Subtile chronique du déraillement d'une femme en mal d'amour

Publié le par Michel Monsay

Subtile chronique du déraillement d'une femme en mal d'amour

Le Ravissement est une histoire d'amitié, d'un besoin maladif d'amour et le portrait d'une femme empêtrée dans la toile de ses propres mensonges. Le film tient tout entier sur son interprète : Hafsia Herzi dévore chaque plan en imposant une présence féline, parfois caressante et vaguement inquiétante. Découverte dans l'excellent La Graine et le Mulet d'Abdellatif Kechiche en 2007, l'actrice tout en émotion contenue et en opacité paraît ici portée par un souffle authentique, une puissance de jeu presque animale. La directrice photo Marine Atlan compose une palette d'images fragiles, comme une aile de papillon de nuit, qui traduit le trouble de cette histoire. Les frontières de la morale et du crime y sont franchies, sans effusion, dans un glissement presque naturel où se brouillent un besoin d'affection vampirisant et une amitié dévorante. Le film est imprégné de beaux clichés nocturnes d'un Paris sans repères, d'une description poétique de deux âmes perdues dans la solitude de leur vie, et d'un personnage poussé vers l'impasse du crime par des sentiments d'abandons inéluctables. Et par cette idée, surtout, que pour certains le bonheur ne se trouve jamais bien loin, mais jamais à portée de main. Le premier film d'Iris Kaltenbäck décrit la complexité de l'âme humaine et confirme qu'un mot, une phrase ou encore un regard peut constituer le point de bascule d'une vie. Le ravissement est nourri par le parcours d’une femme forte et fragile à la fois, manipulatrice, sociopathe ou simple humaine au parcours cabossé. Des ambivalences parcourant ce personnage, Iris Kaltenbäck en fait sa beauté. Les instants de bonheur volés à ceux qui l’entourent semblent valoir la peine pour celle qui n’a jamais eu le sentiment d’être réellement aimée. Le Ravissement procède par cet art de la suggestion, cet éclairage subtil et formel qui essaime ses indices, les amoncelle en couches successives. Il met en scène l’imprévisible enchaînement des faits qui dirige un destin. De cette matière la réalisatrice tire avec un talent prometteur un récit troublant, dont la profondeur s’édifie à mesure que se révèlent la complexité des personnages et les mécanismes inconscients qui les font agir.

Publié dans Films

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