Magistral pamphlet contre l'autorité abusive et intégriste de l'Église au XIXe siècle

Publié le par Michel Monsay

Magistral pamphlet contre l'autorité abusive et intégriste de l'Église au XIXe siècle

Témoin actif de l’Histoire d’une Italie qu’il n’aura eu de cesse d’évoquer, explorer, étudier, interroger et provoquer à travers son cinéma, le grand Marco Bellocchio n’a rien perdu à 83 ans de sa rage, en vigueur depuis ses débuts précoces à 26 ans avec Les poings dans les poches. Il continue d’enrichir avec régularité et pertinence, une filmographie dense et protéiforme, en variant les registres, sans jamais donner l’impression de stagner ou se répéter. Il y a quatre ans on avait adoré Le traitre, son admirable film sur la mafia sicilienne, et entre temps sa minisérie Esterno notte, diffusée sur Arte il y a six mois et consacrée à l’affaire Aldo Moro (vingt ans après l’avoir abordé via un autre prisme dans l'excellent Buongiorno Notte). Une fois de plus reparti bredouille de la croisette en mai dernier, la Palme d’honneur reçue en 2021 ne suffit assurément pas à souligner l’importance de l’auteur dans le paysage cinématographique. L'enlèvement, d'un classicisme sublime loin de tout académisme, maniant magistralement l’ampleur et l’intimisme, réussit un premier tour de force, celui de proposer une reconstitution d’envergure d'une beauté sidérante, notamment dans cette lumière claire-obscure qui baigne le film, guidée par un désir d’immersion effaçant immédiatement toute forme de distanciation temporelle. La précision et la propension de l’auteur à poser synthétiquement son contexte, rendre intelligible ses enjeux en une poignée de plans, relater une période définie tout en universalisant sa portée, attestent d’une impressionnante maîtrise qui se confirme jusqu'au plan final. L’Enlèvement, contient une charge anticléricale puissante et dénuée de complaisance, il symbolise  la volonté désespérée, ultraviolente, d’un pouvoir déclinant qui essaie de résister à son propre effondrement, en contrattaquant. Les régimes totalitaires ont souvent de tels soubresauts qui leur donnent, pour un temps seulement, l’illusion de la victoire. Véritable plaidoyer contre toute forme de fanatisme, ce nouveau chef-d'œuvre de Marco Bellocchio, remarquablement interprété par toute la troupe de comédiens notamment le jeune Enea Sala, bouleverse et marque durablement les esprits avec un mélange d’aisance et d’évidence. 

Publié dans Films

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