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livres

Un roman plein de souffle, tracé d'une écriture virtuose

Publié le par Michel Monsay

Un roman plein de souffle, tracé d'une écriture virtuose

Ce roman, paru en 2015, a fait sensation aux États-Unis. A l’époque, l’ouvrage a même été élu « roman de l’année » par un critique plutôt inattendu, Barack Obama. Ce livre subversif sur le mariage et la réussite sociale est un vaste roman, de ces romans qui embrassent tout à la fois des destins individuels, creusent en profondeur des personnages, et font la peinture d'une société. Dans la série The affair aux deux géniales premières saisons (et sombrant lamentablement dès la troisième), ce qui faisait la séduction de cette série, au-delà du charme animal de Dominic West, de la vénéneuse Ruth Wilson ou de l’histoire d’adultère, c’était le parti-pris de narration : partager chaque épisode entre deux points de vue, montrer la disjonction dans la perception d’une même scène ou d’une même série d’événements par deux protagonistes de l’histoire. C’est précisément cette structure narrative que suit Les Furies de Lauren Groff. Très intelligemment construit, le roman est bâti en deux temps, en deux actes ("Fortune", et "Furies"), le deuxième ouvrant le rideau sur une série de révélations qui mettent sens dessus dessous ce que l'on croyait être la vérité. On ne s'ennuie pas une demi-seconde, tant l'intrigue ne cesse d'évoluer tout au long du roman, même quand l'on croit déjà tout savoir. Les furies est porté par une prose audacieuse, qui mêle réalisme, métaphores, crochets et parenthèses, vers, théâtre… tout cela avec un hommage au grand Shakespeare, qui hante ce roman éblouissant, sensuel et glaçant comme un Hitchcock. Virtuose des mises en abyme, Lauren Groff enchante et sidère, ne cesse de surprendre en ce qu’elle défait tout ce qu’elle semblait tisser. En combinant trajectoires et rebondissements, elle déterre avec brio, dans une langue organique, riche, scintillante, les secrets de ses deux protagonistes. Ode à l’amour conjugal, roman féministe aux allures de tragédie grecque, Les furies est rempli de questions profondes et lancinantes : qu’est-ce qu’une vie réussie ? Qu’est-ce que la fidélité ? Ce roman drôle et dérangeant, intelligent et culotté, explore sans merci le malentendu qui est à la source de toute histoire d’amour. Lauren Groff a confirmé depuis 2015 toutes les qualités entrevues dans Les furies, son troisième roman, et elle est aujourd'hui à 44 ans l’une des voix américaines les plus originales et talentueuses.

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Magnifique album d'une grande audace graphique

