Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Publié le par Michel Monsay

Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Hanté par le tragique mais sans cesse secoué par sa vitalité, Le serment de Pamfir a l’ampleur d’un récit biblique qui se métamorphoserait en polar. Le chaos n’est jamais loin et la trajectoire maudite, dont le magnifique Pamfir cherche à se défaire à toute force, est implacable. Le premier long métrage de l'ukrainien  Dmytro Sukholytkyy-Sobchukun est un film de genres qui mêle avec habileté mais sans aucun artifice les décors de l’Europe de l’Est et les codes du western, le folklore à la tragédie, le mythologique au politique, le film noir et la comédie. Le cinéaste passe d’un genre à l’autre, non pour faire une démonstration de virtuosité, mais pour servir la dramaturgie de ce film à la fois limpide et puissant. Tourné à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie juste avant l’invasion russe, Le serment de Pamfir frappe d’ores et déjà à coups redoublés à la porte de l’Europe. Dans une région de contrebande intense, le film met en scène le retour au village d’un rude père de famille, parti à l'étranger gagner l’argent de son foyer. Sans jamais tomber dans l’esthétisation vaine, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk parsème le film de tableaux aux frontières du réel, dévoilant un théâtre hostile et sauvage, tout en bois, boue et brume. La force de conviction du Serment de Pamfir, son pouvoir d’entraînement, est de ne pas s’embarrasser d’explications, de ne pas traîner en route, d’avancer de manière irrésistible, fût-ce vers le pire. Filmé en longs et sinueux plans-séquence, englué dans la boue du village et l’obscurité primitive des bois, le récit, en son mouvement profond, marche vers la lumière. Il confère aux personnages qui le peuplent et qui s’y affrontent un statut qui les grandit, les transcende. Ils deviennent les personnifications d’une nation ukrainienne qui affirme avec de plus en plus de force, au risque de sa souveraineté et de son existence même, sa volonté de sortir de la sphère d’influence de la Russie. Telle est la grande force de Dmitro Sukholytkyy-Sobchuk. D’avoir su donner à un simple film de genre la résonance d’une mythologie politique. Ce remarquable premier film séduit par sa mise en scène virtuose et la performance incandescente de son interprète principal.

Le serment de Pamfir est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

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