dans la mort. Une mort lente, provoquée par un poison, qu'elle subit comme un orgasme. Racine dépeint avec science les ravages sur nos âmes, nos êtres, des désirs proscrits par la société, la famille, le pouvoir. Il les enserre dans des alexandrins sorciers où tout, à tout instant peut exploser. Le sexe comme la mort. Dans sa mise en scène et sa directions d'acteurs, Brigitte Jaques-Wajeman scrute sans relâche à travers la puissance du verbe et son embrasement, les tourments de la passion, littéralement assiégés entre empêchement et exaltation. Elle s'attache à libérer l'interprétation des personnages de la rhétorique. C'est un travail extrêmement physique qu'elle demande à ses interprètes, à la fois pour respirer l'alexandrin et exprimer dans chaque scène ces sourds élans des sens par leurs corps en entier. Créé en 2020, ce sommet de la tragédie a été repris pour six représentations à l’Espace Cardin.

Une Phèdre charnelle et incandescente

Publié dans Théâtre

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Quand Shakespeare est monté de la sorte, c'est sublime

Publié le par Michel Monsay

Quand Shakespeare est monté de la sorte, c'est sublime

On n’avait jamais vu ainsi "Antoine et Cléopâtre", cette pièce majeure de Shakespeare. Elle est rarement montée, alors qu’elle offre des personnages flamboyants, une réflexion d’une profondeur inégalée sur les entremêlements de l’amour et du politique et sur une tragédie majeure : celle des relations entre Orient et Occident. Le spectacle dure 3h45 avec entracte, mais elles passent comme un rêve chatoyant et chamarré, qui cache sa profondeur sous des dehors envoûtants et charmeurs. La pièce, telle qu’elle s’offre dans une nouvelle traduction d’Irène Bonnaud, nette et sans bavures, se déploie dans une superbe mise en scène de Célie Pauthe où la sensualité est partout : entre hommes et femmes, entre femmes aussi. Mais cette dimension charnelle est présente aussi dans la langue, dans le jeu, et elle est au cœur de la réflexion que Célie Pauthe mène avec Shakespeare, comme un marqueur où les relations de genre, entre homme et femme, se superposeraient avec celles entre Orient et Occident : l’Orient est femme, l’Occident est homme. Outre la langue de Shakespeare qui éblouit dans la modernité de la mise en scène, Célie Pauthe a eu la lumineuse idée d'y adjoindre des chansons de Mohammed Abdel Wahab merveilleusement interprétées en arabe par la comédienne Dea Liane et des poèmes de Constantin Cavafy. Dans le magnifique écrin scénographique qui permet en quelques manipulations de passer des palais égyptiens au couloir du sénat romain, du tombeau de Cléopâtre au désert de Libye, l'excellente troupe d'acteurs s'investit avec une belle intensité et un profond engagement. Célie Pauthe a voulu des lumières chaudes pour l'action se déroulant en Égypte et  un environnement glacial pour Rome, telles deux facettes de l’exercice du pouvoir, l’une dionysiaque et charnelle, l’autre sans pitié et cruelle. Une dichotomie qu’elle prolonge, et cultive, dans sa direction d’acteurs. Face au jeu très incarné de Cléopâtre, Antoine et leur cour, immergés dans un bain d’ivresse passionnelle, Octave et consorts apparaissent dans toute leur raideur, martiale, calculatrice et distanciée, proche de cette attitude robotique, inhumaine, qui peut, parfois, naître dans le carcan de l’appareil d’État. Histoire multiple, superbe, folle et terrible, ce chef-d'œuvre du dramaturge anglais, spirale infernale des sentiments, nous apporte, grâce à l'intelligence de la mise en scène, cette jubilation de l’art théâtral que l'on ressent parfois.

A voir jusqu'au 3 juin au Théâtre de l'Odéon - Ateliers Berthier.