Publié le par Michel Monsay

Magnifique album d'une grande audace graphique

Il y a Charles Baudelaire l'auteur des Fleurs du mal et il y a celle sans qui ce bouquet n'aurait peut-être pas vu le jour. Mademoiselle Baudelaire, c'est l'histoire de Jeanne, la muse du poète maudit.  Jeanne Lemer, Jeanne Duval, Jeanne Prosper, on ne saura jamais vraiment son nom. L'histoire de Baudelaire, c'est elle qui la raconte ici, dans une longue lettre adressée à la mère de Charles, à sa mort. Jeanne était bien plus que la maîtresse. Elle fut lectrice à voix haute. Il lui dictait, elle retranscrivait. Dans ce monde de bohème, Charles est toujours élégant, tiré à quatre épingles. Baudelaire n'est pas un homme heureux. Orphelin de père, il dilapide l'héritage de son père, finit sous tutelle, les huissiers à ses trousses. Mais jamais il ne s'arrête de vivre, de consommer opium, laudanum, de souffrir de la syphilis et d'aimer Jeanne. Baudelaire est un artiste qui réécrit sans cesse, jamais satisfait. Jeanne raconte son Monsieur Baudelaire entre jouissance et passion, jusqu'aux Fleurs du mal. Si l'on en croit ses paroles, sans Jeanne, Charles n'aurait pas été Baudelaire. Le dessinateur et scénariste de bande dessinée, Yslaire, est ici au sommet de son art. Chacune de ses planches est une découverte. Il n'y a pas de codes couleurs pour raconter l'histoire au passé et celle au présent. Il y a des cases et puis parfois une illustration pleine page. Souvent, il y a une couleur matrice en fond et des touches de couleurs dans les cheveux, dans les vêtements, les bijoux. Il y a une alternance de gros plans et de plans plus larges. Lors de la rencontre de Baudelaire et Jeanne, dans la loge d'un théâtre, Baudelaire regarde sa vénus noire, son visage puis ses yeux jusqu'à sa prunelle où son visage se reflète. C'est aussi la patte de cet immense dessinateur. Yslaire incarne ses dessins comme s'il faisait corps avec son œuvre. Comme s'il était possédé littéralement par elle. Il dessine et écrit la mélancolie. Il regarde la muse, le poète, sans jamais les juger. Yslaire montre les mots du poète et son corps dans les bras de sa muse. En même temps qu’une chronique du XIXe siècle, il livre un splendide portrait en creux, extrêmement étayé par des sources documentaires. Dans cette entreprise de réincarnation subtilement tissée, le goût du dessinateur pour les lavis, les teintes sépia et le clair-obscur fait merveille. Sans doute parce qu’il fait écho à un Paris révolu, en robes, chapeaux et toilettes, où le dandysme n’était que l’expression ultime du soin que chacun portait à sa mise. On y découvre un Baudelaire nerveux, fantasque, laminé par l’alcool et plus encore par le mercure, le laudanum et autres « remèdes » censés soigner le « mal de Vénus ». Pourtant, ce qui confère sa singularité à cet album est ailleurs : dans la démesure et les fulgurances graphiques de certaines scènes où, bousculant ­l’ordonnancement des cases et la retenue chère aux biographes, Yslaire se lâche. C’est cru, noir, violent, cauchemardesque, souvent d’un érotisme sans ambiguïté, et surtout incroyablement juste. C'est sans aucun doute le plus bel hommage graphique rendu à l’univers de monsieur Baudelaire et à mademoiselle, enfin réunis.

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Coup de théâtre en Terres australes

Publié le par Michel Monsay

Coup de théâtre en Terres australes

Un enseignant au cœur brisé s’embarque pour l’archipel des Kerguelen, le plus austral des territoires français, où sa vie sera bouleversée. Cet album transporte dans un ailleurs, géographique, temporel, mais également psychologique. Il souligne à quel point l’individu peut être perçu comme un grain de sable à broyer afin qu’il ne grippe pas une certaine mécanique. Installé depuis toujours à La Réunion, le scénariste de bande-dessinée Appollo connaît l’histoire de son île comme sa poche et en tire des albums incisifs et passionnants (La Grippe coloniale, Chroniques du léopard). Avec La Désolation, il quitte cette fois la douceur des tropiques pour une terre inconnue austère et hostile, biotope préservé et coupé du monde, qui abrite une importante faune sauvage. Si la première partie de l’histoire, fourmille de portraits vachards et de situations cocasses entre scientifiques et touristes de l'extrême, la seconde, elle, est totalement inattendue. Il est rare aujourd’hui qu’un scénario prenne autant ses lecteurs par surprise, qu’il les bouscule à ce point. Le dessin est au diapason du scénario, Christophe Gaultier se montrant aussi à l’aise dans les éléments à base documentaire que dans ceux de pure fiction. Il alterne grande précision et éléments esquissés, s’aventurant parfois sur le terrain du grotesque, rendant ainsi pleinement compte de la diversité des atmosphères, situations et enjeux. Épaulé par le dessin ténébreux de Christophe Gaultier, le scénario d’Appollo contracte avec jubilation les ressorts de la fable pour porter le fer dans la plaie béante des atteintes faites à la biodiversité, et interroger quant à la place de l’Homme sur la Terre, sa modernité envahissante et destructrice.

