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Admirable roman noir sentimental des années 1950

Publié le par Michel Monsay

Admirable roman noir sentimental des années 1950

Peu connu en France, cet écrivain américain décédé en 1985 a écrit 7 romans, des poèmes et des scénarios pour notamment Roberto Rossellini en Italie ou Fritz Lang à Hollywood. Gallimard a la riche idée de publier en France un autre de ses romans après « In love » il y a 4 ans, et d’en confier la traduction et la préface à Agnès Desarthe. Ecrit en 1958, « Une jolie fille comme ça » baigne dans une atmosphère désenchantée à la Raymond Chandler sans l’aspect polar mais avec la noirceur, une forme de désinvolture, une vision corrosive de la société hollywoodienne, le tout dans une écriture directe, d’une rare économie et au final implacable. Si l’on sent que le romancier connait bien cet univers hollywoodien avec toutes les illusions perdues qui l’entourent, c’est autour de deux personnages, très différents mais tous deux endommagés par la vie chacun à leur manière, qu’il bâtit son intrigue. Un scénariste new-yorkais proche de la quarantaine, travaillant quelques mois par an pour un studio hollywoodien, s’ennuie dans une fête qui s’étire en longueur. En sortant sur la terrasse pour contempler l’océan, il aperçoit en contrebas une jeune femme apparemment enivrée qui entre dans l’eau un verre à la main. Tout en avançant elle est déstabilisée par une vague, perd l’équilibre et semble se noyer. L’homme saute par-dessus la rambarde et court la secourir. Ambitions délaissées, rêves brisés par une réalité cruelle, arrangements avec la vie pour continuer d’avancer, ce superbe petit roman explore les sentiments, les contradictions des êtres à travers une relation venimeuse et envoûtante.

                                                                                                                     

Une jolie fille comme ça – Un roman d’Alfred Hayes – Gallimard – 167 pages – 17 €. 

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L’Orient source d’inspiration inépuisable

Publié le par Michel Monsay

L’Orient source d’inspiration inépuisable

Couronné par le prix littéraire le plus convoité, le Goncourt, Mathias Enard rend un vibrant hommage à l’Orient dans son sixième roman avec ça et là des échos très mélancoliques qui renvoient aux exactions d’aujourd’hui en Syrie et ailleurs. Son Orient est celui qui a tant inspiré les plus grands musiciens, écrivains, peintres, savants et aventuriers occidentaux. Cet ancien orientaliste de 43 ans qui a énormément voyagé et vécu dans plusieurs pays du Moyen-Orient, tout en étudiant l’arabe et le persan, se sert de son impressionnante érudition en la matière pour nous emmener sur les traces de tous ces prédécesseurs partis découvrir l’ailleurs avec toutes ses différences et ses richesses. Roman foisonnant admirablement écrit, cette Boussole mêle avec virtuosité les souvenirs personnels du narrateur avec des diversions pertinentes plus ou moins approfondies mettant en scène tous ces prestigieux orientalistes. Un musicologue autrichien spécialiste de l’influence de l’Orient sur la création occidentale, reclus dans son appartement viennois, s’interroge à propos d’un texte que lui a envoyé de Malaisie par la poste sa chère et tendre amie, alors qu’il était sans nouvelles depuis plusieurs semaines. A cette occasion, il relit tous les documents qu’il a en sa possession écrits par cette belle et brillante universitaire orientaliste, amour inaccessible, voyageuse insaisissable, et se remémore les nombreux souvenirs qu’ils ont partagé en Orient, à Vienne ou à Paris. Touchante histoire d’amour, ce roman passionnant, qui bouscule les codes de narration, est truffé d’anecdotes historiques sur les plus grands créateurs et savants des trois siècles derniers. En plus de nous avoir rendus plus érudits une fois le livre refermé, Boussole donne un merveilleux coup de projecteur sur l’Orient, loin de l’image simpliste renvoyée par les médias.

                                                                                                                   

Boussole – Un roman de Mathias Enard – Actes Sud – 378 pages – 21,80 €.