Publié dans Théâtre

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Une passionnante partie d’échecs féroce et drôle

Publié le par Michel Monsay

Une passionnante partie d’échecs féroce et drôle

Et si c’était à refaire, que changeriez-vous, que corrigeriez-vous et d’où reprendriez-vous le cours des choses pour tenter de l’inverser ? C’est le thème de cette pièce de l’écrivain suisse allemand Max Frisch, qui fut créée à Zurich en 1968, et que Frédéric Bélier-Garcia, le fils de Nicole Garcia, avait monté dans une première version en 1999 et qu'il revisite aujourd'hui avec plus de fluidité, de mélancolie tendre et de maturité. Max Frisch nous place devant les choix de nos parcours de vie, de nos mensonges conscients ou inconscients, de notre bonne ou mauvaise foi, et de nos désirs, pulsions ou lâchetés raisonnables. Le décor amovible d'Alban Ho Van est spectaculaire. Il nous transporte à vue dans un appartement chic, une école, un quartier new-yorkais ou un hôpital. Il rajoute au vertige de la pièce. Direction d'acteurs sobre, tempo soutenu, jamais frénétique : Frédéric Bélier-Garcia a trouvé la bonne distance pour que la fable existentielle de Marx Frisch garde son mystère et ne sombre pas dans le simple drame bourgeois. Il flotte sur ce jeu de dupes une menace sourde à la Pinter qui transforme les sourires en grimaces. La distribution est épatante et sert parfaitement ce texte ludique voire comique par moments mais implacable. En premier lieu l'excellent Jérôme Kircher, qui par son magnétisme, son ironie mordante, sa malice diabolique apporte une fascinante étrangeté à son personnage. Isabelle Carré, toujours aussi juste dans son jeu, campe avec une élégance infinie une héroïne à la Hitchcock, froide, mystérieuse et insaisissable. José Garcia, après 30 ans d'absence, réussit pleinement son retour sur scène, et Ana Blagojevic, que l'on avait remarquée dans le très joli film "A l'abordage", interprète avec une belle énergie plusieurs personnages. Le public, à la sortie, semble aussi amusé que troublé. Une question lui trotte dans la tête : saurais-je changer ma vie, si elle était à refaire ?

"Biographie : un jeu" est à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 3 avril.

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Un portrait de famille bouleversant et drôle

Publié le par Michel Monsay

Un portrait de famille bouleversant et drôle
Un portrait de famille bouleversant et drôle
Un portrait de famille bouleversant et drôle
Un portrait de famille bouleversant et drôle

On connaît Christophe Honoré en tant que cinéaste, dont on avait adoré "Plaire, aimer et courir vite" et "Chambre 212" notamment, on connaît moins le dramaturge et l'écrivain mais aussi le metteur en scène de théâtre et d'opéra. Ce génial artiste touche à tout nous offre ici une pièce qu'il a écrite et mise en scène où il convoque les fantômes de sa famille dans un précipité d'émotions entre rire et larmes. C’est un moment comme Christophe Honoré sait en offrir, porté par une grâce, un art du romanesque et une légèreté magnifiques. Rien ne pèse ni ne plombe sous ce Ciel de Nantes pourtant chargé de tragédies familiales et sociales. Il y raconte l’histoire de sa famille maternelle avec le sens subtil d’un Proust d’aujourd’hui, pour qui le cinéma et le théâtre, en dialogue constant, joueraient le rôle occupé par la littérature chez l’auteur de la Recherche. L’enjeu n’est pas tant pour le metteur en scène de raconter son histoire, que de tirer avec sensibilité et humour les fils de ce passé, de voir comment ils se sont tressés, emmêlés, cassés et raccommodés, pour arriver jusqu’à lui et à sa vocation d’artiste. Et tout fonctionne, parce que tout est juste et aérien, merveilleusement bien joué par sept comédiens intenses, dont Chiara Mastroianni pour sa première très réussie au théâtre, parce que Christophe Honoré est aussi un enfant de Jacques Demy et que la fantaisie est au rendez-vous, et qu’il donne à ses personnages une vitalité irrésistible, une lumière. Parallèlement, Le Ciel de Nantes évoque des moments clés de l'histoire du XXe siècle de notre pays, la seconde Guerre mondiale, la guerre d'Algérie, l'évolution de la place des femmes dans la société, l'immigration et la montée de l'extrême droite. Fidèle à son habitude, Christophe Honoré mélange les genres, il y a des passages chantés, d'autres dansés, il invite également la vidéo sur scène à plusieurs reprises. Un spectacle vibrant entre violence, mélancolie, tendresse et un sens avéré de l'humour, dont on ressort conquis.