Coup de théâtre en Terres australes
Coup de théâtre en Terres australes
Coup de théâtre en Terres australes

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Délicieuse fable aux confins du réel et de l’imaginaire

Publié le par Michel Monsay

Délicieuse fable aux confins du réel et de l’imaginaire

Atelier Sento. Derrière ce nom qui rend hommage aux bains publics japonais, un tandem d’auteurs dessinateurs, Cécile Brun et Olivier Pichard. Après Onibi, leur récit de voyage dessiné, sorti en 2016, traduit au Japon et récompensé par le Prix international du manga, ces trentenaires passionnés de culture nippone récidivent avec La Fête des ombres. Dans cette bande dessinée en deux tomes, vivants et morts se côtoient au quotidien. Une histoire sensible et émouvante qui se déroule dans cette zone floue où, au Japon plus qu’ailleurs, la réalité se mêle à l’imaginaire. Les dessinateurs se sont beaucoup inspiré des histoires qui circulent dans la région de Niigata. Un pays de montagnes, dépeuplé, aussi rude que nimbé de mystère, où les rencontres sont souvent marquantes. Peinture délicate des sentiments, ce diptyque est également une belle évocation du Japon rural, rythmé par les saisons, loin des clichés habituels et du tourisme de masse. Le dessin est à la fois précis, riche en détails et jeté, plein de fraîcheur avec un trait semi-réaliste, fondé sur l’observation mais spontané, sans trop d’apprêt et coloré ensuite à l’aquarelle. Le style graphique des deux artistes d’Atelier Sento s’apparente aux dessins préparatoires des longs métrages d’animation japonais. Grand bol d’air et vrai bonheur de lecture, La Fête des ombres est un délicat petit bijou dont le récit est habilement structuré sur le cycle des saisons, tout en étant une réflexion intelligente et sensible sur le deuil et le souvenir de ceux qui sont partis.

Délicieuse fable aux confins du réel et de l’imaginaire

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La BD visionnaire d'un dessinateur de génie

Publié le par Michel Monsay

La BD visionnaire d'un dessinateur de génie

A la fin du XXe siècle, son œuvre avait saisi les amateurs de bandes-dessinées, fascinés par son étrangeté, sa pertinence, sa beauté. ­Enki Bilal avait signé Les Phalanges de l’ordre noir, Partie de chasse et la trilogie Nikopol. A l’orée des années 2000, il épatait encore avec la tétralogie Le Sommeil du monstre, riche ouvrage sur la mémoire, qui tournait autour de celle de l’artiste, né en 1951 à Belgrade, en ex-Yougoslavie, émigré en France dix ans plus tard avec sa famille. Avec sa dernière œuvre en trois livres, Bug, le premier sorti fin 2017, le second en 2019 et le troisième en 2022, il s'agit d’une histoire imprégnée de l’air du temps : en 2041, Internet et les outils numériques se crashent partout dans le monde, sans explication, mais un homme semble avoir récupéré dans son cerveau la totalité des informations évaporées. Enki Bilal ironise sur la dépendance des humains à la technologie, met en scène des ados suicidaires depuis qu’ils n’ont plus accès à leurs applications préférées, ou des milliardaires en blocage lévitationnel au-dessus de la plèbe. Il semble jubiler de représenter un chaos international, dans lequel chaque pays tente de doubler l’autre en s’emparant de l’être omniscient. Distillant avec beaucoup de savoir-faire les éléments d'un tableau totalement anxiogène, Enki Bilal déroule un script scénarisé avec brio. Sur le plan graphique, on retrouve le style superbe du grand dessinateur qui nous éblouit depuis 45 ans avec ses magnifiques dessins. Dans cette fable réaliste en trois tomes, en attendant une probable suite, l’humanité est devenue totalement dépendante de l’informatique. Privée de datas, elle en devient idiote. Il évoque aussi le communautarisme, la famille, et la transmission de savoir entre les générations. Une des forces d’Enki Bilal a toujours été de faire saillir, par le trait comme par l’écriture, les manques et les failles du monde. Qui plus est avec un humour et une dérision qui parachèvent la dimension visionnaire. Avec Bug, tout est réuni pour nous fasciner visuellement et nous passionner au fil de l'intrigue.

