Un chef-d'œuvre de poésie aux arrangements musicaux d'orfèvre
La chanson française se porte bien, merci pour elle, après le très bel album de Benjamin Biolay, voici celui de Dominique A, une merveille, qui vient s'ajouter à un répertoire déjà bien fourni en pépites comme Éléor, Vers les lueurs, L'horizon,... Le chanteur majuscule revient à une production aérienne et spacieuse qui happe dès le premier morceau. Cet album a été longuement mûri depuis quatre ans par son auteur-compositeur-interprète, qui s’est mis une pression artistique plus grande qu’à l’accoutumée. Le résultat est beau, dénudé, profond. Le propos, lui, ne laisse pas de place au doute : l'actualité brûlante s'invite, pour la première fois chez Dominique A. L'état de la planète, en l'occurrence, ne pouvait être passé sous silence : "Le fait de laisser l'époque m'imprégner, c'est quelque chose qui est venu avec les années. Mais je ne me vois pas ne pas en parler, ça m'inquiète comme beaucoup de gens. Et cette inquiétude contamine l'écriture." Dix chansons composent ce nouvel album intitulé Le Monde réel. C’est un disque qui veut embrasser l’univers, traverser montagnes, vallées, océans, glaciers, forêts, depuis la ville où tout est triste et carré. Le premier titre le dit, qui invite à descendre au “dernier appel de la forêt” comme à une gare sur le trajet d’un train qui va trop vite. Il y a de l’inquiétude et de la cruauté dans les textes, mais en même temps, le disque n’est pas dénué d’humour, on sent aussi la volonté d’un grand élan d’apaisement et de réconciliation, un appel par exemple au collectif dans un morceau qui dit sans candeur : “nous n’irons bien qu’avec les autres”. Il y a surtout, comme pour contrebalancer le déclin ambiant, une grande vitalité musicale dans le disque. L’ambition est symphonique, avec des magnifiques cordes, une attention singulière aux harmonies, et des mélodies faussement simples, qui prennent parfois des détours inattendus, il y a du Debussy dans les arrangements, et cerise sur le gâteau, une voix plus libérée, moins rigide. Chaque chanson nécessite plusieurs écoutes pour capter la splendeur musicale et poétique de cet album indispensable.
En voici trois magnifiques exemples :