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Lumière sur la baie des anges

Publié le par Michel Monsay

Lumière sur la baie des anges

Un beau documentaire, précis et incarné par le regard que les artistes ont porté sur cette cité, longtemps italienne. Nice, les artistes et l'azur, c'est un beau titre pour passer la ville des fleurs et des Anglais au fil de ce tropisme particulier qu'est le regard de l'art sur le monde. « Un lieu où la fiction se confond avec le réel. Un lieu où le réel devient image », présente joliment le documentariste Thierry Thomas qui revient sur la naissance de la Côte d'Azur, cette Piémontaise devenue française en 1860 et que le train a créée en 1863 (14 heures depuis Paris). Le Vieux Nice des cartes postales, le casino de la Jetée-Promenade, la rue de Verdun, le tramway qui apparaît place Massena en 1900, est beau comme une scène de Visconti. Lorsque Henri Matisse, l’homme du Cambrésis (Nord), débarque à 52 ans un jour de décembre 1917 à l’hôtel Beau Rivage de Nice avec, pour bagages, une petite valise et une bronchite à soigner, les cieux sont contre lui. Le déluge de vent et de pluie qui s’abat sur la baie des Anges le décourage. Le lendemain, pourtant, devant les persiennes ouvertes, c’est le choc ! Mer et ciel se confondent dans l’infiniment bleu. « Quand j’ai compris que, chaque jour, je reverrais cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur », écrira-t-il plus tard. Matisse est conquis par cette lumière méridionale qui éclabousse sa palette comme celles de Renoir, Monet ou Bonnard, autres artistes convoqués par Thierry Thomas dans ce beau documentaire érudit et léger.  Il y célèbre les amours de la peinture, mais aussi de la littérature, notamment avec le témoignage de sa sœur l’académicienne Chantal Thomas, et du cinéma, avec la Côte d’Azur, piquant de formules palpitantes comme des papillons les images de cette évocation sensible d’une région qui lui est familière. Cet amateur de peinture, réalisateur de plusieurs documentaires et lauréat du prix Goncourt de la biographie en 2020 pour son livre Hugo Pratt, trait pour trait, nous offre ici une plongée lumineuse sur cette ville si belle et si fascinante.

Nice, les artistes et l'azur est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Un polar pas comme les autres

Publié le par Michel Monsay

Un polar pas comme les autres

Après des films à l’atmosphère envoûtante, à la lisière du fantastique comme Pique-nique à Hanging Rock,  puis des ­superproductions comme L’année de tous les dangers, l’Australien Peter Weir frappa un grand coup dès son arrivée à Hollywood avec Witness en 1985. Un film qui reste, trente-huit ans après sa sortie, l’une de ses réussites majeures. La figure du petit garçon témoin d’un meurtre et poursuivi par les criminels est un classique du film noir. Witness l’a ­renouvelée en faisant de l’enfant un amish. Le film a révélé au grand public l’existence de ces chrétiens radicaux qui, aux États-Unis et plus particulièrement dans les campagnes de Pennsylvanie, vivent aujourd’hui encore comme au XVIIIe siècle. Les femmes (robe et coiffe obligatoires) ne travaillent pas (ou, alors, à la maison ou aux champs), les maisons n’ont ni électricité ni téléphone et les voitures sont tirées par des chevaux. Peter Weir décrit minutieusement les rites de cette communauté puritaine et non-violente, sans les ridiculiser, plusieurs scènes montrent même l’entraide indéfectible entre ses membres. En 1985, Harrison Ford est une superstar grâce à ses rôles dans Star Wars et Les aventuriers de l’arche perdue. Witness l’a aidé à montrer aux décideurs hollywoodiens qu’il était capable de jouer autre chose qu’un pilote de l’espace ou un explorateur à fouet dans des blockbusters. Face à lui, la belle et émouvante Kelly McGillis, qui n'a pas eu ensuite la carrière à laquelle elle aurait pu prétendre. Peter Weir, avec un sens parfait de la dramaturgie, un œil unique pour les paysages, et en évitant  les clichés, fait de ce polar un poème lyrique très touchant.