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Hédi Kaddour - Les prépondérants

Publié le par Michel Monsay

Hédi Kaddour - Les prépondérants

Magistrale fresque d’un Maghreb colonial qui se fissure

 

Prix Goncourt du premier roman en 2006, Hédi Kaddour est un jeune romancier de 70 ans qui nous offre aujourd’hui l’un des plus beaux textes de la rentrée, couronné par le Grand prix du roman de l’Académie française. Egalement poète, ce professeur agrégé de lettres a passé sa vie à enseigner la littérature française et l’écriture au sein de grandes écoles comme Sciences-Po ou l’Ecole normale supérieure. Avec ce magnifique nouveau roman, il nous plonge dans le Maghreb des années 1920 sous protectorat français, mais aussi dans l’Allemagne humiliée qui se remet difficilement de la défaite et de la présence française arrogante et quasi colonisatrice sur son sol, donnant ainsi du grain à moudre au nationalisme naissant d’un certain Hitler. Ou encore dans l’Amérique hollywoodienne qui hésite entre puritanisme et liberté des mœurs. Il s’agit bien d’un roman-monde d’une ampleur remarquable, où des femmes commencent à se faire entendre chacune à la mesure du pays où elle vit, où des colonisés commencent à rêver d’indépendance, où des colons s’agrippent sans états d’âme à leurs privilèges. Plusieurs protagonistes de même importance, français, arabes, américains, se côtoient plus ou moins intimement dans ce roman passionnant, témoin d’un choc de cultures, de mœurs, de convictions, mais aussi d’histoires d’amour consommées ou silencieuses. En 1920 dans la capitale du Maroc ou de la Tunisie, l’auteur ne le précise pas, nous faisons la connaissance d’une jeune et jolie veuve revenue vivre chez son père, grand bourgeois et ancien ministre du Souverain, après la mort de son mari sous un obus en Champagne quatre ans plus tôt. Cette femme érudite, en avance sur son temps et qui refuse de se soumettre à la loi des hommes, part diriger la propriété de 900 ha de son oncle dont la femme est gravement malade, près d’une petite ville du Sud. Après le décès de celle-ci et de son mari quelque mois plus tard, la jeune femme convainc son père de la laisser régir ce domaine agricole assez lucratif, pour continuer cette vie qui lui convient parfaitement. Elle se prend au jeu et cherche à s’agrandir mais un colon qui est le plus riche propriétaire de la région obtient la parcelle qu’elle voulait acquérir. En assistant au procès de paysans émeutiers qui voulaient défendre leurs terres, elle fait la connaissance d’une journaliste parisienne. Rapidement d’autres personnages s’ajoutent à la trame, notamment un brillant bachelier, fils du chef militaire local ainsi qu’une actrice américaine et son mari réalisateur venus tourner un film d’aventures exotiques avec toute leur équipe. Cette arrivée fait basculer ce roman époustouflant dans un monde où les certitudes des uns se lézardent, et où les autres apprennent à se connaître dans la confrontation ou la séduction.

 

                                                                                                                      

Les prépondérants – Un roman de Hédi Kaddour – Gallimard – 460 pages – 21 €.

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Laurent Binet - La septième fonction du langage

Publié le par Michel Monsay

Laurent Binet - La septième fonction du langage

Savoureuse intrigue policière dans les milieux intellectuels et politiques

 

Lauréat du prix du roman Fnac en attendant peut-être d’autres récompenses, l’ouvrage de Laurent Binet est sans discussion l’une des plus belles surprises de cette rentrée littéraire. Après HHhH en 2010, prix Goncourt du premier roman et traduit dans 40 pays, cet auteur de 43 ans, qui a été prof agrégé de lettres, confirme un très grand talent en signant un livre remarquable d’intelligence où l’humour n’est pas en reste. Si l’alchimie fonctionne aussi bien entre la réalité et la fiction dans ce roman, nous le devons au minutieux travail de l’enquêteur Laurent Binet, qui a besoin de maîtriser totalement le contexte dans lequel il situe son histoire, et n’hésite pas pour cela à se documenter de manière obsessionnelle. Il revisite ainsi le tout début des années 80 à Paris et en Italie, à la fois sur le plan politique mais surtout dans le microcosme intellectuel, au travers d’une plume savante, pédagogique, ludique et très souvent  moqueuse à l’endroit de certains philosophes, écrivains et politiciens. En ce 25 février 1980, Roland Barthes sort d’un déjeuner avec François Mitterrand et marche d’un bon pas mais sans être très attentif pour rejoindre son bureau, quand soudain il est percuté par une camionnette. L’auteur nous explique alors ce qu’est la sémiologie, avant de nous emmener au chevet du célèbre sémiologue, qui a été transporté aux urgences de la Salpêtrière où un commissaire des Renseignements généraux mandaté par le Président Giscard démarre une enquête. Tout en analysant le pouvoir du romanesque, du langage, les limites entre la fiction et la réalité, Laurent Binet nous offre un thriller d’une incroyable richesse tout à la fois drôle, palpitant, insolent, jubilatoire, regorgeant de scènes d’anthologie et qui nous cultive autant qu’il nous amuse.