La BD visionnaire d'un dessinateur de génie
La BD visionnaire d'un dessinateur de génie

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Troublante enquête dans les angles morts de la mémoire

Publié le par Michel Monsay

Troublante enquête dans les angles morts de la mémoire

Dans son septième roman, Monica Sabolo mène en parallèle le récit de l'histoire d'Action directe et celui de sa propre enfance, deux histoires marquées par la violence et la clandestinité. Son enquête sur le groupe terroriste d’extrême gauche a fait resurgir un traumatisme subi dans l'enfance, et plus largement émerger les zones d'ombre, les secrets et le caractère clandestin de sa propre histoire familiale. En se frottant à la violence radicale, assumée, du terrorisme, la narratrice met à jour celle qu'elle a subie, calfeutrée, plus sournoise, plus compliquée à identifier. Dans cette double enquête, Monica Sabolo interroge la question du crime, et celle de la culpabilité et du pardon. Cette romancière délicate, scrupuleuse et profonde, s’approche dans ce livre au plus près de ce qu’elle nomme « le cœur noir de son histoire », autour duquel déjà elle a construit, de façon plus ou moins visible ou subreptice, ses ouvrages précédents. Que cherche Monica Sabolo, tandis qu’elle scrute à n’en plus finir les quelques clichés dont on dispose de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron ? Apercevoir son propre visage d’adolescente bourgeoise, lisse et docile, intérieurement minée par une enfance chaotique et spoliée. Des résonances qui touchent, en fait, toute existence, la vie clandestine étant cette façon que nous avons tous de tenir à distance ces chagrins qui pourraient nous tuer. En mêlant terrorisme et inceste, violence politique et violence domestique, Monica Sabolo nous conduit de sa belle écriture avec dextérité sur les chemins du silence et ceux de la transgression, et nous touche par ses doutes, sa sensibilité, ses maladresses, les questions existentielles qu'elle soulève, la résurrection de sa mémoire enfouie dans un roman sincère et captivant.

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Une incroyable mystification

Publié le par Michel Monsay

Une incroyable mystification

Les livres de Javier Cercas, inclassables, sont toujours à la fois de grandes œuvres littéraires, des documents historiques et des réflexions sur le roman, le réel, l'histoire et la société. L'Imposteur mêle tous ces genres pour faire de l'histoire d'Enric Marco une interrogation sur la sacralisation de la mémoire, des victimes et des héros, et un questionnement sur notre rapport à la vérité. Ce roman sans fiction, pourtant saturé de fiction, est l'histoire d'un homme, qui avant d'être démasqué en 2005, a dupé toute l'Espagne. Au sortir du franquisme, en 1975, cet homme sans relief particulier a réussi à se faire passer pour ce qu'il n'était pas, s'inventant un passé fantasmé de résistant antifranquiste et de déporté, mêlant avec roublardise faits réels et pure invention, qui le conduira notamment à la présidence de la principale association espagnole des victimes du nazisme. En mai 2005, le scandale Enric Marco a secoué l’Espagne. Ce héros national, porte-parole des survivants espagnols de l’Holocauste et figure de la résistance espagnole, se révèle être un imposteur : il n’a jamais connu les camps nazis et n’a pas combattu contre Franco. L'histoire d'Enric Marco ne se résume pas à l'imposture. Pour Javier Cercas, l'histoire de cet imposteur se confond avec celle de l'Espagne contemporaine et son amnésie collective. Ce qu'il entreprend dans ce remarquable livre, est de comprendre comment un homme peut à ce point s'inventer une vie jusqu'à y croire lui-même. Comprendre comment l'Espagne elle-même, au sortir de la dictature, a re­gardé son passé, fascinée autant par le prestige des victimes que par celui des témoins. Comprendre enfin comment Histoire et mémoire, luttant côte à côte pour restituer les faits et combattre l'oubli, peuvent aussi être rivales. Au-delà de l'enquête, Javier Cercas conduit une réflexion sur la littérature. Qu'est-ce qu'un romancier, quelles limites dresse-t-il entre la réalité et la fiction ? Dans ce roman paru en 2015, Javier Cercas s'empare de son sujet avec un mélange de fascination-répulsion, qui bientôt gagne le lecteur stupéfié, pour faire tomber les masques de ce Don Quichotte de notre temps dans une construction en spirale vertigineuse.

