La petite série des Balkans qui joue dans la cour des grands

Publié le par Michel Monsay

La petite série des Balkans qui joue dans la cour des grands

Il est bon que les chaînes, quand on dit les chaînes on remercie une fois de plus Arte, volontiers obsédées par la culture anglo-saxonne ou les programmes scandinaves, se tournent vers l’est de l’Europe. Surtout quand elles sélectionnent un objet venu tout droit de Croatie aussi déroutant et réussi que celui-ci. Également aussi improbable, au vu de l’économie actuelle des productions télévisées, qu’un film sur les droits des femmes financé par le Qatar. Dès les premières minutes, on croit à une comédie loufoque mais le récit doux-amer laisse place à la peinture d’un monde pas tout à fait remis de la guerre en ex-Yougoslavie ni de l’effondrement du bloc soviétique. Plusieurs raisons expliquent la qualité de cette très belle série : l’absence totale de misérabilisme avec laquelle est filmée cette région, pas totalement déshéritée, mais plus ou moins désertée, où ne vivent plus que les retraités de l’industrie locale, abandonnée depuis longtemps. C’est aussi la dénonciation des pratiques mafieuses qui ont accompagné la dislocation du pays après la chute du communisme et sa conversion à l’économie de marché. C’est sans doute aussi la douce nostalgie et l'humour qui accompagnent ce récit post-soviétique interprété et réalisé avec finesse, qui lui donne un charme particulier et une grande capacité de séduction. La Croatie, jusqu’ici, existait surtout sur la carte des séries comme lieu de tournage de Game of Thrones. La surprise a donc été grande quand la modeste The Last Socialist Artefact a remporté, en 2021, le prestigieux prix du Panorama international du festival Séries Mania, au nez et à la barbe de plus luxueuses productions anglo-saxonnes et nordiques. Ce drame choral, drôle, émouvant et poétique, remarquablement filmé, est le fruit d'une collaboration financière avec d'autres petits pays comme la Serbie, la Slovénie et la Finlande. Cette minisérie, volontiers mélancolique, ne sombre pourtant jamais dans l’obscurité, son moteur étant profondément optimiste. C’est le portrait d’un retour à la vie, certes chaotique et incertain, d’ouvriers à la fierté retrouvée. Le réalisateur Dalibor Matanic capte leurs regards d’abord méfiants puis de plus en plus passionnés, leur affection pour leurs machines, le désir qui surgit à nouveau. The Last Socialist Artefact gagne en subtilité à chaque épisode, creuse des personnages originaux, délicats et attachants dans ce beau récit d’amitiés et de travail.

The Last Socialist Artefact est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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