Witness est à voir ou revoir ici pour 3,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Impressionnant aveugement amoureux

Publié le par Michel Monsay

Impressionnant aveugement amoureux

Un récit percuté par l’histoire géopolitique du XXIe siècle naissant. Par petites touches pudiques, il dessine, entre certitudes sentimentales et doutes vertigineux, le désarroi puis la détresse de son héroïne, sans jamais forcer le trait psychologique ni appuyer son coup de théâtre final. C’est le portrait impénétrable de quelqu’un qui ne change pas au côté de quelqu’un qui se transforme. Au fil d’un scénario habilement tissé, qui évolue de la comédie romantique au drame psychologique à suspense, la jeune réalisatrice allemande Anne Zohra Berrached ­raconte cinq années de la vie d’un couple où l’amour est confronté, mais aussi résiste, aux secrets, aux non-dits et au déni. La force de Ce qui reste est de s’en tenir exclusivement au point de vue de son héroïne et à son attitude ambiguë vis-à-vis de son compagnon : meurtrie par la radicalisation progressive de celui-ci, la jeune scientifique se révèle incapable de regarder toute la réalité en face, convaincue d’un retour possible au bonheur malgré tout. Cette chronique sensible de l’aveuglement amoureux, mise en scène avec une grande sensualité, doit aussi à ses comédiens, Roger Azar, séduisant par son opacité, et, surtout, Canan Kir, touchante jusque dans les contradictions de son personnage.

Ce qui reste est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Le portrait sensible d'un artiste qui nous manque énormément

Publié le par Michel Monsay

Le portrait sensible d'un artiste qui nous manque énormément

Derrière l’énergie solaire de Douce France (en 1986) et de Ya Rayah (en 1993), la personnalité radieuse de Rachid Taha éclaire ce portrait poignant d’un artiste mort prématurément voilà exactement cinq ans à six jours de ses 60 ans. Thierry Guedj signe un beau documentaire sur cet autodidacte, chanteur engagé et libre-penseur, qui a exporté sa musique dans le monde entier. Dans un film nourri d’archives originales et d’entretiens de proches, Thierry Guedj, qui a déjà signé les portraits de Prince et de Claude Nougaro, revient sur le parcours atypique de Rachid Taha. Débarqué de son Algérie natale à 10 ans à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, ce fils d’ouvrier découvre la littérature à l’adolescence, en faisant du porte-à-porte pour vendre des livres. Quelques années plus tard, alors qu’il travaille à l’usine Therm’x de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise, il rencontre les frères Amini. Ensemble, ils fondent Carte de Séjour, un groupe de rock aux influences métissées. Boycottée par les radios car jugée trop arabisante, leur musique, qui parle aux jeunes des quartiers populaires, s’impose dans les circuits underground et les réseaux associatifs. Jusqu’à ce qu’une reprise un brin ironique de Douce France de Charles Trenet ne les fasse connaître du grand public, dans un pays où exclusion et violences racistes explosent. De la grande Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 à l’énergie black-blanc-beur de la Coupe du Monde 1998, Rachid Taha va produire la bande originale d’une France aux prises avec la montée du FN, et devenir une icône pour la jeunesse issue de l’immigration. Mais des pentes de la Croix-Rousse au boulevard Barbès, puis à Londres où il s’associe avec le producteur Steve Hillage (il en résultera six albums dans lesquels il n’hésite pas à aller fureter du côté de la musique électro), l’artiste refusera toujours d’être enfermé dans le rôle de porte-parole d’une communauté, préférant aller faire résonner ses morceaux aux quatre coins du monde pour y trouver la reconnaissance qu’il méritait ô combien en tant que musicien. Ce documentaire d’une grande tendresse nous installe à ses côtés, comme assis à sa table, savourant son sens de la repartie et son appétit pour la vie. Son charisme éclate autant sur scène que lors d'interviews où il est naturellement sans forcer le trait le porte-voix de l’antiracisme. Si tout le monde connait le fabuleux Ya Rayah, le répertoire de Rachid Taha regorge de sublimes chansons dans lesquelles il a merveilleusement marié le rock, l'électro et la musique orientale, que l'on a toujours un bonheur infini à découvrir ou redécouvrir sur les dix albums qu'il a enregistrés durant sa carrière.