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Une merveille de bande-dessinée à la fois drôle et bouleversante

Publié le par Michel Monsay

Une merveille de bande-dessinée à la fois drôle et bouleversante

En 2000, à 31 ans, Marjane Satrapi publie Persépolis 1, son premier ouvrage autobiographique mais aussi la première bande dessinée iranienne publiée en France, compilant des passages de sa vie comme l’instauration du foulard à l’école, ou lorsque son père apprend l’occupation d’étudiants islamistes dans l’Ambassade des États-Unis le 4 novembre 1979. Une dessinatrice inconnue à l'époque, publiée par une maison d'édition indépendante sans marketing ni service de presse, une histoire de guerre et de dictature : le succès immédiat de la bande dessinée de Marjane Satrapi est un formidable pied de nez. Le graphisme particulièrement expressif en noir et blanc interpelle le lecteur. Trois autres volumes suivront en 2001, 2002 et 2003 relatant le renversement de la monarchie des Pahlavi jusqu’à l’instauration et l’évolution de la République islamique. Pour justifier son choix du noir et blanc, Marjane Satrapi parle d’esthétique du contraste: "Dans la bande dessinée, contrairement à l’illustration, les dessins font partie de l’écriture. Ils ne viennent pas accompagner un texte déjà existant, les deux fonctionnent ensemble. A ma connaissance, c’est le seul médium qui propose cette combinaison. Et si vous ajoutez de la couleur ou des décors, ces codes supplémentaires changent le rythme de lecture. Voilà donc la première raison pour laquelle j'ai choisi le noir et blanc. Ensuite, comme mes histoires sont souvent très denses, si le dessin est lui aussi très riche, cela peut devenir excessif. J’essaie d’obtenir une harmonie, je mise sur l’expression." Dans ce chef-d'œuvre de la bande-dessinée, la frontière est ténue entre la satire et l'horreur toute simple, et Persepolis ne cesse de la franchir. De la fin des années 1970 à Téhéran, où Marjane Satrapi, huit ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde jusqu’à son départ définitif pour la France en 1994, on traverse avec elle révolutions, guerre, deuil, exil, mais aussi apprentissage de la vie, puberté, premières amours. Depuis sa sortie, Persepolis a fait le tour du monde, est devenu un classique étudié dans les écoles, et a fait l’objet d’une adaptation au cinéma de nombreuses fois récompensée. Avec sa voix de petite fille et ses souvenirs très visuels, Marjane Satrapi a révolutionné la bande dessinée autobiographique en assumant une posture mi-documentaire mi-intime, qui apprend autant qu’elle émeut. Les quatre volumes de Persepolis sont regroupés dans une intégrale passionnante et incontournable.

