Sous la dictature, une œuvre tout en finesse à hauteur d’enfant

Publié le par Michel Monsay

Sous la dictature, une œuvre tout en finesse à hauteur d’enfant

Encensé par le public cannois de la Quinzaine des Réalisateurs 2012, Enfance clandestine livre une vision poético-réaliste du militantisme péroniste argentin. Inspiré de sa propre histoire, le premier long-métrage de Benjamin Avila tranche par son authenticité. Ce n'est pas un pur récit autobiographique, mais une fiction mue par le désir de mettre en scène le mélange de peur, d'exaltation et d'innocence dans lequel a baigné l'auteur. Nous sommes en 1979, et Juan, 12 ans, revient avec ses parents à Buenos Aires après des années d’exil. Situation a priori banale, sauf que les parents de Juan militent activement dans un réseau de résistance au régime militaire. Le danger est une latence permanente, mais malgré tout, la famille continue de vivre. Le cinéaste prend de front la dernière dictature militaire et, par la distanciation du point de vue, confronte la résistance des péronistes à l’enchantement enfantin. Un parti pris intelligent qui permet d’éviter un énième pamphlet sur le sujet, et qui, par le jeu du détournement, délaisse la guérilla hors champ pour mieux nous conter l’intimité. Pris dans les filets de la pré-adolescence, Enfance clandestine plonge au cœur d’une métamorphose, celle d’un enfant sur le point de devenir grand, et de sa naïveté, le cinéaste tire une poésie touchante. Recentrée sur les visages, Enfance clandestine est une œuvre teintée d’une double beauté : celle d’une image délicatement nerveuse et celle d’un tableau subtilement nuancé. C'est une histoire simple, parfaitement incarnée qui sous le vernis d’un voyage initiatique aborde la complexité d’une guérilla longue de presque dix ans. Comment vivre normalement dans une société anormale ? Comment aimer et protéger ses enfants quand on vit dans la mire des fusils d’une junte ? Comment concilier la vie intime et le combat politique ? Questions éternelles, universelles, auxquelles ce beau film apporte non pas des réponses définitives et univoques, mais ses propres réponses, guidées par la mémoire du réalisateur.

Enfance clandestine est à voir ici pour 2,99 € en location.

Publié dans replay

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