L’Orient source d’inspiration inépuisable
Couronné par le prix littéraire le plus convoité, le Goncourt, Mathias Enard rend un vibrant hommage à l’Orient dans son sixième roman avec ça et là des échos très mélancoliques qui renvoient aux exactions d’aujourd’hui en Syrie et ailleurs. Son Orient est celui qui a tant inspiré les plus grands musiciens, écrivains, peintres, savants et aventuriers occidentaux. Cet ancien orientaliste de 43 ans qui a énormément voyagé et vécu dans plusieurs pays du Moyen-Orient, tout en étudiant l’arabe et le persan, se sert de son impressionnante érudition en la matière pour nous emmener sur les traces de tous ces prédécesseurs partis découvrir l’ailleurs avec toutes ses différences et ses richesses. Roman foisonnant admirablement écrit, cette Boussole mêle avec virtuosité les souvenirs personnels du narrateur avec des diversions pertinentes plus ou moins approfondies mettant en scène tous ces prestigieux orientalistes. Un musicologue autrichien spécialiste de l’influence de l’Orient sur la création occidentale, reclus dans son appartement viennois, s’interroge à propos d’un texte que lui a envoyé de Malaisie par la poste sa chère et tendre amie, alors qu’il était sans nouvelles depuis plusieurs semaines. A cette occasion, il relit tous les documents qu’il a en sa possession écrits par cette belle et brillante universitaire orientaliste, amour inaccessible, voyageuse insaisissable, et se remémore les nombreux souvenirs qu’ils ont partagé en Orient, à Vienne ou à Paris. Touchante histoire d’amour, ce roman passionnant, qui bouscule les codes de narration, est truffé d’anecdotes historiques sur les plus grands créateurs et savants des trois siècles derniers. En plus de nous avoir rendus plus érudits une fois le livre refermé, Boussole donne un merveilleux coup de projecteur sur l’Orient, loin de l’image simpliste renvoyée par les médias.
Boussole – Un roman de Mathias Enard – Actes Sud – 378 pages – 21,80 €.