Une comédie romantique et sociale drôle et mélancolique

Publié le par Michel Monsay

Une comédie romantique et sociale drôle et mélancolique

Après La Femme de mon frère et Babysitter, la cinéaste québécoise Monia Chokri signe une comédie romantique qui interroge le couple, l’amour et les normes sociales. Aime-t-on, désire-t-on ce qui nous est étranger ou ce qui nous ressemble, ce que l’on nous a appris à aimer ? Les questions sont posées sans que le film n’ambitionne d’y répondre et c’est avec une infinie habileté que Monia Chokri les déploie. Simple comme Sylvain épouse les codes de la comédie romantique, quand son héroïne succombe sciemment aux fantasmes charnels de “l’homme”, et les stéréotypes de la dissociation entre l’homme-physique et l’homme-cerveau. Mais il ramène également sans cesse le genre à une contemporanéité féministe et à une lecture politique où l’enjeu d’une relation à deux est complexifiée par un conflit de classes. La cinéaste ne se montre d’ailleurs pas toujours très tendre avec l’équation périlleuse d’une histoire entre un prolo et une intello, les deux clans en prennent pour leur grade, mais on sent qu’elle le fait non par mépris ou refus catégorique d’une possible utopie, plutôt par souci émancipateur pour une héroïne écartelée entre deux visions binaires des rapports amoureux hétérosexuels. Le film sait d’ailleurs aussi très bien capter, avec beaucoup d’allant, le surgissement dans le corps de son interprète d’un retour d’érotisme et de sensualité. Monia Chokri croque comme personne sa génération, jeunes hipsters à la dérive sentimentalement, entre humour trash et tourments existentiels, le tout sans tabou et avec une furieuse fantaisie. Dans le rôle principal, la lumineuse Magalie Lépine-Blondeau constitue une véritable révélation. Juste, intense, touchante et pétillante, elle campe admirablement une femme libre et indépendante, mesurant progressivement la difficulté à se défaire des injonctions qui lui sont faites. La réalisatrice québécoise montre dans ce joli film un don d’observation, un sens de la satire et du tempo, une écriture drôle, virevoltante et crue, une approche franche et impertinente du désir féminin, des aléas sentimentaux et des rapports de classe. Elle démonte de manière cinglante les clichés et les préjugés, et personne n’est épargné par ce petit jeu de massacre social impitoyable, à la vacherie jubilatoire.

Publié dans Films

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