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Le contagieux art de la joie de Chantal Thomas

Publié le par Michel Monsay

Le contagieux art de la joie de Chantal Thomas
Le contagieux art de la joie de Chantal Thomas

C'est dans une vague de joie pure que Chantal Thomas nous propose de plonger dans son tout nouveau livre. Il s'agit d'un journal qu'elle a tenu au sortir du confinement. Elle avait déjà raconté dans "Souvenirs de la marée basse" sa passion de l'eau, passion héritée de sa mère Jackie, qui se baignait à Arcachon et avait même un jour crawlé dans le grand canal du château de Versailles. Ici, la nouvelle académicienne nage dans la Méditerranée matin et soir et associe ses bains de mer avec la littérature de Kafka, Patrick Deville, Victor Hugo, Lord Byron,... ou les estampes d'Hokusai. La prose de Chantal Thomas, que l'on a tant aimée dans "Les adieux à la reine" ou "L'échange des princesses", a comme une limpidité d’évidence, souple et souvent joyeuse, mais son sillon dessine aussi un drôle d’accès vers des profondeurs plus tristes de nos vies. Un journal, le genre peut faire un peu peur, quand on sait qu’il s’origine dans l’expérience d’un confinement de sinistre mémoire, au début de l’épidémie de Covid-19, dont les consignations littéraires n’ont pas toujours été très réussies. Heureusement, nous sommes chez Chantal Thomas, dans un parcours presque mira­culeux de grâce et d’intelligence ­lucide, elle évite tous les pièges d’un narcissisme possiblement indécent, en des temps ­assombris. Si on aime comme elle les bains de mer, on comprend à quel point nager peut aussi signifier penser, se mouvoir dans un espace où l’on s’évade, mystérieusement, loin des chronomètres de la natation ou des lourdeurs logiques du présent, et qui a peut-être à voir, de façon essentielle, avec l’expérience de l’écriture. Fraîche académicienne rétive à tout enfermement, elle a été reçue sous la Coupole en juin et j'ai eu le bonheur de la photographier à cette occasion, Chantal Thomas a préféré à l’épée traditionnelle le symbole merveilleux d’un éventail japonais : elle ne fend pas les flots, ainsi, mais les ouvre au vent et au partage, avec la générosité malicieuse d’un poisson d’or.

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Bouleversante épopée dont on ne ressort pas indemne

Publié le par Michel Monsay

Bouleversante épopée dont on ne ressort pas indemne

Dès la première page, l’Américaine Jeanine Cummins sait attraper son lecteur, le tenir en haleine, lui insuffler son rythme et sa peur. C’est tout un monde sauvage et misérable que l'écrivaine nous ouvre. Celui des filles violées par les hommes des cartels et les flics des frontières. Celui des adolescents qui meurent dans le désert. Celui des familles qui se font voler leurs derniers dollars et renvoyer derrière les grilles et les murs mexicains. La romancière sait à la fois décrire des situations politiques, historiques, sociales, et se pencher sur des cas individuels en leur donnant de la chair et de l’émotion. Son talent de conteuse et son long travail de documentation lui ont permis d'écrire ce roman d'une puissance rare, qui a suscité l’appétit de neuf maisons d’édition alors que ses trois premiers ouvrages avaient eu un succès modeste. Au terme des enchères, Jeanine Cummins a signé un contrat à sept chiffres. Son livre s’est écoulé à 1 million d’exemplaires en vingt-deux semaines, et a été encensé par Stephen King comme par Don Winslow, qui a vu en lui « Les Raisins de la colère de notre époque ». American Dirt plonge au cœur d’un voyage de tous les dangers, pour rendre compte de la détermination des exilés qui n’ont plus rien à perdre. D’une écriture fiévreuse mais qui ne tremble pas devant l’horreur de certaines histoires individuelles, Jeanine Cummins décrit précisément les risques encourus par les infortunés voyageurs, comme les mécanismes de solidarité qui se mettent en place, notamment entre les femmes, les plus vulnérables du périple. La romancière déploie ce qu’il faut de pudeur et de colère pour brosser le portrait en creux d’une Amérique qui refuse de regarder en face la détresse de ses voisins, et tenter d'éveiller les consciences.

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