Rachid Taha, rockeur sans frontières est à voir ici ou sur le replay de France 5.

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Un polar monumental

Publié le par Michel Monsay

Un polar monumental

Il y a un avant et un après Heat, en matière d’usage à l’écran des armes à feu, le niveau de méticulosité et de perfectionnisme dont a fait preuve Michael Mann a été tel que certaines scènes ont servi ultérieurement de modèle, aussi bien à de vrais braqueurs qu’à des instructeurs de l’armée américaine. Heat s’est imposé au fil des ans comme un chef-d’œuvre auprès d’un nombre incalculable de cinéastes, signant des succédanés plus ou moins navrants. On pourrait croire que Heat est surtout un thriller glacé et violent. Or c’est aussi une œuvre d’un lyrisme poignant, empreint d’un romantisme noir. Un paradoxe de plus, qui témoigne de sa richesse. Il décrit un monde où les hommes ne sont nullement des héros triomphants, mais plutôt des fantômes accros à leur métier, des monstres d’orgueil enfermés dans une logique meurtrière, fuyant, se cachant en permanence. Ce qui peut les révéler, les faire dévier de leur voie mortifère, en un mot les ramener à la vie ? Les femmes. Fortes, décidées, courageuses. Ce sont elles qui font tomber les masques. Elles sont au second plan, elles n’en sont pas moins essentielles. Une marginalité en opposition au système constitue l'essence même de tous les personnages des films de Michael Mann, depuis Le solitaire interprété par James Caan jusqu'au Tom Cruise de Collateral en passant par le Russell Crowe de Révélations ou encore le Will Smith d'Ali. Les deux protagonistes de Heat n'échappent pas à cette règle puisqu'on trouve d'un côté le flic et son troisième mariage qui bat de l'aile, et de l'autre, le voleur qui ne souhaite désormais plus qu'une chose, se ranger et partir pour les îles aux côtés d'une femme récemment rencontrée qui le fascine. C’est le mélange rare d’hyperréalisme et de sophistication visuelle, de matérialisme et d’abstraction qui donne à Heat sa force irrésistible, auxquels on peut ajouter les qualités narratives, la performance fascinante des acteurs, notamment l’affrontement de deux monstres du cinéma, Al Pacino et Robert De Niro, et bien sûr la mise en scène exceptionnelle de Michael Mann.

Heat est à voir ou à revoir ici pour 3,99 € en location ou ici sur Netfix.

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Palpitante série d'espionnage teintée d'humour noir

Publié le par Michel Monsay

Palpitante série d'espionnage teintée d'humour noir

Slow Horses n’est pas seulement une série d’espionnage avec tout ce qu’il convient d’action, d’enjeux géopolitiques majeurs et de mise en cause de la toute-puissance des services secrets sur la scène internationale. Elle fait aussi pour la première la première fois une incursion dans l’univers du second degré et de la comédie noire, par sa construction même autour de déclassés d’un système supposé sans faille. En résulte une œuvre d’autant plus critique qu’elle est drôle, alors même que le nœud de l’intrigue repose sur un postulat très sérieux. L’écriture est maîtrisée. La réalisation est soignée. L’interprétation est impeccable avec le génial Gary Oldman, mais aussi Kristin Scott Thomas et Jack Lowden notamment, qui sont totalement investis dans leur personnage. Un peu de satire politique, beaucoup de jeux de miroirs dans la grande tradition de la littérature d’espionnage britannique, et quelques séquences spectaculaires, font le sel de Slow Horses. Will Smith (scénariste homonyme du comédien oscarisé en 2022) y insuffle un vent de fraîcheur séduisant au genre en jouant subtilement la carte de l’humour noir. Il prend un malin plaisir à démontrer tout au long des deux saisons de cette série ambitieuse et originale que, dans un espace saturé de data et de vidéosurveillance, rien ne vaut l’expérience du terrain, la roublardise et le flair. En plus la chanson du générique est écrite et interprétée par Mick Jagger.

