Un portrait de famille bouleversant et drôle
On connaît Christophe Honoré en tant que cinéaste, dont on avait adoré "Plaire, aimer et courir vite" et "Chambre 212" notamment, on connaît moins le dramaturge et l'écrivain mais aussi le metteur en scène de théâtre et d'opéra. Ce génial artiste touche à tout nous offre ici une pièce qu'il a écrite et mise en scène où il convoque les fantômes de sa famille dans un précipité d'émotions entre rire et larmes. C’est un moment comme Christophe Honoré sait en offrir, porté par une grâce, un art du romanesque et une légèreté magnifiques. Rien ne pèse ni ne plombe sous ce Ciel de Nantes pourtant chargé de tragédies familiales et sociales. Il y raconte l’histoire de sa famille maternelle avec le sens subtil d’un Proust d’aujourd’hui, pour qui le cinéma et le théâtre, en dialogue constant, joueraient le rôle occupé par la littérature chez l’auteur de la Recherche. L’enjeu n’est pas tant pour le metteur en scène de raconter son histoire, que de tirer avec sensibilité et humour les fils de ce passé, de voir comment ils se sont tressés, emmêlés, cassés et raccommodés, pour arriver jusqu’à lui et à sa vocation d’artiste. Et tout fonctionne, parce que tout est juste et aérien, merveilleusement bien joué par sept comédiens intenses, dont Chiara Mastroianni pour sa première très réussie au théâtre, parce que Christophe Honoré est aussi un enfant de Jacques Demy et que la fantaisie est au rendez-vous, et qu’il donne à ses personnages une vitalité irrésistible, une lumière. Parallèlement, Le Ciel de Nantes évoque des moments clés de l'histoire du XXe siècle de notre pays, la seconde Guerre mondiale, la guerre d'Algérie, l'évolution de la place des femmes dans la société, l'immigration et la montée de l'extrême droite. Fidèle à son habitude, Christophe Honoré mélange les genres, il y a des passages chantés, d'autres dansés, il invite également la vidéo sur scène à plusieurs reprises. Un spectacle vibrant entre violence, mélancolie, tendresse et un sens avéré de l'humour, dont on ressort conquis.
Le ciel de Nantes est à voir au Théâtre de l'Odéon jusqu'au 3 avril.