                                                                                                                     

La septième fonction du langage – Un roman de Laurent Binet – Grasset – 495 pages – 22 €.

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La vie comme elle vient

Publié le par Michel Monsay

La vie comme elle vient

Cette romancière de 49 ans possède un parcours à part dans la littérature française, elle a en effet exploré de nombreuses formes d’écriture, du roman pour enfants, aux nouvelles, essais, pièces de théâtre, tout en étant également une brillante traductrice de l’anglais. Elle revient à la fiction avec ce remarquable roman qui sera assurément l’un de ceux dont on parlera le plus en cette foisonnante rentrée littéraire. Le grand bonheur de lecture que l’on ressent en suivant les péripéties d’une jeune femme au début du XXème siècle à Paris, tient autant au style d’Agnès Desarthe qu’à l’histoire en elle-même. D’abord la construction de ce roman, faite d’ellipses, de retours en arrière, de rebondissements, est admirable de fluidité. Quant à l’écriture, sensuelle, tantôt légère tantôt plus grave, elle nous enchante par ses associations, ses images, sa poésie, sa précision. A la fois roman d’apprentissage et fresque familiale, l’arrière-plan est par moments très présent avec l’affaire Dreyfus, la guerre de 14-18, les années folles, la naissance du féminisme. Tout commence au Danemark en 1887, où un capitaine français de 27 ans vient rencontrer sa promise, la benjamine d’une grande famille danoise. Après une promenade en barque où la jeune femme très séduisante se révèle provocante et fantasque, l’officier fait la connaissance de sa future belle-mère. Cette femme est devenue énorme à force de se gaver de desserts pour noyer son chagrin, causé par l’épidémie de choléra qui a emporté quatre de ses enfants quinze ans plus tôt. Leur entrevue en deux temps à la fois assez inattendue et cocasse aboutit à l’assentiment au mariage, qui donnera 19 mois plus tard la naissance de Rose. Cette œuvre d’un romanesque éblouissant, peuplée de personnages très bien dessinés, nous emporte avec finesse et un vrai sens de la dramaturgie où l’humour est présent, sur les traces de Rose et de son destin mouvementé.

                                                                                                                   

Ce cœur changeant – Un roman d’Agnès Desarthe – Editions de l’Olivier – 337 pages – 19,50 €.

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Comédie humaine dans un Pérou en plein boom

Publié le par Michel Monsay

Comédie humaine dans un Pérou en plein boom

Quel bonheur de se plonger dans le dernier roman de Mario Vargas Llosa, le premier que le grand écrivain ait écrit depuis le Prix Nobel de littérature reçu en 2010. A 79 ans, il n’a rien perdu de son immense talent de conteur, de chroniqueur lucide et caustique d’une société péruvienne en pleine mutation, et de maître du bouillonnement romanesque en alternant deux histoires parallèles aussi captivantes l’une que l’autre. La peinture qu’il nous livre de son pays laisse entrevoir une pauvreté qui semble avoir quelque peu reculé, mais avec le développement économique sont venus se greffer une corruption, des mafias locales, des valeurs morales vacillantes notamment auprès de la jeune génération, et une presse qui ne s’intéresse qu’aux faits divers. Malgré cet arrière-plan au constat mitigé, les deux principaux protagonistes de ce magnifique roman ont quelque chose d’héroïque, d’admirable, un héroïsme ordinaire, invisible, notamment l’un d’eux capable de dire non au chantage même lorsqu’un danger de mort le guette. Il ne faut pas croire pour autant qu’il s’agit d’un roman noir, sinistre, bien au contraire il est truculent, l’humour y est souvent présent, et il est surtout remarquablement écrit et construit. Le patron d’une entreprise de transport à Piura dans le Nord du Pérou, un homme intègre, droit, qui s’est fait tout seul à force de travail, découvre un matin une lettre clouée sur sa porte, dans laquelle une organisation sans-doute mafieuse lui propose la protection de son entreprise fleurissante contre la somme de 500 dollars par mois. Il va porter plainte au commissariat pour cette tentative de racket, puis rend visite à une amie qui a des dons de voyance et en laquelle il a une confiance totale pour ses conseils toujours avisés. C’est là le point de départ d’une des deux intrigues que l’on suit avec la même jubilation alternativement d’un chapitre à l’autre. Les deux histoires, truffées de nombreux rebondissements, oscillent entre vaudeville et drame sous la plume virtuose d’un grand monsieur de la littérature.

