Le batteur du plus grand groupe de l'histoire du rock est mort hier à 80 ans. Né en 1941 dans un milieu prolétaire, Charlie Watts l’inamovible batteur des Rolling Stones, présent depuis les tout débuts du groupe, incarnait son aspect le plus aristocrate en même temps que le plus humble. Ce détachement et cette simplicité lui avait permis de gagner le respect de tous et de nouer un lien particulier avec le public, qui lui réservait toujours les applaudissements les plus fournis à la fin des concerts. Réservé, un peu hautain, Charlie, qui n’était quand même pas l’ami de Jagger et Richards pour rien, savait aussi cultiver son mystère – pourquoi évoluer dans le rock quand il semble vous inspirer un tel dédain ? – et ne pas se prendre au sérieux. Merveilleux homme, anglais jusqu’au bout des ongles et d’une distinction que rien, jamais, ne sut entamer. Si les Stones sont si grands, si uniques, c’est qu’ils ont défini un son, une imagerie et un espace-temps à eux, sexy, vulgaire, primitif, pas intello pour deux sous, mais tellement jouissif. Derrière son visage peu expressif, son flegme et son refus de toute provocation, Charlie Watts était le moteur du grand bruit. Son style explosif, il déclarait l’avoir hérité de sa toute petite enfance, quand le blitzkrieg sévissait et que ses nerfs tressautaient à mesure que les bombes tombaient sur Londres. Du jazz, il retint aussi l’idée de swing, un swing étrange, bancal, le plus souvent un peu en avance sur le temps et indissociable du jeu de Keith Richards, guitariste à l’ego chatouilleux qui, depuis 60 ans, n’a pourtant cessé de rendre hommage à celui qu’il considérait comme le plus grand batteur de tous les temps. Les coups de semonce de Satisfaction, c'est lui. Tout comme les roulements trépidants de Get off my cloud, la frappe cinglante de Paint it black ou le rythme syncopé de Miss You. Il était aussi l’un des rares batteurs de rock à jouer en pratiquant la tenue de baguette en prise traditionnelle, celle du tambour militaire, pour sa main gauche, qui marque la frappe sur la caisse claire, la baguette repose sur la paume, assez commune aux musiciens de jazz. Charlie Watts a vécu de l'intérieur une folle épopée, avec son lot de drames, de tournées géantes et d'hystérie collective, sur fond de sexe, drogues et rock'n'roll. Une existence aux antipodes des aspirations de cet homme qui exerçait, jusqu'à sa rencontre en 1962 avec Brian Jones, la paisible profession de dessinateur publicitaire. Après 60 ans de carrière, Charlie Watts ne sera pas de la prochaine tournée des Rolling Stones, et ça va faire drôle de voir évoluer le groupe sans son batteur légendaire à l'élégance et la discrétion uniques.
Deux vidéos pour le revoir :