Le ciel de Nantes est à voir au Théâtre de l'Odéon jusqu'au 3 avril.

Publié dans Théâtre

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Une actrice au sommet de son art

Publié le par Michel Monsay

Une actrice au sommet de son art

Ce spectacle drôle, émouvant, riche nous raconte l’amour, la poésie, la littérature, le théâtre et la culture. Seule en scène, Edwige Baily livre une performance époustouflante durant une heure vingt où elle interprète deux professeures de lettres très différentes, dont l'une, passionnée et totalement investie dans son métier, est inspirée de Gabrielle Russier, condamnée en 1969 à un an de prison pour avoir aimé un de ses élèves quasiment majeur, elle se suicide deux mois après sa condamnation, Annie Girardot l’avait interprétée dans le film "Mourir d'aimer". Quant à l'autre elle évoque avec fougue, des mimiques et une intonation cocasses, dans une langue fleurie et parfois trash, l'histoire d'Antigone, figure universelle de la résistance féminine. Edwige Baily glisse avec une aisance admirable et déconcertante d’un personnage à l’autre, elle excelle quel que soit le registre, comique ou dramatique, réaliste ou fantastique. Remarquablement écrit par Edwige Baily et Julien Poncet, le texte de ce spectacle épatant est une déferlante d'intelligence, d'humour, de verbe porté haut et de vie. A la fois plaidoyer enflammé pour la littérature, où de très nombreux auteurs sont convoqués, le spectacle est également un bel hommage à ceux qui transmettent, mais aussi un éloge de l'amour pur et absolu.

A voir au théâtre du petit Montparnasse.

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Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie

Publié le par Michel Monsay

Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie
Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie
Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie
Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie
Une réflexion sensible et très réaliste sur la fin de vie

Directeur associé du National theatre de Londres et artiste associé du théâtre de l'Odéon, le dramaturge et metteur en scène anglais de 36 ans, Alexander Zeldin, présente sa première pièce en français après une trilogie très remarquée sur les inégalités sociales. Pour cette nouvelle création, il s'est largement inspiré de son histoire personnelle et un peu du roman de James Agee, "Une mort dans la famille", pour évoquer une période marquante de son adolescence, lorsqu'à 15 ans son père meurt, et sa grand-mère emménage dans la maison familiale avant qu'elle ne soit placée dans un Ehpad un an plus tard. Il souhaitait ainsi aborder la fin de vie et la mort dans une fiction théâtrale, sujet tabou dans notre société, et comme il l'explique : « Refuser de regarder la mort, c’est refuser de voir certaines choses de la vie ». A son habitude, Alexander Zeldin s'est renseigné sur le terrain, en partant à la rencontre d'infirmières, aides-soignantes ou auxiliaires de vie dans des Ehpad d'Île-de-France afin de décrire fidèlement la réalité. A l'image de Maurice Pialat, Abdellatif Kechiche ou Ken Loach, auquel il est souvent comparé, ce qui nous fascine chez Alexander Zeldin est cette capacité à recréer minutieusement le réel, sans filtre, et de ce fait nous bouleverser par cette justesse dérangeante dans un premier temps mais qui s'avère très touchante au fil de la pièce. En mêlant acteurs professionnels, tous excellents, et des amateurs qui leur donnent parfaitement le change dans des rôles secondaires, il confirme sa pratique artistique en créant une alchimie inhabituelle qui évite les habitudes de jeu et apporte fraîcheur et vérité. Le théâtre d'Alexander Zeldin a un rôle primordial à jouer dans notre compréhension du monde, par sa puissance il nous questionne sur des sujets que l'on veut éluder, ne pas regarder en face, et parvient à nous les faire ressentir comme naturels, à nous émouvoir, et dans cette pièce à nous aider à affronter la mort, la vieillesse et comprendre ce que cela peut nous apprendre sur la vie.

"Une mort dans la famille" est à voir au théâtre de l'Odéon Berthier jusqu'au 20 février.