                                                                                                                     

Le héros discret – Un roman de Mario Vargas Llosa – Gallimard – 479 pages – 23,90 €.

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Etourdissant portrait d’une Amérique en décomposition

Publié le par Michel Monsay

Etourdissant portrait d’une Amérique en décomposition

Maître incontesté du roman noir, James Ellroy sort un magistral quatorzième roman qui nous plonge dans la fureur de sa ville fétiche, Los Angeles, en décembre 1941 au moment de l’attaque de Pearl Harbour qui va précipiter les Etats-Unis dans la guerre. A 67 ans, l’écrivain américain a certainement gagné en fluidité et en clarté, sans perdre son écriture cinématographique qui a le pouvoir de nous transposer instantanément au cœur de son histoire. Ce roman d’une richesse, d’une densité impressionnante, suit la trajectoire de quatre héros masculins et féminins, admirablement écrits, et de très nombreux personnages réels et fictifs qui gravitent autour. Ils ne sont jamais faits d’un seul bloc, l’écrivain explore leurs failles, leurs vices, leur romantisme. Malgré toutes ces histoires parallèles, tous ces points de vue qui s’entrecoupent ou divergent, on ne s’y perd jamais, c’est du grand art. James Ellroy, qui aime vivre dans le passé et refuse de s’intéresser à notre époque, a une incroyable faculté à inventer le Los Angeles de 1941 sans pervertir l’Histoire. Il y règne une corruption généralisée, une cupidité, une immoralité, un antisémitisme et une xénophobie caractérisés, l’auteur allant même chercher des personnages aux déviances sordides. En préambule, une émission de radio nauséabonde où un pasteur et politicard américain fasciste explique à sa manière l’imminence de la guerre. Puis, nous retrouvons deux scientifiques du laboratoire de la police de L.A. en planque devant un drugstore qui a subi plusieurs braquages récemment. L’un deux, d’origine japonaise, a conçu un bidule photographique à déclenchement automatique très ingénieux, qu’il a installé devant le drugstore. Ils assistent à un nouveau braquage, mais n’étant pas policiers n’interviennent pas. Commence alors une enquête plutôt tranquille au regard de ce qui va suivre tout au long de ce roman passionnant, dérangeant, inoubliable. On n’en perd pas une miette, on en redemande même malgré la taille imposante de cette comédie humaine gouvernée par le désir et l’argent. Bonne nouvelle, une suite est déjà à l’écriture pour former au final un nouveau quatuor de Los Angeles après celui du fameux Dahlia noir il y a 25 ans.

 

                                                                                                                      

Perfidia – Un roman de James Ellroy – Editions Rivages – 829 pages – 24 €.

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Un pur roman noir sans complaisance

Publié le par Michel Monsay

Un pur roman noir sans complaisance

Jeune écrivain écossais d’une trentaine d’années, Malcom Mackay clôt ici une trilogie qui a valu à son auteur bien des éloges. Ce dernier roman, qu’on se le dise, pouvant être apprécié à sa juste valeur sans avoir lu les deux premiers. Point de héros dans cette histoire, ni du côté de la mafia ni de celui de la police, le romancier dessinant ses personnages avec une certaine froideur, tout en auscultant chaque geste, chaque comportement, leurs interrogations, leurs calculs, leurs doutes, leurs peurs. Derrière une écriture sèche, précise, composée de phrases courtes, il dépeint le crime organisé sans glorifier qui que ce soit, simplement des hommes avides d’argent et de pouvoir. Cela change de bon nombre de polars fascinés par la mafia ou pour le moins indulgents avec elle, et le résultat est d’autant plus glaçant, impressionnant. Après une séquence d’ouverture qui nous plonge directement dans la noirceur de ce roman, l’intrigue va s’épaissir, avec plusieurs personnages dont nous allons suivre les faits, gestes et manigances, dans un crescendo admirablement bien construit. L’action se déroule à Glasgow, un comptable de 61 ans qui a une clientèle de petits chefs d’entreprise honnêtes en apparence, pour lesquels il arrange parfois les comptes, finit un peu tardivement sa journée. En allant récupérer sa voiture sur le parking, deux policiers lui demandent de le suivre au commissariat pour lui poser des questions. Chemin faisant, il se rend compte que la voiture ne prend pas la direction du commissariat, et n’est plus tout à fait sûr qu’il s’agisse de policiers. Ce roman, qui devient rapidement addictif, nous entraîne dans l’univers glauque de la pègre que l’auteur retranscrit et analyse minutieusement, comme cela a rarement été fait jusqu’à présent. C’est à la fois très juste, épuré, et pourtant l’émotion est bien présente dans ce polar haletant.