Slow Horses est à voir ici sur Apple Tv pour 6,99 € un mois d'abonnement sans engagement ou durant l'essai gratuit de 7 jours.

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Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Publié le par Michel Monsay

Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Hanté par le tragique mais sans cesse secoué par sa vitalité, Le serment de Pamfir a l’ampleur d’un récit biblique qui se métamorphoserait en polar. Le chaos n’est jamais loin et la trajectoire maudite, dont le magnifique Pamfir cherche à se défaire à toute force, est implacable. Le premier long métrage de l'ukrainien  Dmytro Sukholytkyy-Sobchukun est un film de genres qui mêle avec habileté mais sans aucun artifice les décors de l’Europe de l’Est et les codes du western, le folklore à la tragédie, le mythologique au politique, le film noir et la comédie. Le cinéaste passe d’un genre à l’autre, non pour faire une démonstration de virtuosité, mais pour servir la dramaturgie de ce film à la fois limpide et puissant. Tourné à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie juste avant l’invasion russe, Le serment de Pamfir frappe d’ores et déjà à coups redoublés à la porte de l’Europe. Dans une région de contrebande intense, le film met en scène le retour au village d’un rude père de famille, parti à l'étranger gagner l’argent de son foyer. Sans jamais tomber dans l’esthétisation vaine, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk parsème le film de tableaux aux frontières du réel, dévoilant un théâtre hostile et sauvage, tout en bois, boue et brume. La force de conviction du Serment de Pamfir, son pouvoir d’entraînement, est de ne pas s’embarrasser d’explications, de ne pas traîner en route, d’avancer de manière irrésistible, fût-ce vers le pire. Filmé en longs et sinueux plans-séquence, englué dans la boue du village et l’obscurité primitive des bois, le récit, en son mouvement profond, marche vers la lumière. Il confère aux personnages qui le peuplent et qui s’y affrontent un statut qui les grandit, les transcende. Ils deviennent les personnifications d’une nation ukrainienne qui affirme avec de plus en plus de force, au risque de sa souveraineté et de son existence même, sa volonté de sortir de la sphère d’influence de la Russie. Telle est la grande force de Dmitro Sukholytkyy-Sobchuk. D’avoir su donner à un simple film de genre la résonance d’une mythologie politique. Ce remarquable premier film séduit par sa mise en scène virtuose et la performance incandescente de son interprète principal.

Le serment de Pamfir est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Publié le par Michel Monsay

Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Avec une gravité nouvelle dans sa filmographie, Julie Delpy transforme en drame touchant au fantastique la débâcle d’un couple qui se déchire autour de la garde de sa fille. Dans un parcours, aussi affranchi, aussi libre, aussi atypique que celui de Julie Delpy, chaque nouveau projet semble frappé d’une énergie renouvelée et invincible, fascinante et inclassable. Entre Paris et Los Angeles, où elle vit, son cinéma depuis ses débuts en tant que réalisatrice est bilingue, à l'image des autofictions comme Two Days in New York ou Two Days In Paris, qui la mettent en scène, tel un double trompeur d’elle-même. Il y a toujours chez elle un jeu avec le moi, un narcissisme paradoxal, entre impudeur et fragile nécessité de se livrer. Mais c’est en abordant un sujet a priori moins introspectif, avec l'excellent La Comtesse, que Julie Delpy se livrait peut-être le plus. Cette revisite de la légende noire d’Erzebeth Bathory trahissait un portrait en creux de l’actrice, face à ses angoisses, sa peur de vieillir, le regard sur le temps qui passe. Démythifiant le vampire pour y retrouver la femme, elle évoquait également comment se construisent les contes gothiques et les mensonges lorsqu’une femme à forte personnalité prend soudain trop de place dans un monde d’hommes dominants. My Zoé semble fusionner toutes les inspirations de la cinéaste entre l’amour de l’intime, du cinéma-vérité et ses accointances avec l’imaginaire et le fantastique. Très adroitement Julie Delpy divise son film en trois parties distinctes sans jamais cependant mettre en péril son équilibre, son harmonie. Le film respire une forme de douceur insidieuse, inquiète, dès sa mise en place du décor qui alterne entre beauté de la complicité mère/fille et confrontation extrêmement tendue entre les parents séparés. Sans occulter l’enjeu moral, la cinéaste écarte et dépasse les obstacles sacrilèges, moins intéressée par les dangers de la science que par le lyrisme discret qu’elle infuse à My Zoé, bouleversante variation autour de l’amour indéfectible, infini, immortel. Pour Julie Delpy, rien n’est au-dessus d’un cœur qui bat. Il y a quelque chose de résolument romantique dans la démarche même de ce film, dans sa beauté transgressive où le recours au fantastique fait se rejoindre les contraires, où l’impensable et le condamnable peuvent se métamorphoser en acte miraculeux. Atypique et atemporel, My Zoé affirme plus que jamais le pouvoir de l’imaginaire et du cinéma, d’un art au secours du réel, où seule la fiction s’avère capable de venger la mort, de soigner les deuils et l’irréparable sentiment de vide. Quelque chose de magique. Cru et frontal, étonnant de bout en bout, le film remue. Et Julie Delpy, bouleversante, parvient à faire ressentir, viscéralement, le lien fusionnel mère-enfant, ce point de rupture où plus rien d’autre ne compte que l’obsession de sentir à nouveau la peau douce et les cheveux d’une fillette adorée. Ce très beau film confirme la précieuse singularité de la réalisatrice actrice dans le paysage du cinéma international.

My Zoé est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Passionnants jeux de pouvoir

Publié le par Michel Monsay

Passionnants jeux de pouvoir

Délocaliser un roman d’Émile Zola dans l’Angleterre victorienne, le mouvement était osé. Mais Bill Gallagher  s’en débrouille si bien que l’on en oublie qu’il nous propose une adaptation d’Au bonheur des dames. De l’œuvre du romancier, il a conservé l’arène puisque The Paradise est le nom du grand magasin central dans sa dramaturgie. Retenu aussi, le thème de la naissance du commerce de masse comme point de bascule de la société. Et enfin celui du dilemme amoureux. Il s’en saisit mais les colore de cette touche si caractéristique des fictions historiques britanniques à la fois classique et pop. La force de cette série réalisée en 2012, mais inédite en France, est sa vitalité. Jamais les jupons, ni les hauts-de-forme ne sont des carcans pour une galerie de personnages immédiatement attachants, interprétés par un formidable ensemble de comédiens. Entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, l’alchimie se révèle parfaite. De même dans la deuxième saison, avec un rare sens de la narration qui donne à la série toute sa puissance, Bill Gallagher poursuit efficacement ce qu’il a entamé dans la première saison. Épisode après épisode, la tension monte. Bien plus qu’une simple ficelle dramaturgique, elle est la caisse de résonance du thème sur lequel il se focalise : l’émancipation des femmes dans le monde du travail. Celles qui travaillent dur pour des salaires peu rémunérateurs, mais le scénario aborde aussi la condition d'autres femmes, ces oisives prisonnières de la cage dorée de leur foyer bourgeois. Les aspirations professionnelles de Denise, un des personnages centraux, son talent pour le commerce et son obstination à briser ce qui ne s’appelle pas encore le plafond de verre figurent les prémices de la lutte féministe en Angleterre. Ascension dans les hautes sphères de la société britannique, changement d'époque avec une aristocratie rentière qui plie face à l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie ayant le sens des affaires, changements sociaux… Tout est décrit avec un superbe sens du détail sous la caméra de Marc Jobst, de quoi faire écho au livre culte d'Émile Zola qui aura réussi à capturer son temps. Cette série en deux saisons déploie tous les atouts d’une séduisante fiction en costumes, sentimentale sans mièvrerie, sociale sans lourdeur démonstrative. La critique de l’immobilisme comme celle de l’arrivisme sont finement distillées au fil d’une intrigue dont la conclusion attendue n’exclut ni les rebondissements, ni les imprévus.