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Le génie de Marivaux dépouillé de marivaudage

Publié le par Michel Monsay

Le génie de Marivaux dépouillé de marivaudage

Il est étonnant que la dernière rencontre entre Alain Françon et Marivaux remonte à quarante ans. Du célèbre dramaturge, le grand metteur en scène, lauréat notamment de 3 Molières, n’avait jusqu’alors monté qu’une seule et unique pièce, La Double Inconstance, en 1981. Pourtant, les deux artistes semblent, peut-être encore davantage que d’autres, faits l’un pour l’autre, mus à la fois par un perfectionnisme de la tirade et par un même amour, une même obsession, une même foi en la langue, capable, sous leur houlette, d’ouvrir tous les possibles, de déplacer des montagnes intérieures et d’engendrer toutes les beautés. On peut difficilement trouver plus grand observateur, peut-être expert, de l’amour que Marivaux, et il livre ici un chef-d’œuvre de nuances, de cruautés et de retournements, sur l'amour mais aussi sur l'amitié, l'orgueil, les faux rapports, la condition des femmes et celle des domestiques, avec finesse, intelligence et une incroyable virtuosité ironique. Comme toujours chez Marivaux, le couple aristocratique est doublé par un autre, celui des serviteurs : Lisette, suivante de la marquise, et Lubin, valet du chevalier. Dans cette Seconde Surprise de l'amour, ce sont eux qui tirent les ficelles. Lisette et Lubin se plaisent, la chose pour eux est entendue. Mais pour pouvoir se marier, il faut qu’ils vivent dans la même maison. Ils vont donc manipuler la marquise et le chevalier, qui jurent avoir renoncé à jamais à l’amour, pour qu’ils tombent amoureux. Et ils vont y réussir, avec une intelligence imparable de ce qu’est la comédie de l’amour et de ses mécanismes, actionnant la jalousie, le dépit, la mauvaise foi, l’amour-propre, la solitude et le désir d’être aimés de leurs maîtres. Point de mièvrerie ici, de maniérisme, de mignardise, de préciosité, de marivaudage abscons, dans un décor à l'épure élégante, cette comédie existentielle de Marivaux empreinte de fraîcheur et de sincérité, met en lumière le génie du langage de l'auteur, la puissance absolue de la parole qui métamorphose les êtres.

A voir en tournée à Villeurbanne, Toulon, Caen, Versailles, Dijon, Colmar, Strasbourg, Aix en Provence, Saint-Étienne, Beauvais.

Publié dans Théâtre

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Spectacle hilarant et caustique, intime et universel

Publié le par Michel Monsay

Spectacle hilarant et caustique, intime et universel

Avec Le champ des possibles, Élise Noiraud à la fois comédienne, auteure et metteuse en scène de 38 ans, signe un nouveau seule-en-scène, dernier volet d’une trilogie autofictionnelle, particulièrement abouti sur les affres du passage à l’âge adulte. A 19 ans, on n’est plus une enfant, pas tout à fait une adulte, on respire la jeunesse, on s’imagine une vie. Écrit au cordeau et joué avec une incroyable énergie, son spectacle nous embarque dans une histoire d’émancipation a priori banale, les premiers pas d’une jeune provinciale débarquant à Paris, mais qui se transforme en comédie humaine universelle, où se mêlent névroses familiales, espoirs déçus, désirs enfouis, lectures et rencontres déterminantes. Interprétant plus d’une dizaine de personnages, Élise Noiraud offre une performance théâtrale explosive à la fois drôle et sensible, où les scènes s'emboitent sans moment de suspension ou de conclusion, et où la comédienne passe avec une aisance bluffante, d’un personnage à l’autre. Même si tout paraît vrai dans l'histoire qu'interprète Élise Noiraud, il y a une petite part de fiction, et parmi les personnages qu'elle endosse, il y a sa mère, fil rouge du spectacle. Une mère aimante mais étouffante et culpabilisante. Une mère qui attend son retour dans le giron familial chaque week-end, et peu importe que sa fille ait prévu autre chose, une mère qui lui dit « tu fais ce que tu veux mais réfléchis bien, on n’est pas tout seul dans la vie », une mère qui cache sa dépression sous une fatigue constante et lui répète « je ne crois quand même pas avoir été la pire des mères ». Dans cette collection de figures hautes-en-couleur, chacun pourra retrouver des personnalités, des traits de caractère et des émotions qu’il a lui-même rencontrés. Et se souvenir, alors, de son propre champ des possibles. A la fois impressionnante performance de la comédienne et finesse d'écriture teintée d'ironie et de mélancolie, entre Philippe Caubère et Zouc, ce spectacle explore admirablement la conquête de la liberté d'une jeune femme, qui est loin d'être un long fleuve tranquille.