 

                                                                                                                   

Ne reste que la violence – Un roman de Malcom Mackay – Editions Liana Levi – 337 pages – 19 €. 

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Un futur apocalyptique

Publié le par Michel Monsay

Un futur apocalyptique

Beaucoup pensent que le Prix Médicis, attribué à Antoine Volodine, est certainement le plus mérité des prix littéraires 2014. A 65 ans, ce romancier à l’œuvre déjà conséquente dans laquelle il a créé un univers à part entière à la fois imaginaire, poétique et politique que l’on retrouve au fil de ses romans, reçoit ce prix avec bonheur comme l’aboutissement de 30 années d’écriture. D’une très grande originalité, ce roman d’anticipation nous plonge dans un monde apocalyptique où les accidents nucléaires et les guerres ont eu raison d’une grande partie de l’humanité. Cette originalité tient autant dans la construction narrative que dans l’histoire en elle-même, étonnant mélange de conte, d’onirisme débridé, de chamanisme effrayant, et de noirceur parfois teintée d’humour. Il faut ici abandonner toute logique et se laisser porter par cette envoûtante odyssée, où l’écrivain nous emmène avec virtuosité autant dans des univers parallèles où la frontière entre la vie et la mort est devenue très poreuse, que dans des espaces bien plus réels détruits par les mauvais choix de l’humanité. Deux hommes et une femme, suite à la chute de la deuxième Union Soviétique égalitariste pour laquelle ils ont combattu, se sont réfugiés dans les immenses territoires vides de Sibérie totalement irradiés par des accidents nucléaires. Après 29 jours de marche, les rayonnements ont transformés les trois camarades en sorte de zombies, surtout la femme dont la vie ne tient plus qu’à un fil. Alors qu’ils n’ont plus ni nourriture ni eau, l’un deux voit au loin de la fumée qui pourrait peut-être venir d’un village, et décide de s’y rendre malgré l’épuisement, un train avec des soldats non loin d’eux et une forêt très dense à traverser. Ce roman incomparable se vit comme une expérience unique, dans ce qui pourrait être le futur de l’Humanité ou simplement l’incroyable imaginaire d’Antoine Volodine.

 

                                                                                                                      

Terminus radieux – Un roman d’Antoine Volodine – Editions du Seuil – 617 pages – 22 €. 

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Le destin gâché d’une femme remarquable

Publié le par Michel Monsay

Le destin gâché d’une femme remarquable

Ce magnifique roman est l’une des plus belles surprises de la rentrée littéraire. A 49 ans, Eric Reinhardt est au sommet de son art, celui de mêler on ne peut plus habilement réalité et fiction en s’incluant dans l’exercice. Il n’est pas question ici d’une autofiction classique, même si le roman est écrit par moments à la première personne et si l’auteur apparaît à plusieurs reprises dans l’intrigue, il s’agit bien plus d’un bouleversant portrait de femme. Si cette histoire nous touche autant, au-delà des intolérables faits relatés, c’est aussi dû à l’écriture empreinte de poésie, de romantisme, au style à la fois d’une grande précision jusque dans les détails et d’un usage de la métaphore qui touche à la perfection, enfin à une remarquable construction qui maintient une émotion constante de la première à la dernière ligne. C’est la colère qu’il ressent face à des destins empêchés qui motive souvent Eric Reinhardt à prendre sa plume. La rencontre avec des lectrices victimes d’harcèlement conjugal lui a inspiré son 6ème roman, véritable descente aux enfers entrecoupée de rares moments de plénitude. Le livre démarre justement lorsqu’Eric Reinhardt reçoit une merveilleuse lettre d’une lectrice, qui le touche profondément. Commence alors une correspondance de la même teneur entre l’écrivain et cette femme professeur de français dans un lycée de Metz, jusqu’à une première rencontre dans un café du Palais-Royal à Paris. Ils y parlent du dernier livre de l’auteur et à travers ce que cette lectrice lui raconte de son ressenti, Eric Reinhardt commence à entrevoir les problèmes qui empêchent cette femme d’être heureuse, qu’elle lui révèlera lors d’une deuxième rencontre quelques mois plus tard. Par un processus d’écriture d’une grande originalité, l’écrivain nous offre un roman poignant, un personnage inoubliable, un témoignage précieux sur le harcèlement conjugal, dont on ne sort pas indemne.

 

                                                                                                                      L’amour et les forêts – Un roman d’Eric Reinhardt – Gallimard – 366 pages – 21,90 €. 

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