The Paradise est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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L'insubmersible

Publié le par Michel Monsay

L'insubmersible

En finale du Masters 1000 de Cincinnati, un des tournois les plus importants après ceux du Grand Chelem, Novak Djokovic a battu Carlos Alcaraz au terme d'un match d'exception. C'était la revanche de Wimbledon, qui avait vu triomphé l'espagnol, après là aussi un match incroyable. C'est à croire qu'ils ne savent faire que dans l'épique. Carlos Alcaraz et Novak Djokovic ont livré un combat d'une intensité quasi inhumaine sous une chaleur étouffante dimanche soir, le second finissant par l'emporter à sa 5e balle de match. Dans une partie aux multiples rebondissements et au niveau de jeu atteignant des sommets, Novak Djokovic a fini par avoir raison du prodige espagnol en trois sets (5-7, 7-6, 7-6) et quasiment quatre heures de jeu. Entre-temps, le Serbe avait lui-même écarté une balle de match en fin de deuxième acte. C'est son 4e titre cette saison, le 95e de sa carrière et le 39e en Masters 1000 (record amélioré). Un record de plus pour le plus grand joueur de l'histoire, que rien ne semble arrêter. Revenu d'entre les morts après un gros coup de fatigue dans le deuxième set, Djokovic a réussi à le gagner au jeu décisif après avoir sauvé une balle de match. Puis peu à peu, il a repris l'ascendant mental et physique dans le troisième set. Et à force de mettre la pression à la relance, il a fait le break à 3-3 pour prendre à son tour une option sur le titre. La qualité des débats était remarquable, mais on n'avait encore rien vu. A 5-3, visiblement émoussé, Alcaraz a toutefois sauvé deux balles de match sur son service dont la seconde d'un passing de coup droit en bout de course ahurissant. Puis à 5-4, après un immense jeu de plus de dix minutes, il est allé reprendre le service de Djokovic, sauvant deux nouvelles balles de match, dont la dernière sur un coup droit long de ligne supersonique. De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace pour ce joueur qui possède tous les coups du tennis à la perfection et peut-être le jeu le plus imprévisible jamais vu sur un court. En mode survie mais toujours lucide pour aller chercher son destin au filet, il sauvait encore quatre balles de break dans le jeu suivant pour reprendre le score. Encore de retour d'un mini-break initial dans le tie-break décisif grâce à un retour-volée bluffant, le génie aux multiples vies a pourtant fini par céder. Car en face il y avait Djokovic, un monstre de sang-froid d'une précision diabolique à la relance, un mur face aux assauts répétés d'Alcaraz, qui a fini par l'épuiser. Pour ceux qui aiment le tennis, ce match est un pur régal entre deux extraterrestres. Cincinnati ne pouvait pas mieux annoncer l'US Open, qui démarre dans quelques jours. On en salive d'avance.

Alacaraz - Djokovic est à voir ici pour 9,99 €, un mois d'abonnement sans engagement à Eurosport.

Sinon ci-dessous, un résumé de la rencontre :

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