Le champ des possibles est à voir au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 19 décembre.

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Une femme en éclats

Publié le par Michel Monsay

Une femme en éclats
Une femme en éclats
Une femme en éclats

Écrite en 1929 alors que Mussolini est déjà solidement installé au pouvoir, « Comme tu me veux » est une pièce inclassable qui donne le vertige, sur fond de ruines et de désastre de l'après-guerre, dans une Europe au bord d’un nouveau naufrage. Sous ses allures désuètes de drame bourgeois, l’œuvre de Pirandello prend les détours d'une farce noire pour aborder des sujets cruciaux : le déni, la manipulation des faits et les dommages psychologiques irréparables infligés par la violence et la Grande guerre. C'est par cet angle poignant que Stéphane Braunschweig a choisi d'aborder cette pièce féroce, dans une mise en scène d'une éblouissante clarté qui met en lumière la puissance de l'écriture de Pirandello. Dans une scénographie aussi belle qu'épurée, mais néanmoins inquiétante, où dans la deuxième partie sont projetées en arrière-plan sur des gigantesques rideaux des images d'archives de villes bombardées, on découvre le mystère de Lucia, une femme que l'on croyait morte après avoir été violée par des soldats d'une garnison autrichienne dans sa villa d'Udine en Italie du Nord durant la guerre. Elle réapparaît pourtant dix ans plus tard en danseuse de cabaret glamour à Berlin. Le metteur en scène installe une atmosphère de transgression, de décadence dans cette ville grouillante de liberté, de provocation et de sexualité débridée, qui sert superbement l'ambiguïté de la pièce. Dès la première scène, la frénésie inquiète, commence alors un jeu de simulacres dont le dramaturge a le secret, entre soupçons, souvenirs tragiques et écho historique pour explorer le relativisme de la vérité. L'ensemble de la troupe, Chloé Réjon en tête, qui ne cesse de se réinventer par-delà illusions et mensonges, passant de l'hystérie à la nuance, portent merveilleusement l'écriture de Luigi Pirandello, entre noirceur et éclat de lumière. En remettant remarquablement le dramaturge au goût du jour, Stéphane Braunschweig, qui pour la quatrième fois monte une pièce de Pirandello, tend un miroir saisissant à notre monde de peurs, de doutes et de fake news.

Après avoir été joué durant un mois à l'Odéon, cette excellente pièce sera en tournée en 2022, les 26 et 27 avril à Orléans, du 27 au 29 mai à Turin et le 29 juin à Berne.

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Tendre, espiègle, absurde et à contre-courant de la norme

Publié le par Michel Monsay

Tendre, espiègle, absurde et à contre-courant de la norme

Marc Fraize aime prendre son temps, parfois un peu trop, notamment au début de son spectacle, mais passée cette introduction, il provoque l’hilarité par l’expression de son ahurissement face au monde cruel dont il ne comprend rien. Après avoir, pendant plus de quinze ans, enrichi et bonifié son personnage inoubliable de Monsieur Fraize, antihéros magnifique, le comédien lui offre son âme sœur : Madame Fraize. Dans ce nouveau spectacle, cet humoriste singulier, clown de l’absurde à contre-courant de la vanne, de la punchline et du cynisme que la plupart de ses collègues utilisent, se pare d’une robe verte et d’une perruque atemporelles pour parler de l’amour et du temps qui passe avec une drôlerie et une tendresse irrésistibles. La métamorphose, chaque soir, dure une heure et demie. Il faut enfiler la robe verte, patiemment maquiller son visage, ajuster la perruque, enfiler les longs gants roses qui montent jusqu'au coude. « C'est du boulot d'être une femme », sourit Marc Fraize. Il y a du Jack Lemmon de "Certains l'aiment chaud" dans l'apparence de ce personnage, qui par petites touches nous parle d'amour, de bonheur, de vie commune, de quotidien, et crée une bulle poétique, parenthèse de douceur, de drôlerie et de joie dans un monde fatigué, cerné de nouvelles plombantes.

A voir jusqu'au 17 octobre au Théâtre du Rond-Point

Publié dans Théâtre

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